Le Rassemblement national est arrivé largement en tête, ce dimanche, du premier tour des élections législatives, talonné par le Nouveau Front populaire, loin devant le camp d'Emmanuel Macron. Le vote a été marqué par une participation en forte hausse.
Le Rassemblement national est arrivé largement en tête du premier tour de ces élections législatives historiques, qui pourraient ouvrir les portes du pouvoir à la droite nationaliste pour la première fois sous la Ve République. Avec environ 33% des suffrages, le parti de Jordan Bardella devance le Nouveau Front populaire, qui obtient environ 28% des voix, loin devant la majorité présidentielle autour de 20%. Le vote a par ailleurs été marqué par une participation en forte hausse, avec 66,7%. Les Républicains qui n'ont pas fait alliance avec le RN s'établissent à environ 10%.
Selon ces résultats, les premières projections en sièges pour la future Assemblée nationale, à prendre avec beaucoup de précautions, envisagent une forte majorité relative pour le Rassemblement national et ses alliés, voire une majorité absolue à l'issue du deuxième tour, dimanche prochain. Mais le scénario d'une Assemblée nationale bloquée, sans alliances majoritaires envisageables entre les trois blocs en présence, reste aussi une possibilité.
Record de triangulaires et consignes de vote
Après la dissolution surprise de l'Assemblée nationale, annoncée par le chef de l'Etat au soir de la déroute de ses candidats aux élections européennes du 9 juin, le paysage politique devrait être profondément bouleversé. Et pour cause, 577 scrutins se sont tenus ce dimanche pour choisir autant de députés qui siègeront dans une Assemblée dont la reconfiguration dépendra des dynamiques d'ici au second tour, dimanche prochain, et des éventuels désistements et consignes de vote dans chaque circonscription. D'autant que le second tour sera marqué par un nombre record de triangulaires, estimé entre 285 et 315.
À ce stade, seuls le Nouveau Front populaire et Renaissance ont appelé leurs candidats arrivés troisièmes à se désister au profit d’un autre candidat qui serait mieux placé pour faire barrage au Rassemblement national. «Face au Rassemblement national, l'heure est à un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour», a affirmé Emmanuel Macron dans une déclaration écrite transmis aux médias dès 20h. Il a salué la «participation élevée» qui «témoigne de l'importance de ce vote pour tous nos compatriotes et de la volonté de clarifier la situation politique». «Leur choix démocratique nous oblige», a-t-il ajouté, après avoir réuni les chefs des partis avec lesquels il gouverne depuis 2017.
Alors que le «front républicain» contre l'extrême droite n'a cessé de se fissurer au fil des ans, le Premier ministre Gabriel Attal a confirmé les futurs désistements des candidats arrivés troisièmes dans certaines triangulaires, et appelé les Français à ne donner «pas une voix» au Rassemblement national. Un changement de cap alors que des ténors de son camp semblaient jusqu'ici plutôt pencher pour un «ni RN, ni La France insoumise», fustigé par la gauche et critiqué jusque dans son propre camp. Même consigne du côté du Nouveau Front populaire, qui a appelé à «faire barrage» au Rassemblement national.
Plus d’une cinquantaine de députés élus, des pointures éliminées
Ce dimanche soir, plus de 75 candidats ont d’ores et déjà obtenu un siège à l’Assemblée nationale selon les résultats du ministère de l'Intérieur. Un petit tour de force, car il leur a fallu pour cela obtenir plus de 50% des suffrages exprimés et au moins 25% du nombre d’électeurs inscrits. C’est notamment le cas de Marine Le Pen, élue avec plus de 58% des voix dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais et de Sébastien Chenu, dans la 19e circonscription du Nord. 37 députés RN ont été élus dès le premier tour, du jamais vu pour la droite nationaliste.
Pour le Nouveau Front populaire, le socialiste Olivier Faure a été élu au premier tour dans la 11e circonscription de Seine-et-Marne, tout comme Sébastien Delogu et Manuel Bompard dans les Bouches-du-Rhône, ainsi que Mathilde Panot dans le Val-de-Marne. Clémence Guetté et Clémentine Autain ont également été élues dès le premier tour. Dans le Nord, Guillaume Florquin l’emporte directement face à Fabien Roussel, qui est éliminé dans la 20e circonscription, où il était député depuis 2017. Une défaite d’autant plus marquante que cette circonscription était représentée depuis 1962 par des députés communistes.
Du côté des ex-ministres en campagne, Gabriel Attal, qui pourrait devoir rendre son tablier en cas de victoire du RN la semaine prochaine, est arrivé en deuxième position de sa circonscription des Hauts-de-Seine, à Vanves, avec 43,85% des voix. Il devance la candidate de l'Union de gauche, Carole Soubelet, qui a obtenu 35,53% des suffrages. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, est aussi arrivé en tête de sa circonscription à Tourcoing, dans le Nord, avec 36,03% des voix d'après les premières estimations, devant le candidat du Rassemblement national avec 34,31% des suffrages.
