Au silence et à la honte, ils ont choisi la visibilité et le rayonnement. Tous deux séropositifs, Andréa Mestre et Nicolas Aragona, plus connu sous le pseudo Supersero sur les réseaux sociaux, nous ont confié leurs parcours respectifs, et ont évoqué leur lutte contre les discriminations visant les personnes atteintes du VIH.
Ne plus se cacher et montrer le quotidien d’une personne séropositive et bien-portante, voici l'œuvre d’Andréa Mestre et Nicolas Aragona. Alors que se déroule se vendredi 1er décembre la journée mondiale de lutte contre le sida, CNEWS a interviewé ces deux trentenaires qui ont trouvé leur manière respective de sensibiliser au VIH et à la sérophobie - discrimination à l’encontre des personnes séropositives.
@supersero_ Le premier decembre #vih #sida son original - SUPERSERO
C’est avec un ton humoristique et grinçant que Nicolas Aragona, 34 ans s’adresse à ses 201.000 abonnés sur son TikTok «Supersero», mélangeant vidéos explicatives, instants légers de vie et réponses bien senties aux détracteurs.
Mais parfois, le sérieux remplace le sarcasme quand il s’agit de dévoiler la réalité de personnes séropositives qui finissent par mettre fin à leurs jours, après des années de stigmatisation et de mise à l’écart, de la part du milieu médical, d'inconnus ou même de proches.
@andreamestre92 ça me déchire le cœur car je suis passée par là et je j'imagine la douleur qu'elle a pu ressentir dans ces moments avant de passer à l'acte ! Certaines personnes trouvent toujours normal qu'on traite les personnes Séropositives comme des pestiferees, des assassins et j'en passe ! Ils ne s'en rendent pas compte que leurs comportement et leurs mots tuent !!! STOP on en a marre . Vous pensez que nous sommes des coupables, mais non nous sommes aussi des victimes. @SUPERSERO son original - Andrea
Nicolas Aragona nous a confié l'annonce «catastrophique» de sa séropositivité par un service de médecine qui l'a fait attendre plusieurs heures avant d'apprendre la nouvelle. À l'époque, le jeune homme avait 21 ans, et était accompagné de sa mère.
«Le laboratoire m’a rappelé pour me dire d'aller voir mon médecin car "ça demandait un traitement d'urgence" et que c'était "grave"», a-t-il confié.
«tous mes autres potes ont disparu»
Une fois chez son médecin, ce dernier était absent, laissant la place à sa remplaçante. Celle-ci lui a confirmé que «c’était très grave et que ça nécessitait un traitement d’urgence», mais qu'elle ne souhaitait pas prendre la responsabilité de lui annoncer de quoi il s'agissait.
Nicolas devait donc attendre le retour de son médecin généraliste... Deux semaines plus tard.
«Ma mère a trouvé une docteure en ORL qui a bien voulu nous le dire à 23h à l’hôpital», a poursuivi l'auteur du «Petit Dico des superséros».
S'il a toujours été soutenu par ses parents, c'est la découverte du regard exterieur qui fût particulièrement difficile pour le jeune homme, qui ne s'attendait pas à une telle violence, et un tel abandon : «Ma meilleure amie et mon meilleur ami sont restés, mais tous mes autres potes ont disparu», s’est souvenu Nicolas.
«On ne te parlait plus car on t'estimait coupable»
Par un surprenant hasard, certains d'entre eux sont revenus vers lui, après avoir attrappé le VIH à leur tour plusieurs années après : « Ils me disaient 'à l’époque on ne te parlait plus parce qu’on estimait que tu étais coupable"», a-t-il poursuivi.
Andréa Mestre, elle, fait partie des chanceux qui a vu son entourage inchangé après l’annonce de sa séropositivité à 22 ans. Sur les réseaux sociaux, la mère de famille affiche son bonheur, partagé avec son conjoint, sa famille et ses trois enfants.
Malheureusement, le soutien de ses parents, de ses proches et de ses amis n'avait pas empêché Andréa de faire une tentative de suicide après une violente dépression, lors de sa première année avec le VIH.
«Il y a des personnes qui ne nous fuient pas»
À l'époque, la jeune femme ne connaissait pas encore celui qui partagera sa vie. Et qu'elle a rencontré quelques jours seulement après avoir tenté de mettre fin à ses jours. Deux semaines après avoir fait sa connaissance, Andréa a confié sa séropositivité à son compagnon, qui a «très bien réagi».
«C'est important de le montrer, pour que les personnes ayant gardés des préjugés dignes des années 1990 voient qu'il y a des personnes qui ne nous fuient pas, qui ne changent pas de comportement avec nous», a-t-elle poursuivi.
Dix ans après la découverte de sa séropositivité, Andréa Mestre est présidente du Mouvement contre la sérophobie. L'association propose notamment un accompagnement psychologique dédié aux personnes séropositives, mais aussi des ateliers, et des échanges via une boucle Télégram suivie sur le continent européen, mais aussi en Afrique et en Amérique du Nord.
Andréa, Nicolas et beaucoup d'autres souhaitent informer autour des risques du VIH, mais aussi normaliser et dédiaboliser la présence des personnes séropositives dans l'espace public, montrer qu'elles ont une vie normale, et qu'elles ne représentent pas un danger, bien au contraire.
«Nous on connait notre statut, on est sous traitement, indétectables, et on ne transmet plus le virus. Les autres personnes que vous côtoyez au quotidien, vous ne connaissez pas leur statut sérologique», nous a-t-elle expliqué.