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Émeutes en Nouvelle-Calédonie : réseaux sociaux manipulés, soutiens financiers... Comment l’Azerbaïdjan utilise les indépendantistes pour déstabiliser la France

L’Azerbaïdjan tente de raviver le sentiment anti-français et appelle régulièrement à l’autodétermination du territoire. [@Theo Rouby / AFP]

Alors que les émeutes se poursuivent en Nouvelle-Calédonie, le ministère de l’Intérieur a révélé que la Russie, la Chine mais surtout l’Azerbaïdjan tentent de s’immiscer dans la politique locale afin de déstabiliser la France. L’ancienne République soviétique reproche notamment à Paris son soutien à l’Arménie.

«Ce n'est pas un fantasme, c'est une réalité. Je regrette qu'une partie des leaders indépendantistes calédoniens aient fait un deal avec l'Azerbaïdjan, c'est incontestable», a dénoncé Gérald Darmanin ce jeudi. Si l’information peut paraître étonnante, elle n’en demeure pas moins vraie. Selon le ministère de l’Intérieur, plusieurs puissances étrangères, à commencer par l’Azerbaïdjan, tentent de déstabiliser la France en utilisant la situation en Nouvelle-Calédonie.

Depuis quelques mois, la lointaine république du Caucase, située à quelque 14.000 kilomètres de Nouméa, a pris fait et cause pour le mouvement indépendantiste kanak. S’il se montrait jusque-là plutôt discret, menant néanmoins une campagne de déstabilisation plus intense sur les réseaux sociaux, le régime azéri semble cette fois-ci directement impliqué dans les événements qui se déroulent actuellement en Nouvelle-Calédonie, sur fond de représailles politiques.

Soutien de la France à l'Arménie

Et pour cause, depuis des décennies, Bakou et Erevan se disputent la région du Haut-Karabakh, une enclave située en Azerbaïdjan mais presque exclusivement peuplée d’Arméniens. Alors que l’Azerbaïdjan a mené, en septembre dernier, une ultime offensive militaire dans la région, qui a conduit à l’exode de 100.000 Arméniens, la France a réagi en offrant un soutien militaire appuyé à l’Arménie, reposant notamment sur plusieurs contrats d’armement, ainsi que sur l’envoi de militaires français pour la formation de troupes à Erevan.

De quoi faire naître une certaine rancoeur à Bakou, et alimenter un sentiment anti-français déjà bien présent dans le pays après les multiples soutiens affichés par le passé à l’Arménie. Il y a quinze jours, Gérald Darmanin avait ainsi dénoncé à l’Assemblée nationale «une ingérence extrêmement néfaste» après la signature d’un mémorandum de coopération entre le Congrès de Nouvelle-Calédonie et le parlement azéri, dont l’objectif est clair : «sensibiliser la communauté internationale sur le droit du peuple de la Nouvelle-Calédonie à l’autodétermination». 

Difficile de ne pas y voir une véritable tentative de déstabilisation de la part du gouvernement azéri, qui ne s’est d’ailleurs pas arrêté là. Invitation d’élus, soutiens financiers au FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste), publication de mots-clés comme #politiquecolonialefrançaise sur les réseaux sociaux, ou encore présence du drapeau azéri dans les manifestations indépendantistes : selon Beauvau, l’Azerbaïdjan tente par tous les moyens de raviver le sentiment anti-français et appelle régulièrement à l’autodétermination du territoire.

Des allégations portées par le ministère de l'Intérieur, qui n'ont pas tardé à faire réagir le gouvernement azéri. Par l'intermédiaire d'un communiqué cinglant, l'Azerbaïdjan a dénoncé «une campagne de diffamation insultante», tout en affirmant n'avoir «soutenu en rien» les manifestations qui se déroulent en Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement a également invité Gérald Darmanin à se concentrer sur «la politique ratée de son pays à l'égard des territoires d'outre-mer» qui a conduit à «de telles manifestations».

La Russie également impliquée

Ces dernières semaines, des banderoles pro-Vladimir Poutine, avec des messages explicites comme «Président Poutine, libère nos colonies», ont été aperçues lors des manifestations indépendantistes. Si l’appui de Moscou à la cause kanak n’est pas nouveau, le positionnement de la France face à la guerre en Ukraine menée par Vladimir Poutine a accentué la campagne de déstabilisation globale de la Russie contre les Occidentaux.

Cette dernière dénonce notamment la présence française en Afrique subsaharienne, instrumentalise le conflit israélo-palestinien dans l’Hexagone, et soutient, donc, les revendications indépendantistes en Nouvelle-Calédonie. Comme en Afrique francophone, une propagande anti-française circule sur les réseaux sociaux via des comptes aux origines russes ou proches de ces sphères.

La chine s'intéresse au Nickel

Ces actions se conjuguent à une offensive plus massive : celle de la Chine qui mène une stratégie globale dans le Pacifique sud face à l’Australie et aux États-Unis. Forte de son influence économique, la Chine cherche notamment à éliminer toute concurrence dans l’exploitation du nickel, très présent en Nouvelle-Calédonie et indispensable au développement des nouvelles technologies et de la voiture électrique.

Alors que les cours de ce métal ont chuté et que des mines ont fermé en Australie, la filière souffre aussi en Nouvelle-Calédonie. Le «pacte nickel» porté par le gouvernement pour sauver cette industrie est toujours en cours de discussion, et cette situation économique préoccupante provoque de nombreux troubles sur lesquels tente de surfer la Chine, qui entretient des liens toujours plus étroits avec les mouvements indépendantistes kanak. 

Sur place, certains s'inquiètent ainsi d’une possible mise en place d’un projet minier porté par les indépendantistes associés à la Chine. D'autant plus que l’association de l’amitié sino-calédonienne, dirigée par deux directeurs de cabinet du président indépendantiste du Congrès, Roch Wamytan, ne s'en cache plus : «Nous n’avons pas peur de la Chine. C’est la France, pas elle, qui nous a colonisés». 

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