Depuis la signature d'un accord jugé historique entre les syndicats et la direction de la SNCF sur la fin de carrière, la polémique enfle, notamment dans la classe politique, qui a dénoncé «une capitulation» et un «contournement de la réforme des retraites».
«C'est une capitulation», jugeait Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, ce mercredi 24 avril sur CNEWS. Deux jours plus tôt, un accord avait été entériné entre les syndicats et la direction de la SNCF, portant sur les dispositifs de départ en retraite anticipée, notamment lorsque des critères de pénibilité sont avérés.
Dans les grandes lignes, les cheminots embauchés sous le statut spécifique (avant 2020) auront le droit à une «cessation anticipée d'activité» (CAA) qui débutera trente mois avant leur retraite, avec quinze mois effectués et payés à 100% et quinze mois non travaillés rémunérés à hauteur de 75%. Pour les contrôleurs, le dispositif devrait même s'étaler sur trente-six mois, toujours sur le même principe. À savoir également que seuls 12% des cheminots utilisent ce dispositif.
De même, la direction a proposé la création d'un nouvel échelon dans la grille de salaires, permettant une hausse de salaire et donc, de nouvelles perspectives, pour les employés en fin de carrière.
les syndicats ravis, les politiques offusqués ou mal à l'aise
Sans surprise, les quatre organisations syndicales de la compagnie ferroviaires (CGT-Cheminots, Unsa-Ferroviaire, CFDT-Cheminots et Sud-Rail) se sont félicitées de ce texte.
Une victoire d'autant plus à souligner qu'elle intervient moins d'un an après l'entrée en vigueur de la réforme des retraites de l'exécutif. D'ailleurs, Sud-Rail justifie cet accord pour «compenser en partie les effets néfastes de la réforme».
Dès lors, l'annonce a sonné comme une trahison dans la classe politique, essentiellement à droite. «Le chantage à la grève a payé, la gréviculture a gagné», s'est scandalisé Bruno Retailleau, ce matin, sur l'antenne de CNEWS. Au centre des critiques, le président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, accusé d'avoir «acheté la paix sociale sur le dos des contribuables et des usagers» en permettant «le contournement de la réforme des retraites».
Du côté de l'exécutif, on marche sur des œufs. En effet, la menace de mouvements de grève successifs, entre les périodes de ponts du mois de mai, de vacances d'été et de Jeux olympiques, laissait augurer du pire. Prisca Thevenot, porte-parole du gouvernement, a assuré dans le dernier compte-rendu du Conseil des ministres, ce mercredi, que «cet accord respecte l'esprit de la réforme des retraites». Le gouvernement a-t-il lâcher du lest ? Rien n'est moins sûr.
Les spécialistes divisés
La fondation Ifrap, qui s'est prété au jeu de la comptabilité, estime que cette nouvelle mesure interne pourrait coûter jusqu'à «300 millions d'euros par an maximum». Elle soutient également que cette «concession pour la paix sociale» sera «payée sur le dos des Français».
Une analyse politique et économique contestée par d'autres spécialistes. «Les effets de la réforme ne sont pas annulés par l'accord», soutient Stéphane Sirot, spécialiste de l'histoire des grèves et du syndicalisme. Le socio-historien soutient que la lecture critique émise par les Républicains est «partielle et peu efficiente».
«Sur les déclarations qui disent que ce sont les usagers qui vont payer l'accord, c'est oublier la complexité de ce qu'est la réalité du travail. Dans les entreprises où il y a un climat favorable, il y a également moins d'arrêts de travail, plus d'engagement de la part des salariés. D'une certaine manière, le coût financier est rattrapé par le contenu et la productivité».
Le chercheur souligne également que les salariés embauchés depuis 2020, qui sont affiliés au régime général, «ne sont pas concernés par le versant strictement retraite de l'accord», même s'ils profiteront «des efforts faits sur les évolutions de carrière». Ainsi, les avantages liés à la fonction et au statut de cheminots devraient «se tarir, à terme».