La ville d’Arras (Pas-de-Calais) organise une cérémonie d’hommage à Dominique Bernard ce dimanche 13 octobre. Ce professeur de français avait été mortellement poignardé il y a un an par un terroriste d’origine russe. Depuis, plusieurs mesures ont été prises afin de garantir la sécurité des professeurs.
Le 13 octobre 2023 à Arras (Pas-de-Calais), le professeur de français, Dominique Bernard, a été lâchement assassiné par le terroriste russe, Mohammed Mogouchkov. Un an après, c’est toute la ville qui lui rend hommage ce dimanche.
Comme l’indique la ville d’Arras sur le réseau social Facebook, la cérémonie de ce 13 octobre a été imaginée avec les familles des victimes et l’ensemble de la communauté éducative de la cité scolaire Gambetta-Carnot. Elle vise à «mettre en lumière les valeurs de la République, la liberté et le vivre-ensemble».
Mais cette même profession a été profondément endeuillée, il y a quatre ans, soit le 16 octobre 2020, à la suite de l’assassinat du professeur d’histoire-géographie Samuel Paty peu après sa sortie de son collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Son assassin, Abdoullakh Anzorov, est un Russe d’origine tchétchène de 18 ans, bénéficiant du statut de réfugié.
Autant de tragédies qui ont secoué le monde de l'éducation. «Il n’y avait pas que des professeurs d’histoire-géographie qui ont été assassinés. Dominique Bernard et Samuel Paty ont été assassinés par une idéologie intégriste musulmane. Cela est sans rappeler l’assassinat de la professeure d’espagnol Agnès Lassalle par un élève psychologiquement instable. En 2018, il y a également d’autres professeurs qui ont été tués par des activistes politiques ou des déséquilibrés», rappelle Marie*, professeure d’histoire-géographie, à CNEWS.
«Le professeur d’histoire géo peut être une cible pour les intégristes»
Tout comme Samuel Paty, tué après avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet lors d'un cours sur la liberté d’expression, le professeur de français Dominique Bernard a été assassiné par un islamiste car il incarnait, selon les propos du terroriste, «l’amour» de la France. Bien que tous les professeurs soient généralement exposés aux violences, ce sont principalement ceux d’histoire-géographie qui sont en première ligne face au terrorisme.
«Si cela vient d’une idéologie se proclamant agir au nom d'Allah, c’est vrai que les professeurs d’histoire-géographie sont particulièrement touchés parce que notre fonction consiste à travailler l’enseignement moral et physique. Dans celui-ci, il est toujours question de laïcité, des droits fondamentaux de la France et des libertés. C’est en cela que le professeur d’histoire-géographie peut être une cible pour les intégristes», a noté Marie.
Selon l’enseignante, «notre fonction est premièrement d’expliquer le passé, le présent et le monde qui nous entoure pour préparer les élèves à être les citoyens de demain. C’est en cela qu’elle est importante. Néanmoins, elle peut aussi choquer, voire exacerber et engendrer des désaccords ou des idées idéologistes».
Des annonces successives
Après l’attentat d’Arras, deux réunions avaient eu lieu avec les associations d’élus locaux pour définir les mesures de sécurité possibles. À l’époque, la Première ministre Elisabeth Borne avait évoqué la piste d’une généralisation des boutons d’appel dans les collèges et lycées.
Parallèlement, un audit sur la sécurité dans les établissements avait été lancé. Il avait conduit à identifier 500 établissements scolaires «pour lesquels un renforcement des dispositifs d'alerte et de sécurisation était nécessaire», avait indiqué en mars 2024 Gabriel Attal, alors Premier ministre. Il avait ensuite précisé en avril que 150 établissements «identifiés comme les plus à risques» avaient déjà «vu leur sécurité renforcée».
L'ex-ministre de l'Education nationale, Nicole Belloubet, avait aussi annoncé en avril un plan ministériel pour «déployer un bouclier autour de l’école», avec notamment la création d’une «force mobile scolaire» constituée d’une vingtaine de personnels. Un plan resté lettre morte «suite à l'actualité politique, avec le gouvernement démissionnaire», indique-t-on au ministère.
En cette rentrée, après avoir convoqué une réunion sur la sécurité (suite à des tirs sur un collège de Marseille), la nouvelle ministre de l'Education Anne Genetet a indiqué que «plus de 400 établissements» avaient été sécurisés sur les 500 identifiés à risques. Elle a cité la mise en place de caméras, portiques anti-intrusion, alarmes, mais aussi «des personnels formés».
«Une gifle est un acte très violent envers un professeur»
Pour autant, ces annonces semblent, pour l’heure, insuffisantes pour assurer la protection des professeurs quant aux différentes menaces. Pour preuve, une enseignante a été giflée dans l’enceinte de son lycée à Tourcoing, dans le Nord, par une élève, sur fond de port du voile, lundi 7 octobre.
«Certes, on se sent plus écoutés par la hiérarchie. Dès qu’il y a un problème et que l’on a un souci avec un élève dont on sait qu’il pourrait devenir violent ou qui a un comportement déplacé, les proviseurs nous écoutent mieux et entendent ce que l’on a à dire. Mais, en tant que professeurs, nous sommes en première ligne. Nous sommes en contact direct avec les élèves. Nous ne savons pas s’ils ont des pathologies ou des problèmes judiciaires. Dans ce sens-là, je ne me sens pas protégée», nous raconte Marie.
«Une gifle est un acte très violent envers un professeur. Néanmoins, on constate que la violence chez les jeunes est généralisée, que cela soit dans les paroles ou dans les actes. On voit une évolution très rapide du comportement de nos jeunes d’aujourd’hui. Je trouve que nos jeunes sont malades. Ils sont complètement désaxés. Certains n’ont plus d’éducation», a-t-elle ajouté.
Pour cette enseignante, «personne n’est à l’abri d’un épisode de violences. Cela est très difficile. Comment réagir à ce genre de chose ? On est obligé de ne pas s’énerver parce que cela peut encore plus dégénérer. Certains professeurs acceptent même ce genre de situation».
* Le prénom a été changé