Le procès des 51 hommes jugés pour avoir violé une femme droguée par son mari s’est ouvert ce lundi en présence d'un public, contrairement à l’usage dans ce genre d’affaires. Malgré l'atrocité des faits, la victime a refusé le huis clos proposé par l’avocat général.
«La honte doit changer de camp». Conformément au souhait de la victime, le huis clos a été refusé ce lundi au procès de Dominique P., un retraité jugé à Avignon pour avoir drogué son épouse et recruté des dizaines d'inconnus sur Internet pour la violer, pendant près de dix ans. Ce procès hors norme doit se dérouler jusqu’au 20 décembre.
«Les débats seront publics», a tranché Roger Arata, président de la cour criminelle de Vaucluse, composée de cinq magistrats professionnels, après une courte suspension de séance lundi matin. Et pour cause, Gisèle P., 72 ans, violée par au moins 51 hommes âgés de 26 à 74 ans, sur une période allant de 2011 à 2020, estime qu’elle «n’a pas à se cacher» et qu’elle «n’a pas à avoir honte», même si elle concède qu’il y aura forcément «des moments extrêmement difficiles».
Le ministère public avait défendu sa demande de huis clos en rappelant que des vidéos des faits, filmées par le mari, seraient «nécessairement visionnées» et que «non seulement la publicité des débats serait dangereuse mais elle porterait aussi atteinte à la dignité des personnes». «Il ne faut pas que ce soit un spectacle», avaient également demandé certains avocats des coaccusés.
Avant même la décision de la cour, la victime avait fait savoir qu'elle souhaitait «une publicité complète, totale, jusqu'au bout» de ce dossier. Une position partagée par les trois enfants du couple, tous parties civiles. Débutée ce lundi vers 9h40, en retard, en raison notamment de la pression médiatique autour de ce dossier mais aussi du nombre conséquent d'accusés, l'audience a été suspendue peu avant 15h. Les débats reprendront mardi matin avec la lecture du long et très cru rapport d'enquête par le président de la cour.
Un procès hors norme
Pour rappel, ce procès rarissime en raison du nombre total d’accusés (51 dont un, en fuite, qui sera jugé par défaut), va soulever la question de la soumission chimique. Lors de l'instruction, le mari et principal accusé avait reconnu qu'il administrait de puissants anxiolytiques à sa femme, à son insu, pour ensuite la faire violer par des hommes contactés sur Internet. Au total, 92 faits ont été comptabilisés, dont les premiers remontent à 2011, en région parisienne, avant le déménagement du couple à Mazan (Vaucluse) en 2013. Ils se sont ensuite poursuivis jusqu'à l'automne 2020.
Pompier, artisan, infirmier, gardien de prison ou encore journaliste ; célibataires, mariés et pères de famille ou divorcés : la majorité des accusés sont venus une fois, plusieurs fois, jusqu'à six fois pour certains. Mais ils ne souffrent d'aucune pathologie psychique notable, ont insisté les experts, pointant toutefois leur sentiment de «toute-puissance» sur le corps féminin. Beaucoup maintiennent qu'ils pensaient seulement participer aux fantasmes d'un couple libertin. Mais «tous savaient» que Gisèle P. était droguée et inconsciente, a toujours affirmé le mari.
Pour les hommes, recrutés sur coco.gg, un site de rencontres accusé d'être un «repaire de prédateurs sexuels» et fermé depuis juin, les consignes étaient strictes, pour ne pas réveiller la victime : ni parfum ni odeur de cigarette, et se réchauffer les mains en les passant sur un radiateur.
L'accusé impliqué dans deux autres dossiers
De son côté, Gisèle P. ne s'est rendue compte de rien. Ce n'est qu'à 68 ans, lorsque l'enquête a débuté à l'automne 2020, après presque cinquante ans de vie commune, qu'elle commençait à découvrir les faits : son mari venait d'être surpris dans un centre commercial en train de filmer sous les jupes de clientes. Elle «va vivre pour la première fois, en différé, les viols qu'elle a subis pendant dix ans», car elle n'en a «aucun souvenir», a insisté Me Antoine Camus, l'un de ses avocats.
Le mari et accusé, Dominique P., qui participait aux viols et les filmait, sans réclamer aucune contrepartie financière, est également mis en cause dans deux autres dossiers par le pôle «cold cases» de Nanterre, en région parisienne : un meurtre avec viol à Paris en 1991, qu'il nie, et une tentative de viol en Seine-et-Marne en 1999, qu'il reconnaît, après avoir été confondu par son ADN.