Publié ce mardi 26 mars, le rapport annuel de la Défenseure des droits montre une hausse des saisines en 2023. Une fragilisation «préoccupante» de l'Etat de droit est signalée et la question de la l'accompagnement des lanceurs d'alerte apparaît particulièrement d'actualité.
«L'année 2023 me conduit à porter un regard inquiet sur l'état des droits et libertés de notre pays», écrit la Défenseure des droits, Claire Hédon, dans son rapport annuel. Publié ce mardi 26 mars, le document déplore une «banalisation des atteintes aux droits» et montre une augmentation des sollicitations de la Défenseure des droits l'an dernier, notamment concernant la protection des lanceurs d'alerte.
Claire Hédon a été sollicitée près de 257.000 fois en 2023, en comptant les «réclamations, informations et orientations» mais aussi les «appels aux plates-formes téléphoniques». Les premières ont augmenté de 10% et les seconds de 18% par rapport à 2022, ce qui montre, selon Claire Hédon, qu'un «fossé s'est construit entre les usagers et le service public».
La majorité des dossiers traités par ses 600 délégués répartis sur le territoire concernent effectivement majoritairement les relations avec les services publics, avec plus de 92.000 réclamations, en hausse de 12% sur un an. Les autres réclamations concernent la lutte contre les discriminations, les droits de l'enfant, la déontologie des forces de sécurité mais aussi la protection des lanceurs d'alerte.
#Rapport | La banalisation des atteintes aux droits et libertés inquiète la Défenseure des droits.
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Sur ce dernier point, les saisines ont explosé, à +128%. Cette hausse s'inscrit dans le contexte du renforcement du cadre légal à ce sujet, puisqu'un décret paru le 3 octobre 2022 permet aux lanceurs d'alerte de voir leur signalement pris en compte en s'adressant directement à l'une des quarante-et-une autorités administratives externes désignées par les pouvoirs publics.
A titre d'exemple, l'institution a été «saisie par une salariée ayant dénoncé de possibles délits commis par son employeur qui l’avait ensuite licenciée sur la base de manquements et comportements professionnels».
La Défenseure des droits a «présenté ses observations devant la Cour de cassation pour faire valoir que la protection des lanceurs d’alerte pouvait être mobilisée devant le juge du référé prud’homal», arguant que l’aménagement de la charge de la preuve devait bénéficier au salarié dans le cadre de cette procédure». La Cour de cassation «est allée dans son sens en cassant l’arrêt de la Cour d’appel».
«Une banalisation des atteintes aux droits»
Plus largement, le rapport estime que l'année 2023 a été marquée par «une banalisation des atteintes aux droits» et une fragilisation «préoccupante» de l'Etat de droit. Claire Hédon pointe du doigt plusieurs réformes législatives ou réglementaires ayant «restreint le bénéfice de certains droits».
Elle vise notamment la loi «pour le plein emploi», la loi Kasbarian «visant à protéger les logements contre l'occupation illicite» ainsi que la loi sur l'immigration. Toutes ont selon elle le point commun de mettre «encore plus en difficulté des populations déjà très vulnérables» et, concernant la dernière, la Défenseure des droits déplore «l'instrumentalisation du Conseil constitutionnel à qui il a été demandé de sanctionner des dispositions législatives malgré leur inconstitutionnalité manifeste».
Le rapport juge par ailleurs que l'inexécution des décisions de justice, «y compris adoptées par les plus hautes juridictions» est «de plus en plus importante». La non-exécution des décisions en matière de droit au logement opposable (Dalo) ou d'accès des étrangers aux préfectures est notamment «une constante» dans «certaines régions».
Les restrictions des libertés d'expression, de manifestation et d'association se sont par ailleurs poursuivies et l'institution dit avoir été saisie «de près de 170 réclamations mettant en cause la déontologie des forces de sécurité dans le maintien de l'ordre» à l'occasion des manifestations contre la réforme des retraites. Or, la Défenseure des droits estime que ces saisines répétées «peuvent dissuader des personnes d'aller manifester et restreignent ainsi la possibilité d'utiliser la manifestation comme vecteur de contestation des décisions publiques».