Alors que les députés s’apprêtent à voter définitivement ce mercredi 5 juin une loi pour renforcer l’arsenal français contre les ingérences étrangères, une partie de la gauche s’inquiète de dispositions qu’elle juge «contraires à l’État de droit».
Moscou dans le viseur. Suite à la multiplication de tentatives de manipulations en France ces dernières semaines, les députés doivent se mettre d’accord ce mercredi à l'Assemblée nationale concernant la proposition de loi visant à renforcer l’arsenal français contre les ingérences étrangères.
Ce texte, initié sur la base de travaux de la délégation parlementaire au renseignement par le président de la commission des Lois Sacha Houlié, avec son homologue de la commission de la Défense Thomas Gassilloud et la députée Constance Le Grip, a déjà été voté lundi au Sénat.
Dans le détail, cette proposition de loi entend renforcer l'arsenal législatif contre les ingérences, en créant notamment un registre national de l'influence, une procédure de gel des avoirs financiers, et en renforçant à titre expérimental cette lutte par une surveillance algorithmique aujourd'hui réservée à l'antiterrorisme.
Rôle-clé de la HATVP
Dans le texte figure notamment les derniers exemples en date de manipulations étrangères inculpées à Moscou, telles que les étoiles de David taguées sur des murs d'Ile-de-France, les mains rouges peintes sur le mémorial de la Shoah, et les «faux cercueils» déposés sous la Tour Eiffel.
La proposition de loi prévoit également obliger des représentants d'intérêts étrangers qui font du lobbying en France, notamment auprès d'élus, de s'inscrire sur un registre national, avec un régime de sanctions pénales pour les contrevenants.
Les concernés seront «les personnes physiques ou morales» qui tenteraient d'«influer sur la décision publique» ou les politiques publiques françaises, en entrant par exemple en contact avec des parlementaires, des ministres, certains élus locaux ou encore d'anciens présidents de la République.
Ce registre, géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), entrerait en vigueur le 1er juillet 2025, le délai devant permettre de doter l'institution des fonds et équipes suffisants. Le pouvoir de la HATVP se trouvera alors élargi, pouvant se prononcer pendant cinq ans et non plus trois sur le passage dans le privé d'un responsable public, un ancien ministre par exemple, quand ce contrôle est «exercé au regard d'un risque d'influence étrangère».
La gauche divisée sur le sujet
«Je crains qu'il y ait encore un peu de naïveté» dans l'opinion publique au sujet des ingérences, a indiqué Constance Le Grip, tout en saluant une forme de «prise de conscience», et le travail effectué par les services de renseignement et les ministères régaliens. La rapporteure au Sénat Agnès Canayer, membre du groupe LR, a quant à elle salué un texte qui vient combler certaines «lacunes de notre droit».
Néanmoins, cette vision ne semble pas être partagée par une certaine partie de la gauche, risquant de se diviser ce mercredi lors du vote. En effet, les députés socialistes pourraient voter pour, les communistes et insoumis s'apprêtent à voter contre.
«C'est un texte fait à la va-vite, qui ne répond pas aux enjeux et ouvre la voie à des contrôles algorithmiques contraires à l'État de droit», a critiqué Bastien Lachaud (LFI). Le député dénonce notamment l’une des mesures de ce texte, visant à élargir aux cas d'ingérences étrangères un dispositif expérimental de surveillance algorithmique lancé en 2015, destiné à repérer des données de connexions sur Internet. Il était jusque-là restreint au terrorisme.