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«Trois enfants par classe victimes d'inceste» : la Ciivise déplore le «silence assourdissant» du gouvernement

Selon les associations, la volonté politique de lutter contre les violences sexuelles fait encore défaut. [© JULIEN DE ROSA / AFP]

Lors d'un colloque ce vendredi, la Ciivise a fait le point sur l’avancée des préconisations publiées il y a un an pour mieux protéger les enfants victimes d’inceste. Une réunion qui survient après plusieurs polémiques, notamment le remaniement de sa présidence.

«Trois enfants par classe sont victimes d’inceste chaque année en France». C’est le triste constat de la nouvelle Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), mise en place en avril dernier par le gouvernement. L’organisme présente ses premiers travaux ce vendredi 4 octobre lors d’un colloque organisé à Paris, après plusieurs mois de turbulences. 

Pour la première fois depuis janvier 2024, la Ciivise va présenter une enquête sur la perception des violences sexuelles dans la population, lors d’un colloque qui sera ouvert par la nouvelle ministre déléguée à la Famille, Agnès Canayer. Cette dernière va expliquer comment elle souhaite associer les mineurs aux 82 préconisations pour mieux protéger les mineurs et accompagner les adultes qui ont été victimes d’inceste lorsqu’ils étaient enfants, publiées en novembre 2023.

Depuis la publication de ces recommandations, «pas un ministre n’a trouvé le temps, en un an, de faire de déclaration», regrettait auprès de l'AFP en septembre une source à la Ciivise, déplorant le «silence assourdissant» du gouvernement. 

Les associations s’impatientent 

De leur côté, les associations de protection de l’enfance et de victimes d’inceste attendent la mise en oeuvre de mesures de protection par la Justice, par l’Éducation nationale ou dans le système de soins. Lors d’un réunion interministérielle fin 2023, le gouvernement avait écarté d’emblée près d’une vingtaine de recommandations, selon une source proche de la Ciivise. 

«Nous sommes dans un dialogue étroit avec les administrations et ferons le point : certaines sont partiellement mises en oeuvre, sur certaines rien n’a avancé, sur d’autres, nous faisons face à des résistances», a expliqué à l’AFP le pédopsychiatre Thierry Baubet, membre du collège directeur de la Ciivise. 

Le gouvernement d’alors n’avait maintenu la commission qu’en cédant aux appels d’élus, personnalités et associations. Mais il avait décidé, en décembre 2023, d’écarter de sa présidence le juge des enfants Edouard Durand, apprécié des victimes, pour le remplacer par deux personnalités avec qui il avait eu des désaccords. 

Pour le remplacer, la pédiatre et médecin-légiste Caroline Rey-Salmon, qui avait démissionné après avoir été la cible, en février 2024, d’une plainte déposée par une ancienne patiente pour «agression sexuelle», pour des faits survenus en 2020 lors d’un examen gynécologique. L’affaire avait été classée sans suite en août dernier. Mais aussi le président et ancien rugbyman Sébastien Boueilh, qui avait aussi démissionné dans la foulée, après avoir estimé être «la cible de calomnies et d’attaques personnelles», expliquant notamment que «la commission a fait l’objet de controverses qui ne permettent pas la sérénité nécessaire à la réalisation de ses missions». 

Aujourd’hui, la Commission est dirigée par le trio formé par le Professeur Baubet, la magistrate Maryse Le Men Régnier et Solène Podevin, présidente de l’association Face à l’inceste. Depuis, la Ciivise est constituée d’experts en santé mentale, justice, forces de l’ordre, éducation et de membres d’associations. Si elle est dotée d’un budget bien moins élevé que la commission du juge Durand, elle essaie de reconstruire sa légitimité. 

Avec le témoignage des différentes victimes de l’Abbé Pierre, le procès des viols de Mazan ou encore la prise de parole de l’actrice Judith Godrèche aux Césars pour appeler la «curieuse famille» du cinéma français à révéler la réalité des violences sexistes et sexuelles dans le secteur, les associations ont du travail.

Mais la volonté politique de lutter contre les violences sexuelles fait encore défaut. «Les victimes parlent avec courage, mais la volonté politique n’existe pas. La Ciivise a rendu des recommandations très complètes, mais elles ont été mises dans un tiroir», a déploré Homayra Sellier, présidente d’Innocence en Danger. 

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