À l’inverse, d’autres circonscriptions sont plus incertaines, avec des candidats en tête, comme François Hollande en Corrèze, qui devrait toutefois se retrouver au sein d’une triangulaire, et des candidats en difficulté comme François Ruffin dans la Somme, en deuxième position derrière le Rassemblement national. D'autres candidats sont qualifiés pour le second tour, comme Laurent Wauquiez, en tête dans la 1re circonscription de la Haute-Loire avec 36,80% devant le RN, ou encore de Boris Vallaud, lui aussi talonné par la candidate du RN dans la 3e circonscription des Landes.
Aurélien Pradié et Léon Deffontaines sont tous deux qualifiés pour des triangulaires, respectivement dans le Lot et dans la Somme. Même résultat pour l’ancienne Première ministre, Elisabeth Borne, qui passe au second tour dans une triangulaire dans le Calvados, avec les candidats du RN et du Nouveau Front populaire.
Le Rassemblement National s'implante dans l'Ouest
Du côté du maillage des territoires, dans le sillon des résultats des élections européennes, la vague «bleu Marine» se confirme, et le Rassemblement national arrive en tête dans une majorité des circonscriptions, un peu partout en France. Il parvient même à «gagner des bastions» dans des régions historiquement de gauche, notamment en Bretagne ou dans les Landes.
Dans les grandes métropoles, le Nouveau Front populaire arrive largement en tête à Rennes, Lyon, Toulouse et Bordeaux, tandis que Lille et Paris sont partagées entre l’alliance de gauche et la coalition présidentielle. À Marseille, malgré deux circonscriptions largement acquises par Sébastien Delogu, Manuel Bompard et le Nouveau Front populaire, le Rassemblement national arrive en tête dans la majeure partie de la ville.
En outre-mer, les députés sortants du groupe centriste Liot ou investis par le Nouveau Front populaire sont en tête en Guadeloupe et en Guyane. En Polynésie, le candidat autonomiste Moerani Frébault est élu dès le premier tour. Premier élu des 577 nouveaux députés, il sera aussi le premier Marquisien à siéger à l'Assemblée nationale. En Martinique, le Rassemblement national a réussi à qualifier un de ses candidats pour le second tour, une première dans ce département. Mais avec moins de 10%, il a très peu de chances d'être élu la semaine prochaine.
Le RN au pouvoir ou une assemblée bloquée ?
Avec le meilleur score de son histoire au premier tour d'un scrutin, améliorant celui déjà record des européennes, le Rassemblement national entrevoit la perspective inédite d'obtenir une majorité relative ou absolue le 7 juillet. Malgré une campagne éclair, rien n'a semblé freiner la dynamique du RN, notamment sur le pouvoir d'achat et contre l'immigration : ni le flou sur l'abrogation de la réforme des retraites d'Emmanuel Macron, ni les polémiques sur les binationaux, ou les propos sulfureux de certains candidats d'extrême droite. Rien n’est toutefois encore joué à l’aube du second tour. Le RN devra affronter par exemple 141 duels, 302 triangulaires et 5 quadrangulaires.
Incarné par son jeune président Jordan Bardella, 28 ans, le parti de Marine Le Pen espère donc transformer l'essai dans une semaine. Si Jordan Bardella entrait à Matignon, ce serait la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale qu'un gouvernement issu de l'extrême droite dirigerait la France. Le président du RN a toutefois prévenu qu'il n'accepterait le poste de Premier ministre que si son parti détient la majorité absolue. Il s'agirait aussi d'une cohabitation inédite entre Emmanuel Macron, président pro-européen, et un gouvernement beaucoup plus hostile à l'Union européenne, qui pourrait faire des étincelles au sujet des prérogatives des deux têtes de l'exécutif, notamment en matière de diplomatie et défense.
Malgré des divergences qui pouvaient sembler irréconciliables, la gauche est quant à elle parvenue à s'unir dans la foulée de la dissolution. Mais les différends entre LFI et ses partenaires, notamment sur le leadership contesté de Jean-Luc Mélenchon, ont vite ressurgi et souvent parasité la campagne de cette coalition en forme de clin d'œil au Front populaire mené par Léon Blum en 1936. Elle parvient tout de même à améliorer légèrement son score de 2022, mais ne semble pas en mesure d'accroître significativement ses troupes, selon les premières projections.
Un autre scénario semble donc possible : celui d'une Assemblée bloquée, sans alliance envisageable entre des camps très polarisés, au risque de plonger la France dans l'inconnu. Dans ce cas, si le Rassemblement national ne parvenait pas à obtenir de majorité absolue, le Premier ministre Gabriel Attal a milité pour la création de «nouvelles coalitions républicaines» afin de constituer des «majorités de projet», au cas par cas, pour gouverner la France. Selon les dernières tendances, le RN devrait pour sa part faire un quasi sans faute au second tour pour espérer placer Jordan Bardella à Matignon.
Découvrez les résultats des élections législatives dans votre commune ici