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La longue marche de Ladany, rescapé de l'attentat de Munich

Shaul Ladany, figure légendaire de la marche sportive, dans sa maison d'Omer, au sud d'Israël, le 30 avril 2012[AFP/Archives]

Tous les ans, le jour de son anniversaire, Shaul Ladany, un rescapé des camps nazis et du massacre des sportifs israéliens aux JO de Munich en 1972, parcourt le nombre précis de kilomètres correspondant à son âge. Le 2 avril dernier, il a donc parcouru 76 kilomètres.

Quarante ans après avoir survécu au massacre commis par un commando palestinien de "Septembre Noir" lors des JO de Munich en 1972, ce vétéran du bitume de nationalité israélienne reste une des figures légendaires de la marche athlétique.

Sa carrière olympique a commencé à Mexico en 1968, et aujourd'hui encore il détient le record du monde du 50 miles (80 km), homologué en 1972 (en 7 heures, 23 minutes et 50 secondes).

Il y a six ans, il a décroché le titre mondial du 100 miles pour les plus de 70 ans.

Avec le temps, Shaul Ladany s'est tassé et ses jambes se sont légèrement arquées, mais il continue de marcher.

Il est 07H00 précises quand il entame son circuit minimum quotidien de 15 km à Omer, une localité résidentielle proche de Beersheva, dans le désert du Néguev (sud).

Chaussettes et baskets blanches, short flottant jaune, coupe-vent bleu, coiffé d'un bob rose délavé, épaisses lunettes de vue, il fonce, trapu, le buste en avant, les bras marquant le rythme à la façon d'un métronome.

Les règles de la marche sportive sont rigoureuses: ne jamais courir, avoir toujours un pied au sol et ne jamais plier la jambe de soutien. Résultat: une silhouette un peu désarticulée et une allure mécanique qui ne surprennent plus personne dans les rues d'Omer, bordées de villas coquettes noyées sous les rosiers et les bougainvillées.

"Tout effort physique répété porte ses fruits. Grâce à la marche, je reste en forme et je peux me surpasser", explique le marcheur devant la vitrine de son salon où sont rassemblés des centaines de trophées, coupes, médailles, fanions et certificats de tant de compétitions internationales.

"En comptant les entraînements sévères, et à raison de 6.000 à 7.000 kilomètres par an, j'ai largement parcouru plus d'un demi-million de km", calcule-t-il, en précisant qu'à chacun de ses anniversaires, il entreprend une marche équivalente en kilomètres à son âge.

Le roi du bitume

A Tel-Aviv, le président du Comité olympique israélien, Zvi Varshaviak, ne tarit pas d'éloges: "Ladany est l'un de nos grands sportifs. En son temps, il fut l'un des meilleurs de sa discipline peu connue. Et il n'est pas si vieux, quand on sait que notre président, Shimon Pérès, approche les 90 ans".

A Londres, lors des prochains Jeux Olympiques comme toujours depuis 40 ans, Israël organisera une cérémonie pour commémorer ses 11 athlètes et entraîneurs tués à Munich. Un policier allemand et cinq membres du commando palestinien ont aussi trouvé la mort durant cette prise d'otages.

"Il était environ deux heures et demie du matin quand on m'a réveillé pour m'avertir que des terroristes arabes se trouvaient au village olympique", raconte Ladany, qui est parvenu à s'enfuir par une porte-fenêtre de sa chambre.

"J'ai souvent vécu des situations traumatisantes", confie-t-il en évoquant le bombardement de sa maison par la Luftwaffe en avril 1941 à Belgrade, sa ville natale en Yougoslavie.

Ensuite réfugié pendant trois ans à Budapest, Ladany est rattrappé par les nazis qui l'expédient avec ses parents et deux soeurs dans le camp de concentration de Bergen-Belsen. "La faim tenaillait, et il y avait ces interminables appels des SS dans le vent glacial et la pluie", se souvient-il.

Mais, six mois plus tard, il figure avec ses parents sur une liste de 1.685 Juifs, dont 318 enfants, qu'Adolf Eichmann, un des artisans de la "Solution finale", a accepté de relâcher pour la Suisse contre une rançon de 1.000 dollars US par personne.

Initialement, l'échange négocié par Rudolf Kastner, un émissaire du mouvement sioniste, portait sur 10.000 camions fournis par les Alliés via l'Agence juive à l'armée allemande contre un million de Juifs hongrois.

"Je suis en quelque sorte un éternel trompe-la-mort", résume Shaul Ladany.

Immigré en Israël à la naissance de l'Etat en 1948, marié, père d'une fille, et trois fois grand-père, ce polyglotte a parallèlement mené une carrière de professeur en ingénierie industrielle et gestion.

Auteur de 13 ouvrages scientifiques, il a raconté son étonnant parcours dans sa biographie "King of the Road" (Le Roi de la Route).

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