Jacques Delors est mort à l'âge de 98 ans ce mercredi 27 décembre 2023. Le 11 décembre 1994, alors qu’il était président de la Commission européenne depuis 1985 et pressenti pour représenter le Parti socialiste à l'élection présidentielle de 1995, il renonçait sur le plateau de «7 sur 7» à être candidat.
Un renoncement inattendu. Alors qu’il était le favori, dans le camp des socialistes, pour se présenter à l’élection présidentielle de 1995, Jacques Delors, a renoncé à sa candidature, motivant sa décision par son âge avancé (70 ans) mais surtout car il se croyait incapable de «rassembler une majorité législative» s’il parvenait à se faire élire. C’est finalement Lionel Jospin qui se présentera sous l’étiquette du Parti socialiste. Il finira en tête du premier tour de la présidentielle avant de perdre face à Jacques Chirac au second tour.
Après les deux septennats de François Mitterrand et le retrait de la candidature de Michel Rocard, affaibli politiquement après avoir perdu la présidence du parti socialiste (PS), Jacques Delors paraîssait aux yeux des socialistes en 1994 le mieux placé pour représenter le parti à la prochaine présidentielle. Pendant six mois, entre juin 1994, date à laquelle Michel Rocard renonce à sa candidature, et le mois de décembre 1994, le suspens était total. Jacques Delors, occupé par ses obligations bruxelloises, laissait alors planer le doute sur ses intentions.
Alors que les militants du PS se mobilisaient pour appuyer sa candidature, avec François Hollande en tête, secrétaire général du Club témoin, groupe de réflexion créé par Jacques Delors en 1993, qui animait des rencontres à travers le pays pour insuffler un mouvement populaire sur son nom, Jacques Delors se voyait de plus en plus pressé par les siens pour représenter la gauche en 1995. En témoigne la déclaration du nouveau secrétaire du PS de l’époque, Henri Emmanuelli, qui l'a exhorté de se présenter : «Je pense avoir le droit de te dire, au nom de la majorité des socialistes, que c’est ton devoir», lui lançait-il le 20 novembre 1994 au congrès de Liévin.
Le refus d'une cohabitation
Dès lors, la candidature de Jacques Delors était de plus en plus présentée comme une obligation morale, la seule capable de faire remporter l'élection présidentielle à la gauche. Mais finalement, le 11 décembre 1994, sur le plateau de l’émission «7 sur 7» sur TF1, Jacques Delors annonçait aux Français sa décision : il ne serait pas candidat.
Et pour cause, le socialiste s’estimait trop vieux (70 ans) et se croyait surtout incapable de «rassembler une majorité législative» une fois élu, afin de mener à bien ses priorités : «rénover la démocratie, encourager la participation des citoyens, lutter contre le chômage et l’exclusion, rétablir le lien social, assurer la cohésion du pays», et faire en sorte que la «France demeure l’inspiratrice d’une Europe politique puissante et généreuse à la fois».
Lionel Jospin s'incline face à Jacques Chirac
Face à son refus d’une éventuelle cohabitation en cas d’élection, Jacques Delors renonçait donc définitivement à sa candidature, provoquant de nombreuses réactions désabusées dans son camp, aussi bien de la part des responsables que des sympathisants. L’annonce de son retrait dans la course à l’Elysée propulsait finalement la candidature de Lionel Jospin. Avec 23,30 % des voix, ce dernier est arrivé en tête des suffrages au soir du premier tour, devant Jacques Chirac, qui recueillait 20,84% des voix, et loin devant le favori Edouard Balladur (18,58%).
Au soir du second tour, avec le report des voix de la droite, Jacques Chirac était finalement élu président de la République avec 52,64% des voix, et avec une campagne portée par la dénonciation de la «fracture sociale», un thème si proche des préoccupations de Jacques Delors.