Une simple natte en guise de couche, repas de légumes, méditation et lever aux aurores dans un temple bouddhiste au milieu de nulle part: en Corée du Sud, le tourisme spirituel attire chaque année des centaines de milliers de personnes en quête d'un autre voyage.
"Je cherchais l'isolement dans les montagnes et la vie traditionnelle", raconte Helena Ranneberg, qui a passé plusieurs jours au temple de Mihwangsa, à environ 300 kilomètres au sud-ouest de Séoul.
"Le plus difficile pour moi a été de m'asseoir ou de dormir sur le sol en bois. Je ne pouvais pas dormir la nuit", confie cette consultante internet de nationalité danoise.
Une épreuve quand on sait que les journées commencent à 04H00 par un réveil aux percussions pour tous les pensionnaires, moines et visiteurs.
Etudiants ou salariés, Sud-Coréens ou étrangers, la dizaine d'hôtes séjournant à Mihwangsa en même temps que l'AFP est attendue ce matin-là comme tous les matins dans la salle de méditation.
Encore assoupis, ils forment une drôle de procession dans leurs kimonos gris.
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La mode du "Templestay" (séjour en temple) est née après la Coupe du monde de football de 2002 en Corée du Sud et au Japon lorsque le gouvernement de Séoul avait lancé un appel à toutes les structures d'hébergement potentielles afin de pallier un accueil hôtelier insuffisant.
L'ordre de Jogye, l'une des principales sectes bouddhistes du pays, avait immédiatement répondu.
"Il existait alors une vision commune au sein du bouddhisme selon laquelle nous devions interagir avec le monde extérieur en nous ouvrant au public", explique Kumgang, le moine supérieur de Mihwangsa.
En 10 ans, plus de deux millions de touristes ont séjourné dans la centaine de temples affiliés. En 2011, ils étaient 212.437 dont 12% d'étrangers.
Les tarifs, proportionnels au confort offert, sont modiques pour le pays, de 50.000 à 80.000 wons (35-55 euros) par personne et par nuit.
Pendant leur temps libre, les hôtes peuvent effectuer des randonnées dans les environs, lire, partager le thé ou aider à l'une des nombreuses activités du temple. Alcool et tabac sont en revanche proscrits.
"En dehors des cérémonies (religieuses), je me repose, je bois le thé avec les moines et nous discutons de l'existence (...). Tout ce dont je rêvais", confie Park Seung-Kyung, une jeune femme au foyer qui a prévu de rester trois jours.
Aucun des moines de Mihwangsa ne parle anglais mais un laïc sert d'interprète.
Et puis, au fond, quelle importance. Les grands plaisirs, comme les grandes douleurs, sont souvent muets.
"Avant l'aube, j'avais du temps pour moi dans l'obscurité totale, je m'asseyais pour contempler l'architecture traditionnelle. Et c'était vraiment quelque chose de différent que je n'aurais pu connaître ailleurs", explique ainsi Helena Ranneberg.
Depuis 2004, le gouvernement a apporté environ 75 millions d'euros au programme "Templestay" au titre de la promotion de la culture coréenne traditionnelle.
Une aubaine pour le bouddhisme qui a peu à peu perdu de son influence après la guerre de Corée (1950-53) au bénéfice du christianisme, dont se réclame aujourd'hui près d'un Sud-Coréen sur trois.
Les bouddhistes, qui représentent environ 20% de la population, digèrent d'autant moins bien leur marginalisation qu'en Corée les évangélistes tiennent le haut du pavé et affichent un prosélytisme contrastant avec leur propre discrétion.
Le site internet officiel de "Templestay" stipule que le programme est uniquement à vocation culturelle et n'a pas pour dessein de promouvoir une religion.