Après l’interrogatoire de 49 des 51 accusés dans le procès des viols de Mazan, les trois enfants de la victime, Gisèle Pelicot, ont été auditionnés ce lundi. Profondément marqués par la décennie de viols orchestrés sur leur mère par leur père, ils ont mis en lumière les parts d’ombre liées à l’affaire.
Une famille déchirée. Les trois enfants de Gisèle Pelicot ont été auditionnés ce lundi 18 novembre dans le cadre du procès des viols de Mazan, dont les agressions sexuelles ont été orchestrées pendant une décennie par leur père à l’égard de leur mère.
Ces derniers ont ainsi partagé leur dégoût devant les actes énoncés devant la cour criminelle du Vaucluse, ainsi que les multiples questions entourant leur géniteur à leur égard.
«Une famille anéantie»
David, l’aîné de la fratrie, a d’abord rappelé l’onde de choc occasionné par cette affaire au sein de sa famille. «Pour moi, c'est le procès de toute une famille, qui a été totalement anéantie (…) Il est très compliqué d'expliquer à ses enfants qu'ils ne reverront plus leur grand-père», a confié ce dernier.
«Ma famille a envie et continuera de se battre et espère surtout qu'à l'avenir, nous puissions effacer, faire disparaître dans nos têtes l'homme qui est à ma gauche», a poursuivi David en évoquant son père, qu’il a préféré nommer «monsieur».
«Ce que j'attends de ce procès, (...) c'est que ces hommes derrière mon dos (NDLR: les coaccusés), cet homme dans ce box, soient punis pour les horreurs et les atrocités qu'ils ont commises sur ma mère», a martelé le quinquagénaire.
David a ensuite interpellé son père. «Si tu as encore un peu d’humanité, tu entends ? Je voudrais que tu dises la vérité sur les agissements que tu as eus sur ma sœur, qui souffre tous les jours et qui souffrira toute sa vie, car je pense que tu ne diras jamais la vérité ! Et sur mon fils aussi», a martelé ce dernier.
Le père de famille a rétorqué qu’il ne s’était «rien» passé, «sur aucun» des deux membres de la famille cités, malgré certains échanges montrant Dominique Pelicot demandant à l’un de ses petits-enfants de «jouer au docteur» avec lui.
«Tu étais le diable en personne»
Florian, le benjamin de la fratrie, âgé de 38 ans, a ensuite pris la parole pour enfoncer davantage son père. «Tu as dit de notre mère que c'était une sainte, mais toi tu étais le diable en personne», a affirmé ce dernier en s’adressant à son géniteur.
Florian a également fait part de son envie de réaliser un test de paternité afin de «savoir si (s)on père est vraiment (s)on père» car il «n’en dort plus la nuit». «Aujourd'hui, je ne sais pas qui est cet homme», a conclu le plus jeune frère de la famille.
«La grande oubliée»
L'unique fille du couple, Caroline, a pris la parole en dernière devant la cour criminelle du Vaucluse, se présentant comme «la grande oubliée» de cette vaste affaire des viols de Mazan.
«Gisèle a été violée sous soumission chimique, mais la seule différence entre elle et moi, c'est le manque de preuves me concernant. Pour moi, c'est un drame absolu», a affirmé Caroline Darian, le nom de plume sous lequel elle a publié un livre en avril, intitulé «Et j'ai cessé de t'appeler papa».
À l'automne 2020, les trois enfants du couple ont appris les nombreux viols orchestrés par leur père sur leur mère, qu'il droguait aux anxiolytiques pour l'offrir à des dizaines d'hommes recrutés sur internet.
Ils ont également découvert que Dominique stockait sur son ordinateur des images de Caroline nue, prises à son insu. Sur certaines d’entre elles, elle semblait endormie, portant parfois des dessous de sa mère. Depuis, elle est «convaincue» qu'elle aussi a été droguée et violée par son père, même si ce dernier continue de nier cette accusation.
En attendant de potentielles réponses de celui qu'elle n'appelle plus que son «géniteur», Caroline Darian a indiqué tenter de «se reconstruire», car sa vie est «suspendue depuis quatre ans».
«Pour moi, ce procès, (...) c'est aussi le procès historique de la soumission chimique en France. Moi, j'œuvre en coulisses, j'interpelle les pouvoirs publics. Mais à quel prix ? Celui de ma santé mentale, au prix de ma survie et de ma réparation personnelle», a conclu Caroline.