Les avocats du nouveau président kényan élu Uhuru Kenyatta devaient demander lundi à la Cour pénale internationale d'abandonner les charges de crimes contre l'humanité retenues contre leur client dans le cadre des violences post-électorales de 2007-2008.
Lors d'une audience prévue à 15H00 (14H00 GMT), l'avocat de la défense Steven Kay devrait en effet demander aux juges de renvoyer l'affaire au stade de la confirmation des charges, c'est-à-dire de réexaminer leur décision de mener un procès, prévu pour s'ouvrir le 9 juillet, contre Uhuru Kenyatta.
"Les preuves sur lesquelles ils (l'accusation) comptent s'appuyer sont complètement défectueuses", a notamment assuré Me Kay dans un communiqué publié par le parti de M. Kenyatta, le Parti de l'unité nationale (PNU), avant l'audience de lundi.
L'audience sera suivie de très près au Kenya, surtout que le procureur de la CPI Fatou Bensouda avait décidé le 11 mars d'abandonner les poursuites contre le co-accusé de M. Kenyatta, le haut fonctionnaire Francis Muthaura, réputé très proche du président sortant Mwai Kibaki.
Cette décision, la première de ce genre depuis la création de la CPI en 2002, avait été prise suite au retrait de sa déclaration par un témoin, au décès d'autres témoins et au manque de collaboration avec le bureau du procureur de la part des autorités kényanes, avait affirmé Mme Bensouda.
Selon la défense de M. Kenyatta, la déclaration du témoin "OTP-4" formait la base du dossier du procureur contre son client. Or, ce témoin s'est depuis rétracté, avec pour conséquence directe l'abandon des charges contre M. Muthaura.
La défense de M. Kenyatta estime que les charges contre M. Kenyatta devraient dès lors également être abandonnées, alors que Fatou Bensouda souhaite le poursuivre malgré tout, assurant disposer d'autres preuves contre lui.
Le 9 mars, après une semaine de dépouillements, Uhuru Kenyatta a été officiellement déclaré vainqueur de la présidentielle au Kenya dès le premier tour. La victoire est contestée par le Premier ministre sortant et rival de Kenyatta, Raila Odinga, déjà candidat en 2007.
Si la CPI devait décider de maintenir les cinq chefs de crimes contre l'humanité retenus contre M. Kenyatta, celui-ci serait le premier chef d'Etat en exercice à faire l'objet d'un procès devant la CPI. Durant la phase préliminaire de la procédure, il a comparu volontairement et libre devant la CPI, et ne fait donc pas l'objet d'un mandat d'arrêt.
La CPI avait décidé en 2012 de poursuivre, dans deux procès séparés, deux membres de chacun des camps qui s'étaient affrontés au cours des violences, les plus graves de l'histoire du Kenya indépendant (plus de 1.000 morts et plus de 600.000 déplacés), qui avaient suivies la réélection contestée du président Kibaki.
Au final, Mwai Kibaki, du PNU, et son rival Raila Odinga, du Mouvement démocratique orange (ODM), s'étaient partagés le pouvoir, le premier comme président, le second comme Premier ministre.
La CPI soupçonne M. Kenyatta - qui nie - d'avoir rémunéré un gang criminel pour mener des représailles et défendre sa communauté quand le Kenya était au bord de la guerre civile après les résultats contestés du scrutin présidentiel de 2007.
Battu de justesse, Raila Odinga a de son côté déposé samedi un recours devant la Cour suprême contre les résultats de l'élection alors que des incidents ont opposé, devant le bâtiment de la Cour suprême, des partisans de M. Odinga à la police.
Les journaux kényans préféraient quant à eux lundi se détourner de la procédure devant la CPI pour se concentrer sur l'appel de M. Kenyatta "à prier et à maintenir la paix".