Le virus de la grippe aviaire est-il en train de se transformer ? Aux Etats-Unis, des experts tirent la sonnette d'alarme face à la propagation de la maladie parmi des vaches laitières, pouvant indiquer une mutation du virus. Des cas humains ont également été rapportés.
La grippe aviaire ne tourmente plus seulement les oiseaux. Aux Etats-Unis, le virus infecte désormais des vaches laitières mais aussi des humains, montrant des signes de mutation. Certains experts alertent sur le possible déclenchement d'«une nouvelle pandémie».
Les autorités sanitaires américaines restent pour l'instant convaincues que le risque pour la santé de la population générale est faible mais, depuis 2020, le nombre de foyers chez les oiseaux a bondi : selon l'Organisation mondiale de la santé animale, plus de 300 millions de volailles ont été tuées en lien avec la maladie depuis octobre 2021 et 315 espèces d'oiseaux sauvages atteintes ont été détectées dans 79 pays.
Le virus s'est manifesté dans des régions du monde jusqu'alors épargnées, comme l'Antarctique, et un nombre croissant d'espèces de mammifères a été touché. Des phoques ayant mangé des oiseaux morts infectés sont tombés malades et les cas de grippe aviaire détectés dans des troupeaux américains de vaches laitières datent de mars.
A single mutation in bovine influenza H5N1 can cause the virus to switch affinity from animal-type receptors to human-type receptors, according to a new Science study.
The findings highlight the crucial need for continuous surveillance of emerging H5N1 mutations.… pic.twitter.com/7NC2tnznBp— Science Magazine (@ScienceMagazine) December 9, 2024
Plus inquiétant encore : sur 115 travailleurs laitiers testés dans le Michigan et le Colorado, 8 présentaient des anticorps contre la grippe aviaire, laissant supposer un taux d'infection de 7%. En population générale, le Centre de contrôle et de prévention des maladies indique que 58 américains ont été testés positifs à la maladie cette année. Deux d'entre eux n'avaient pas été exposés auparavant à des animaux infectés.
Pour contaminer efficacement les poumons humains, le virus H5N1 est obligé de muter, ce qui constitue en théorie une protection. Mais, selon des recherches publiées jeudi dans la revue Science, la maladie telle qu'elle a été identifiée chez des vaches laitières n'est plus qu'à une mutation d'une propagation plus aisée parmi les hommes.
D'après Ed Hutchinson, virologue de l'université écossaise de Glasgow, le récent séquençage génétique d'un adolescent canadien très malade de la grippe aviaire a montré que le virus a commencé à évoluer pour trouver des moyens de se lier plus efficacement aux cellules du corps.
Le virus n'est donc qu'à «un simple pas» de devenir «plus dangereux pour nous» mais «nous ne savons pas encore si le virus de la grippe H5N1 évoluera pour se muer en maladie humaine», ajoute-t-il.
Des traitements et vaccins existent
En tant qu'épidémiologiste à l'institut américain SAS, Meg Schaeffer, elle, estime que «la grippe aviaire frappe à notre porte et pourrait déclencher une nouvelle pandémie». Si elle devait se déclarer, cette dernière serait selon elle «extrêmement grave» chez l'homme, faute d'immunité acquise.
Plus optimiste, Tom Peacock, virologue à l'Imperial College de Londres, rappelle de son côté que des traitements antiviraux et des vaccins existent déjà, ce qui fait une différence majeure par rapport au Covid en 2020.
Jusqu'ici, les cas détectés parmi les travailleurs agricoles sont restés bénins mais près de la moitié des 904 humains de H5N1 enregistrés depuis 2003 ont été mortels, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Dans ce contexte, la directrice du département Prévention et préparation aux épidémies et pandémies de l'OMS, Maria Van Kerkhove, a appelé à se «préparer à l'éventualité d'une pandémie de grippe aviaire», même si «nous n'en sommes pas encore là».
Cela passe notamment par le renforcement des contrôles, des équipements de protection des travailleurs susceptibles d'être exposés mais aussi du partage d'informations. Vendredi, le ministère américain de l'Agriculture a en outre annoncé un plan visant à tester l'approvisionnement en lait pour y détecter le virus de la grippe aviaire. Plusieurs fois contaminé, le lait cru ou non pasteurisé est notamment au coeur des préoccupations.