Bernard Tapie, en mettant la main sur les titres du sud du Groupe Hersant Médias (GHM), amorce un retour à Marseille, où l'attendent des journalistes inquiets et une classe politique sur ses gardes.
Bernard Tapie reviendra aux sièges de Nice-Matin et de La Provence début janvier, souhaitant "enclencher très rapidement" son projet de développement et diversification, selon le directeur de GHM Dominique Bernard.
Le groupe souhaite "enclencher très rapidement ce projet de développement", qui implique "un investissement de 50 millions d'euros sur Paca, dans le numérique et l'événementiel", et "passera par des acquisitions" notamment, a précisé à l'AFP vendredi le directeur général du Groupe Hersant Médias.
L'offre de l'homme d'affaires, allié à la famille Hersant, a été retenue mercredi par les banques créancières du groupe. Dès jeudi, il s'est rendu au siège de Nice-Matin, puis à celui de La Provence à Marseille, dont il a rencontré les directions en compagnie de Philippe Hersant, la rédaction ayant eu droit à un compte rendu de ses projets.
"Il nous a expliqué avec ses mots, sa passion, son envie et son amour de Marseille. Il nous a dit avec humour qu'il ne connaissait pas trop la presse, qu'il n'aimait pas forcément ça, mais qu'il était content d'être à Marseille", a relaté Philippe Minard, directeur des rédactions de La Provence, après la rencontre.
Selon lui, Bernard Tapie prendra la direction du conseil de surveillance de GHM. Il en conservera tous les titres, souhaitant développer un grand groupe de presse dans le sud, diversifié dans l'audiovisuel -il a déjà rencontré le patron de la chaîne marseillaise LCM- et internet, mais aussi l'événementiel, pour un investissement de 40 à 50 millions d'euros. Avec le lancement de 300.000 abonnements gratuits.
Au programme également, "une charte d'attitude" des journalistes, qui s'assurera "de l'extérieur" qu'ils s'intéressent "aux faits et rien qu'aux faits". Curieusement, le président PS du département Jean-Noël Guérini, en proie à des ennuis judiciaires, a fait le même voeu en saluant l'arrivée de M. Tapie dans GHM.
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En prévision de l'arrivée d'un repreneur, une Société des journalistes nouvellement créée à La Provence avait déjà rédigé une charte qui sera soumise au nouvel actionnaire. M. Minard a souhaité, lui, que les reporters puissent travailler "dans des conditions normales", notamment sur les affaires en cours.
Au sein de la rédaction de La Provence, dont certains membres ont eu maille à partir avec l'ancien président de l'OM dans les années 90, on évoquait jeudi matin une "grosse inquiétude", qui ne s'est pas dissipée après la venue de M. Tapie.
"On a une impression de flou terrible ce soir", a souligné Serge Mercier, élu du Syndicat national des journalistes (SNJ), tandis que le SNJ-CGT et la CFDT, au niveau national, ont réclamé des explications au gouvernement.
"C'est clair que des confrères vont faire valoir la clause de cession", a estimé un journaliste de La Provence, un autre prédisant "l'enfer" si M. Tapie devait se présenter aux municipales de 2014 à Marseille, ce que l'intéressé a "démenti catégoriquement" à la direction de La Provence.
Dans une lettre adressée au conciliateur de la reprise de GHM, révélée par Libération jeudi, l'homme d'affaires indique s'être engagé en ce sens auprès de Philippe Hersant, ou, en cas de candidature, à céder ses parts au profit d'une association caritative.
A Marseille, l'ancien ministre de la Ville (1992-1993), élu député en 1989 sous les couleurs de la gauche, est attendu de pied ferme par la classe politique.
Pour le maire UMP Jean-Claude Gaudin, qui pourrait briguer un quatrième mandat, l'arrivée de M. Tapie à GHM est "une bonne chose pour la liberté de la presse". Pour le reste, "en politique, quand on dit +jamais+, ça veut dire +pas pour l'instant+, alors je m'attends à tout", a ajouté l'élu.
Le porte-parole local des Verts, Sébastien Barles, a lui estimé que l'alliance Hersant-Tapie "nous rapproche un peu plus de l'Italie berlusconiste où affairisme, contrôle de la presse, ambition personnelle et argent-roi se mélangent dans un cocktail mettant en péril notre démocratie".