L'Italie se trouvait dans une impasse politique mardi, sans vainqueur clair des élections nationales, ce qui a fait retentir de multiples sonnettes d'alarme en Europe sur un possible retour de la crise dans la zone euro.
Les marchés financiers ont réagi très négativement à l'annonce d'une victoire à l'arraché du centre gauche à la Chambre des députés (29,54% contre 29,18% à la droite berlusconienne) et à son incapacité à former une majorité au Sénat.
Les politologues italiens cherchaient à analyser mardi le "boom de Grillo", l'ex-comique dont le Mouvement Cinq Etoiles s'est adjugé un quart des suffrages dans les deux chambres et se retrouve en position d'arbitre.
Stefano Folli du Sole 24 Ore a expliqué ce vote protestataire massif par "la méfiance à l'égard de la monnaie unique et des sacrifices imposés" par l'Union européenne en 15 mois de gouvernement technique de l'ex-commissaire européen Mario Monti.
Le directeur de La Stampa Mauro Calabresi a estimé que l'impact social des plans d'austérité adoptés depuis la mi-2011 a été largement sous-estimé par la classe politique.
De son côté, la Commission européenne a assuré avoir entendu le "message d'inquiétude" envoyé par les citoyens italiens tout en demandant à Rome "d'honorer ses engagements" budgétaires et de réformes.
La perspective d'une "ingouvernabilité" de la troisième économie de la zone euro a provoqué des remous sur les marchés: la Bourse de Milan perdait près de 4% en début d'après-midi. Les taux obligataires étaient dangereusement proches des 5% (à 4,8%) ravivant le spectre de la tempête qui avait dévasté la zone euro en 2011 quand les taux italiens frisaient les 7%. L'Italie inquiète parce qu'elle est en forte récession (-2,2% pour le PIB en 2012) et ploie sous une dette colossale supérieure à 2.000 milliards d'euros.
"Le pays qui a le plus besoin de stabilité en Europe va avoir un gouvernement qui risque de ne pas durer plus que quelques mois", s'est inquiété James Walston, professeur de relations internationales à l'Université américaine de Rome.
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Dans des déclarations à des télévisions, Beppe Grillo a assuré que son mouvement, qui pourra compter sur 54 sénateurs et 109 députés, "n'est pas opposé au reste du monde". "Nous verrons réforme par réforme, loi par loi, s'il y a des propositions compatibles avec notre programme, nous les examinerons".
Le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle a souhaité que l'Italie se dote "vite" d'un gouvernement "stable", afin de poursuivre la politique de réformes "dans l'intérêt de toute l'Europe".
Le grand perdant du scrutin est celui qui faisait figure de "chouchou" du reste de l'Europe: Mario Monti a recueilli tout juste 10% dans les deux chambres. Il s'est malgré tout dit "satisfait" du résultat de sa formation Choix Civique née "il y a seulement deux mois" et son entourage a dit miser sur une possible "grande coalition" pour gouverner l'Italie.
Il faudrait pour cela une alliance entre le PD de Pier Luigi Bersani, le PDL de Silvio Berlusconi et le centre de M. Monti.
Sur son blog, Beppe Grillo a déjà exclu de participer à "un grand ramassis de politicards". "On va assister à une réédition du gouvernement Monti mais le M5S ne s'alliera avec personne".
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Le Cavaliere qui, à 76 ans, menait sa sixième campagne en 18 ans et a opéré une remontée spectaculaire en deux mois et demi de campagne, a semblé prêt à envisager un mariage provisoire avec le PD -- "il faut prendre le temps de la réflexion" -- mais a exclu tout accord avec M. Monti.
Difficile en effet de réconcilier deux dirigeants qui se sont envoyés des noms d'oiseaux ces derniers temps, le premier dénonçant un gouvernement Monti "agenouillé" devant une "Allemagne hégémonique", tandis que l'ex-commissaire européen accusait son prédécesseur d'"acheter le vote des Italiens" avec sa promesse de remboursement d'une impopulaire taxe foncière.
Dans l'attente de déclarations de son chef dans l'après-midi, le centre gauche restait énigmatique sur ses intentions mais il tentera probablement de former une majorité.
Pier Luigi Bersani, un ancien communiste de 61 ans connu pour avoir mené sous le gouvernement Prodi une ambitieuse politique de libéralisation, est considéré comme un pragmatique et s'est engagé à maintenir la discipline budgétaire.
Il pourrait faire une ouverture en direction de l'électorat de Beppe Grillo, formé de nombreux jeunes "précaires" du marché du travail, de retraités déçus de la droite comme de la gauche, mais aussi de petits entrepreneurs écrasés par la fiscalité.
Si aucune alliance n'était trouvée, le président Giorgio Napolitano pourrait piloter la formation d'un nouveau gouvernement technique qui se contenterait de réformer le système électoral avant un rapide retour aux urnes.