La force de l'Union africaine en Somalie a chassé hors de Mogadiscio les islamistes shebab, également confrontés aux armées kenyane et éthiopienne dans le sud et le centre du pays, mais ces gains militaires restent fragiles, préviennent les analystes.
Les soldats ougandais et burundais de la force africaine (Amisom) stationnée à Mogadiscio ont encore conquis mi-février de nouvelles positions, leur ouvrant désormais la voie vers Afgoye, bastion shebab à une trentaine de km au nord-ouest.
"La bataille d'Afgoye, c'est pour très bientôt", a assuré à l'AFP le général burundais Audace Nduwumunsi, commandant en second de l'Amisom, qui soutient le fragile gouvernement de transition.
Les shebab répliquent en lançant des attentats suicide comme celui qui a fait au moins 15 morts ce mois-ci dans le centre-ville.
Le centre et le sud somaliens restent encore pour l'essentiel sous contrôle shebab, mais, dans une moindre mesure qu'à Mogadiscio, l'emprise de ces derniers s'y est aussi réduite.
Plus de 4.000 soldats kényans, entrés en Somalie mi-octobre, ont grignoté des positions dans le sud en attendant un possible assaut sur Kismayo, deuxième port du pays et poumon économique des islamistes. Des troupes éthiopiennes ont conquis la ville de Beledweyne et se préparent à attaquer celle de Baïdoa, selon le général Nduwumunsi.
Mais ce basculement du rapport de forces - en 2009, les shebab n'étaient pas loin de prendre le palais présidentiel de Mogadiscio - est tout sauf acquis.
Difficile, d'abord, de mesurer la réalité de l'affaiblissement des rebelles, depuis peu officiellement intégrés à Al-Qaïda, et pouvant mobiliser de 5.000 à 8.000 combattants selon les estimations.
Côté pro-gouvernemental, il faut parvenir à coordonner les forces étrangères, dont une présence prolongée risque d'alimenter le ressentiment en Somalie.
Peu armés, mal payés
A condition de régler la question du commandement unifié et du financement, les Kényans devraient être intégrés à l'Amisom -- qui souhaite faire passer ses effectifs de près de 10.000 soldats aujourd'hui à 17.731 --.
Les Ethiopiens, souvent détestés des Somaliens en raison de contentieux territoriaux, ont promis quant à eux de rendre les villes conquises à l'armée somalienne.
Mais cette dernière reste avant tout un agglomérat de milices locales et de soldats peu armés et mal payés. "Un mois on est payé, l'autre pas", reconnaît le soldat du rang Seydo Muktar Abdulle, 22 ans, sur le front nord de Mogadiscio.
Un de ses camarades, Ahmed Ayuni, 21 ans, présenté à l'AFP comme un soldat somalien, reprend aussitôt son supérieur. "Je suis Ahlu Sunna", réplique-t-il en référence au nom d'une milice soufi bien implantée dans le centre. Avant de nuancer: "nous sommes ensemble, le gouvernement et Ahlu Sunna, nous vivons et nous nous battons ensemble."
"Même sur la ligne de front, leur loyauté va à leur milice, à leur chef de guerre. La seule chose qui les tient ensemble, c'est l'argent," s'inquiète un diplomate africain sous couvert d'anonymat.
Pour J. Peter Pham, du centre de réflexion Atlantic Council, mettre en échec les shebab est possible. A condition de convaincre les responsables locaux qui en contrôlent l'essentiel des hommes de "se désolidariser" des rebelles.
Mais "la défaite des shebab ne ramènera pas à elle seule la paix en Somalie", prévient un diplomate occidental, pour qui les islamistes sont avant tout "le résultat du conflit initial en Somalie, un conflit clanique déclenché par le problème (de la répartition) des terres".
La Somalie est privée de gouvernement effectif depuis la chute du président Mohamed Siad Barre en 1991. Incapable de contrôler seul une quelconque partie du territoire, le gouvernement de transition "est tellement corrompu qu'il n'a aucune légitimité pour les Somaliens", selon M. Pham.
Consolider politiquement les récents gains militaires sera donc un des enjeux de la conférence internationale sur la Somalie convoquée jeudi à Londres, et qui pressera les actuelles autorités de transition de passer, comme convenu, la main à de nouvelles institutions le 20 août prochain.