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Résultats législatives 2024 : voici pourquoi un Premier ministre issu du Nouveau Front populaire sans coalition serait aussitôt destitué

Marine Tondelier, Raphaël Glucksmann, Clémence Guetté ou encore Jean-Luc Mélenchon pourraient être des candidats du Nouveau Front populaire pour devenir Premier ministre. [Lou Benoist / JOEL SAGET / AFP]

Alors que le Nouveau Front populaire réclame la nomination d’un Premier ministre issu de ses rangs, des députés du camp présidentiel ont menacé de déposer une motion de censure immédiate si Emmanuel Macron accédait à cette demande. Dans ces conditions, le blocage de l’Assemblée nationale semble inévitable.

Le Nouveau Front populaire aura-t-il vraiment la possibilité de gouverner ? En l’état actuel des choses, la tâche s’avère complexe. Et pour cause, si les responsables politiques de gauche, ainsi que les électeurs du NFP réclament, conformément à la tradition républicaine, la nomination d’un Premier ministre issu de leurs rangs, l’équilibre des forces politiques à l’Assemblée, avec trois blocs de taille quasi-comparable, devrait engendrer un enchaînement de motions de censure et le blocage des institutions. Dans ce contexte, peu importe l’identité de ce Premier ministre, il risquerait d’être destitué immédiatement après sa nomination. 

Selon la tradition républicaine, le président de la République doit nommer un Premier ministre issu du bloc majoritaire à l’issue des élections législatives. Arrivé en tête avec 182 sièges, le NFP détient une majorité relative à l’Assemblée. Les leaders insoumis, écologistes, socialistes et communistes ont donc martelé leur intention de gouverner et ont appelé «solennellement» Emmanuel Macron à désigner un Premier ministre au sein de leur alliance. «Emmanuel Macron a le devoir d’appeler le NFP à gouverner», a ainsi lancé Jean-Luc Mélenchon. «Nous voulons et nous allons gouverner», a abondé la cheffe des députés insoumis Mathilde Panot. 

La droite menace de déposer une motion de censure

Mais les députés de l’autre aile de l’Assemblée nationale ne l’entendent pas de cette oreille. Dans la coalition présidentielle, nombreux sont ceux qui ont menacé de déposer «immédiatement» une motion de censure en cas de nomination d’un Premier ministre du NFP.

Certains ont même été plus loin en fixant une ligne rouge sur la France insoumise : «Un gouvernement avec le moindre ministre insoumis : je voterai la motion de censure», a ainsi promis le député Ensemble Benjamin Haddad. «Un gouvernement incluant LFI, tout comme l’application du programme délétère du NFP, devra être censuré dans la foulée», a confirmé Maud Bregeon, députée Ensemble, réélue dans les Hauts-de-Seine. 

Même son de cloche du côté des Républicains, devenus «la droite républicaine» : «Si jamais le Président nommait un Premier ministre de gauche, la motion de censure tomberait immédiatement», a indiqué Bruno Retailleau. «Si le président appelait une personnalité du NFP au poste de Premier ministre, j'appellerais à censurer le gouvernement», a confirmé Gérard Larcher. Tout comme au RN, où Jordan Bardella et Marine Le Pen ont dénoncé «l’incohérence» d’Emmanuel Macron et rappelé leur opposition à la nomination d’un Premier ministre de gauche, qui serait «illégitime».

Dans ces conditions, les calculs arithmétiques sont simples : pour être adoptée, une motion de censure doit recueillir 289 voix, soit la majorité absolue, au sein de l'Assemblée. Si une motion est déposée par la coalition présidentielle, par la droite républicaine ou par le Rassemblement national, une simple alliance entre ces trois forces politiques (163 députés pour Ensemble, 143 pour le RN et 68 pour la droite républicaine) conduirait inévitablement à la destitution du Premier ministre et de son gouvernement. Si les députés s’en tiennent à leurs déclarations, un Premier ministre issu du Nouveau Front populaire n’aurait donc que peu de chances de se maintenir au pouvoir. 

Le président appelle à «bâtir une coalition»

Sortant de son silence trois jours après le second tour des législatives, le président s'est adressé ce mercredi aux Français dans une lettre en demandant aux «forces politiques républicaines» de «bâtir une majorité solide» pour gouverner. «Personne ne l'a emporté dimanche», a déclaré Emmanuel Macron, scandalisant la gauche qui continue de revendiquer le gouvernement, et provoquant l’ire de la droite et Rassemblement national. Dans sa lettre, le président appelle explicitement les partis politiques «républicains» à former une grande coalition. En sous texte : une alliance autour de sa formation, qui excluerait LFI et le RN. 

Politiquement, une coalition entre le camp présidentiel et la droite républicaine paraît la plus probable. Lundi, après une réunion à l’Élysée, Gérald Darmanin accueillait en ce sens plusieurs dizaines de députés de l’aile droite de la coalition présidentielle pour un déjeuner au ministère de l’Intérieur. L’objectif de cette réunion : lancer un appel à s’ouvrir à la droite républicaine, avec l’idée de créer une majorité alternative en collaboration avec les ex-Républicains. Mathématiquement, cette coalition (163 députés Ensemble et 68 députés LR) serait toutefois insuffisante pour obtenir une majorité absolue. Cette potentielle alliance devrait donc forcément se tourner vers le Rassemblement national, ce qui semble exclu, ou vers la gauche. 

Dans la semaine, François Bayrou avait justement appelé à une «grande coalition» allant de la gauche «hors LFI» jusqu’à la droite «hors RN», estimant qu’il s’agit de la seule possibilité pour gouverner la France «dans un esprit républicain». Sauf que les autres groupes de l'Assemblée, à droite comme à gauche, ne veulent pas en entendre parler. «Un doux rêve» lui a répondu Bruno Retailleau, qui ne se voit pas gouverner avec des personnes «comme François Hollande», avec qui il ne «partage rien». «J’ai fait le choix du rassemblement de la gauche et je n'en bougerai pas», a de son côté assuré le leader du PS, Olivier Faure, ce mercredi. «Le peuple français a parlé, il faut maintenant respecter son choix», a confirmé le socialiste.

La seule solution pour que le Nouveau Front populaire puisse parvenir à éviter une motion de censure serait donc de trouver des partisans au sein du reste de l'Assemblée nationale. Le NFP pourrait ainsi regarder du côté des Divers gauche, qui détiennent 24 sièges, et vers une autre partie du macronisme qui préfère se tourner vers le PS, à l’image de Sacha Houlié, fraîchement réélu député dans la Vienne, qui plaide pour la création d’un nouveau groupe «social-démocrate». Avec 182 députés auxquels on peut potentiellement ajouter 24 voix des Divers gauche, il ne manquerait «plus que» 83 voix à trouver du côté des macronistes. Une hypothèse qui paraît difficilement réalisable. 

une Assemblée constituante réclamée à gauche

Enfin, le président de la République pourrait choisir d’exercer un «coup de force» démocratique en maintenant un Premier ministre issu de son groupe, en dépit du résultat des législatives. Mais même dans ce cas de figure, cet éventuel Premier ministre serait probablement victime d’une motion de censure votée par le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national, dont les électeurs ont clairement manifesté un rejet du pouvoir en place depuis sept ans.

Dans ces conditions, aucune coalition ne semble possible et le blocage des institutions parait inévitable. Le président de la République pourrait alors être contraint, comme le réclame une partie de la gauche, de convoquer une Assemblée constituante afin d’en finir définitivement avec la Ve République, et de confier aux citoyens de tout bord le soin de définir les règles des nouvelles institutions. 

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