Au terme d'une semaine de suspense, Gabriel Attal a finalement été choisi pour succéder à Élisabeth Borne à Matignon. Le nouveau Premier ministre sera en charge de former un nouveau gouvernement dans les prochains jours, et devra rapidement répondre aux grands défis qui l’attendent pour cette année 2024.
Une année capitale et des défis à relever. Gabriel Attal a finalement été choisi par Emmanuel Macron pour remplacer Élisabeth Borne à Matignon. Le désormais ex-ministre de l’Education nationale sera chargé de redonner un second souffle au quinquennat d’Emmanuel Macron, après les épisodes douloureux de la réforme des retraites et de la loi immigration. À cet égard, Gabriel Attal sera notamment attendu sur cinq grands chantiers, dans une année décisive pour l’avenir de la France et de la macronie.
La bataille des européennes
À moins de six mois des élections européennes du 9 juin prochain et au moment où le camp présidentiel est largement distancé dans les sondages par le Rassemblement national, l’heure est la bataille. Pour cela, le premier grand chantier du nouveau Premier ministre sera de mener cette bataille des européennes pour reconquérir un bastion qui était autrefois sa marque de fabrique : un ancrage européen fort, marqué par une politique européenne affirmée.
Plusieurs voix en interne plaideraient même pour «un gouvernement de campagne», avec à sa tête un poids lourd, incarné par Gabriel Attal, qui puisse mener la bataille des élections européennes de juin, qui sera décisive pour assurer «la survie du bloc central d'ici 2027», selon les mots de l’allié historique d’Emmanuel Macron, le président du MoDem, François Bayrou.
«La jeunesse, la cote dans l'opinion et la capacité réelle ou supposée à conduire la campagne gouvernementale des européennes ont fait la différence», croit savoir une source proche de l’exécutif citée par l'AFP. «Il est populaire, jeune, et c'est quelqu'un créé de toutes pièces par Macron», abonde aussi cette source, qui décrit Gabriel Attal, comme le mieux armé pour mener la bataille face au Rassemblement national dans l’opinion publique.
Le bras de fer idéologique
Si le président de la République a estimé que le passage de la loi immigration était une victoire pour son camp, nombre d’opposants et d’observateurs n’ont pas fait le même constat. À commencer par l’extrême droite qui a immédiatement salué une victoire idéologique avec une «consécration de la priorité nationale», ne manquant pas de rappeler l’importance des voix des députés RN dans le passage du texte.
Le remaniement pourrait donc être une forme de réponse à cette défaite idéologique face aux valeurs du Rassemblement national, qui avait cristallisé les tensions dans le camp de la majorité, entrainant notamment la démission du ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, et de l’incompréhension voire du doute dans l’esprit de nombreux parlementaires. À cet égard, la nomination de Gabriel Attal permet de ne pas rompre avec l’aile gauche de la majorité qui s’est sentie flouée lors des débats.
L’un des grands chantiers du nouveau Premier ministre sera donc d’apporter une certaine cohérence idéologique avec le projet qui a porté Emmanuel Macron lorsqu’il a été élu président de la République, avec notamment le «dépassement des clivages», le «renouvellement» ou encore «la refondation» comme valeurs intrinsèques.
Le réarmement civique
Emmanuel Macron l’a déploré à plusieurs reprises, et notamment à l’occasion de sa dernière intervention télévisée dans l’émission «C à vous» sur France 5, le pays est, selon lui, engagé dans un processus de «décivilisation». Celui-ci se manifeste notamment à travers les récentes affaires tragiques qui ont scindé la France en deux : le meurtre du jeune Thomas, à Crépol, et celui du jeune Nahel, à Nanterre. À ce titre, le président avait, à chaque fois, évoqué un lien avec l'école, «la mère des batailles», et un nécessaire «réarmement civique» aux contours encore flous.
Il devrait donc s’agir de l’un des principaux défis de Gabriel Attal. Cette volonté de «réarmement civique» se retrouve d’ailleurs dans les décisions prises lors de son éphémère passage au ministère de l'Education nationale, comme l'interdiction de l'abaya dans les écoles et les mesures pour rehausser le niveau des élèves. Le nouveau Premier ministre ne sera d'ailleurs resté que cinq mois dans ce ministère, désormais présenté comme la priorité d'Emmanuel Macron.
La relance économique et industrielle
Après avoir tranché sur son Premier ministre, Emmanuel Macron s'attaquera, en compagnie de Gabriel Attal, à reformer l'ensemble du gouvernement, avec deux mots d'ordre : «réduire et renouveler». Un chantier d'ampleur, qui ne devrait néanmoins pas concerner Bercy, le ministère piloté par Bruno Le Maire depuis 2017. En effet, l’un des gros dossiers géré par le gouvernement demeure celui du réarmement économique et industriel, avec une politique forte et ambitieuse menée sur le long terme.
Sur ce point, «la stabilité dans ces périodes de grands bouleversements a beaucoup de vertus» a plaidé Bruno Le Maire. Le nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, devra donc assurer une certaine continuité dans la trajectoire des travaux de Bercy, qui ont pour but de «renforcer l'attractivité de la France» mais aussi de mener «une bataille fiscale et budgétaire» au prix de décisions «difficiles» en matière de finances publiques.
Le nouveau duo formé par Gabriel Attal et Bruno Le Maire devra ainsi porter plusieurs mesures pour cette année, notamment une loi de simplification pour les entreprises et une autre sur l'attractivité financière de la France pour le printemps, afin de «conforter» la place de nation «la plus attractive pour les investissements en Europe». Bruno Le Maire, qui devrait probablement rester numéro 2 du gouvernement a ainsi défini 2024 comme «une année de tous les dangers internationaux mais aussi de toutes les opportunités pour la France».
«Le moment est venu d'aller au bout des convictions que nous avons portées, de prendre les décisions les plus difficiles en matière de finances publiques, d'industrie, de modèle social pour garantir que la France bascule du bon côté du XXIème siècle, du côté des vainqueurs et des économies puissantes», en un mot «de parachever cette transformation du modèle économique et social français», a-t-il conclu.
Les conflits internationaux
À l’heure où le monde est frappé par plusieurs guerres, aux portes de l’Europe avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais aussi au Proche-Orient où la situation reste très instable, la position de la France est scrutée, par les Français mais aussi à l’international, et demeure l’un des grands défis qui devra être géré, par Emmanuel Macron, mais aussi par son Premier ministre, qui, s’il ne sera pas directement en charge du dossier, devra faire les bons choix pour nommer des personnalités compétentes pour porter les valeurs et les intérêts de la France.
L'avenir de Catherine Colonna (Affaires étrangères), que Sébastien Lecornu avait semblé presque remplacer sur le plan diplomatique au Proche-Orient, semble ainsi incertain. Pour la remplacer, certains glissent que le ministre de l'Intérieur Gérard Darmanin se verrait bien au Quai d'Orsay, tandis que circule aussi le nom de Stéphane Séjourné, eurodéputé et président du parti présidentiel Renaissance.