La France insoumise a annoncé qu'elle se retire des discussions du NFP «sur la formation du gouvernement». En cause : l’absence de «candidature unique» et les multiples «veto» du Parti socialiste «sur toute autre candidature que la sienne». Le PS a pour sa part rétorqué qu’il détenait une proposition commune avec EELV et le PCF : la présidente de la fondation européenne pour le climat, Laurence Tubiana.
Que se passe-t-il au sein du Nouveau Front populaire ? C’est la question qui se pose, à gauche, alors que l’alliance arrivée en tête aux législatives bloque sur la désignation d’un candidat au poste de Premier ministre. Au coeur du problème : une opposition entre les insoumis et les socialistes, qui s’estiment chacun en position de force, par rapport à leur nombre de députés pour les premiers, et en vertu du résultat favorable de Raphaël Glucksmann aux européennes pour les seconds. Alors que le PS plaide pour une candidature issue de la société civile, LFI réclame quant à elle des «garanties» d'application du programme.
Après avoir mis quatre jours pour élaborer un programme commun et proposer un candidat unique dans 577 circonscriptions, la désignation d’une personnalité pour Matignon semble bien plus complexe pour le NFP. Les querelles internes et les ambitions personnelles ne cessent de faire patiner les discussions, qui pourraient, faute d’accord, avantager le camp présidentiel dans sa quête de coalition, voire conduire à un blocage total du pays avec un enchaînement de motions de censure.
Après Clémence Guetté, Olivier Faure, ou encore Huguette Bello, qui a finalement jeté l'éponge ce dimanche, faute de consensus entre «toutes les composantes du NFP», l'ensemble des propositions du Nouveau Front populaire ne parviennent pas à mettre tout le monde d'accord.
Les insoumis accusent le PS
D’un côté, LFI, qui revendique la primauté du choix du candidat en raison de son nombre de députés, a affirmé accepter de soutenir une candidature qui n’est «pas issue» de son parti car «désormais il faut avancer», selon les propos du coordinateur, Manuel Bompard, qui a néanmoins posé une ligne rouge. Le candidat ne sera pas issu du Parti socialiste, ces derniers n’ayant «véritablement» proposé que le nom d’Olivier Faure, selon les insoumis, qui ne ferait «pas consensus». Et il ne doit pas non plus provenir de la société civile, une hypothèse avancée par les socialistes, au motif d’un manque de «garanties» pour «la mise en œuvre du programme».
«En colère», plusieurs membres de LFI avaient déploré, dimanche, que le PS ait refusé «sans aucun argument» la candidature d'Huguette Bello. Les insoumis regrettent des «oppositions systématiques» menant d'après eux à des «palabres sans fin». Face à ces blocages, LFI a annoncé se retirer des négociations jusqu’à ce qu’une issue soit trouvée, et invité le parti à la rose «a affirmer son refus de tout accord d’aucune sorte avec le camp macroniste» après les nombreuses rumeurs d’approches survenues ces derniers jours. «Ce blocage politique ne se réglera pas par l'improvisation d'une candidature extérieure», a ainsi indiqué LFI dans un communiqué, en demandant si le PS «joue la montre pour briser le Nouveau Front Populaire et renoncer au programme».
Le PS mise sur laurence tubiana
De l’autre côté de l’alliance, le PS a justifié sa décision d'écarter Huguette Bello en expliquant que des socialistes considéraient qu’avoir «gagné» les élections européennes à gauche et étant «le plus en dynamique» leur permettait de proposer un Premier ministre issu de leurs rangs. Le parti a néanmoins appelé à poursuivre les discussions avec ses partenaires du NFP pour trouver un nom consensuel, à l'issue d'une réunion de son conseil national, sorte de parlement du parti. Un refus qui intervient après le véto posé sur la candidature de Jean-Luc Mélenchon, ainsi que sur celle de Clémence Guetté, pourtant moins clivante que le leader insoumis.
«Rien n'a été bloqué», a rétorqué le premier secrétaire du PS, Olivier Faure. «Il faut chercher à trouver la personnalité, peut-être issue de la société civile, qui permettra d'avancer ensemble», a-t-il expliqué. Le patron du PS a également souligné que son groupe avait aussi proposé d'autres candidatures, qui ont fait l’objet «d'un refus des insoumis», citant Johanna Rolland, la maire de Nantes, Boris Vallaud ou encore l'ancienne ministre socialiste Martine Aubry. «Je comprends qu'ils n'aient pas envie d'un socialiste et je comprends aussi que d'autres n'aient pas envie d'un insoumis», a-t-il poursuivi, souhaitant que «personne n'ait le sentiment de se trahir», et avoir «la possibilité de trouver quelqu'un de l'extérieur».
Dans un communiqué, le Parti socialiste a répondu à la France insoumise en réaffirmant son attachement au Nouveau Front populaire «mu par l’espoir qu’il a suscité et avec la conviction qu’il porte en lui les victoires futures de la gauche et des écologistes», mais surtout en déclarant avoir formulé «une proposition de candidature commune», soutenue par «les communistes et les écologistes» et «issue de la société civile». Selon nos informations, il s'agit de la présidente de la fondation européenne pour le climat, Laurence Tubiana. Ancienne ambassadrice des négociations de la COP21 et présidente de la Convention citoyenne pour le climat, Laurence Tubiana est réputée proche de François Hollande. Les socialistes ont ainsi demandé une «reprise immédiate des discussions sur cette base pour un accord à quatre», avec la France insoumise.
L'élection décisive de la présidence de l’Assemblée
Si Olivier Faure tente d’apaiser les esprits, l’inquiétude est vive, à gauche, où les écologistes et les communistes tentent de jouer les conciliateurs, invitant les deux groupes majoritaires à ne pas rater une occasion unique de respecter la volonté populaire des Français. Le sénateur communiste de Paris, Ian Brossat, craint ainsi que le président ne «profite» de la désunion du NFP «pour échafauder des scénarios alternatifs qui ne seront pas bons pour des millions de gens qui veulent que ça change». «Ce serait quand même un comble» qu'à l'issue des élections législatives «où la Macronie a été condamnée par les urnes, on se retrouve avec un gouvernement de macronistes», a-t-il jugé.
S’il souhaite gouverner, le Nouveau Front populaire devra se mettre d’accord avant ce jeudi et l’élection de la présidence de l’Assemblée nationale. La gauche joue gros sur cette élection dont le vainqueur prouvera qu’il est en mesure de composer un gouvernement : une partie du camp macroniste tente en effet depuis plusieurs jours de bâtir une majorité alternative au NFP pour ce poste-clé, que la présidente sortante Yaël Braun-Pivet entend bien conserver. Un accord avec la droite, par exemple, pourrait permettre au bloc présidentiel de dépasser la gauche en nombre de voix.
Mais une autre candidature pourrait rassembler largement : celle du centriste Charles de Courson. Cet ex-représentant du groupe indépendant Liot, qui a ferraillé contre la réforme des retraites, a promis, s'il avait le poste, d'être le «garant du bon fonctionnement» de l'Assemblée dans une «période inédite et chaotique».