Des milliers d’enfants en situation de handicap se retrouvent, encore cette année, sans solution pour leur éducation. Un triste bilan que déplore l’association Unapei.
Une nouvelle rentrée, de nouvelles difficultés. Pour cette année scolaire 2024-2025, l’Union Nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis déplorent que plusieurs milliers d’enfants se retrouvent sans solution scolaire.
«Même si de plus en plus d’enfants en situation de handicap sont accueillis à l’école, les difficultés persistent», détaille Sonia Ahehehinnou, vice-présidente de l’Unapei. Près de 1.000 témoignages recueillis par l’association mettent en lumière les nombreux obstacles rencontrés.
Un combat parental sans limite
Tout comme Florence Fernandez-Lopez, mère de 5 enfants, sa dernière, Flavie, est atteinte de plusieurs handicaps tels que des troubles des fonctions motrices et des problèmes neurologiques. «Sans association, beaucoup abandonneraient», confie Florence à CNEWS, évoquant son combat pour scolariser sa fille. Après une maternelle accompagnée par une AESH, Flavie a été en CP. Elle a ensuite dû redoubler en raison de ses difficultés à intégrer une classe ULIS (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) pour l’ensemble de sa scolarité primaire.
S’en est suivi un long périple. Le collège le plus proche pouvant accueillir Flavie se situe à 42 kilomètres de son domicile, pour être scolarisée dans une classe ULIS spécialisée en troubles des fonctions motrices. «C’était vraiment difficile, il fallait se réveiller tôt, faire plus d’une heure de route par jour. Le taxi faisait des détours pour récupérer d’autres enfants, ce qui la faisait souvent arriver en retard en classe», déplore la mère de famille.
À noter, que chaque département ou région ne possèdent que très peu d’établissements pouvant accueillir des pathologies spécifiques. L’accueil et la distance entre le domicile et le lieu de scolarisation est souvent difficile pour les familles.
Un choix d’accueil plus que restreint
Devant le choix entre poursuivre les trajets en taxi quotidiennement ou tenter d’intégrer le seul établissement de la région disposant d’un internat, la famille s’est heurtée à un obstacle : Flavie ne pouvant pas justifier d’un domicile en Loire-Atlantique, elle ne pouvait pas intégrer ce lycée spécialisé à Nantes.
Après de nombreuses démarches administratives, des lettres adressées aux établissements, au département, à la région et même au ministère des Affaires sociales et de la Santé, Flavie a finalement pu suivre une année de transition avec des stages professionnels avant d’intégrer le lycée spécialisé de la Grillonnais. «C’était un véritable parcours du combattant. Toute la famille s’est mobilisée pour écrire ces lettres», explique Florence, qui a bénéficié du soutien de l’Association France Handicap Vendée.
Comme Flavie et Florence, de nombreux enfants en situation de handicap rencontrent des difficultés importantes pour accéder à une scolarisation adaptée aux besoins de l’élève. Un trop grand nombre abandonne et se retrouve déscolarisé par manque de place, de temps ou d’accompagnants.
Une situation difficile pour les enfants
À la rentrée 2023, le ministère de l’Éducation a annoncé que plus de 436.000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés, dont deux tiers bénéficiaient d’un accompagnement. Pourtant, une étude de l’Unapei révèle que 27% des enfants en situation de handicap ont accès à moins de 6 heures de cours par semaine, un chiffre qui atteint 40% dans l’Hérault et 50% dans la Sarthe.
Caroline D, psychologue spécialisée dans l’autisme infantile, dénonce cette situation : « Sans soutien humain, il est très difficile de scolariser un enfant en situation de handicap». Elle souligne pour CNEWS le cercle complexe entre le manque de moyens, le manque de temps et les difficultés d'inclusion. «Un enfant en situation de handicap a besoin de plus de temps, de patience et d'aide qu'un enfant moyen. Or, dans une classe de 30 élèves, les enseignants n'ont pas toujours la possibilité d'accorder à chaque enfant l'attention dont il a besoin».
Des aides utiles mais insuffisantes
Les enfants qui ne bénéficient pas d'un accompagnement par un AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap) sont souvent désavantagés. Pour obtenir un AESH, les parents doivent effectuer de nombreuses démarches administratives auprès de la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées). Les délais pour obtenir une réponse peuvent aller de 8 à 12 mois.
Beaucoup d’enfants ne seront pas scolarisés car aucune AESH ne leur sera attribuée. Ils seront alors déscolarisés ou pourront venir en temps réduit en classe. Par ailleurs, certains professeurs ne souhaitent pas accueillir les enfants sans suivi AESH ou lorsque cette dernière est absente.
Le métier d'AESH n'est pas reconnu et ne nécessite pas de diplôme spécifique. La formation proposée est souvent très insuffisante pour répondre aux besoins des élèves en situation de handicap. Comme le souligne Caroline D : «De nombreuses initiatives sont mises en place, mais il y a un réel manque de moyens. Il est difficile de généraliser ces dispositifs à grande échelle».
Des avancées timides
Après la rentrée 2023 et ses 12 mesures d'accompagnement, la rentrée 2024 marque une nouvelle étape. En effet, quatre départements (Aisne, Côte-d'Or, Eure-et-Loir, Var) expérimentent depuis l'an passé des «pôles d'appui à la scolarité». Ces pôles, composés d'un professeur référent et d'un éducateur spécialisé, proposent des aménagements pédagogiques et du matériel adapté sans délai. L'Unapei suivra avec attention le déploiement de ces dispositifs pour en évaluer l'efficacité.
Par ailleurs, des équipes mobiles d'appui à la scolarité sont mises en place pour apporter une aide ponctuelle aux enseignants, accompagnants et élèves. Ce dispositif vient compléter les ressources existantes en offrant une expertise et un soutien supplémentaires.