La Première ministre Elisabeth Borne a annoncé ce samedi que les distributeurs pourront revendre de l'essence «à perte» pendant quelques mois, afin de leur permettre de «baisser davantage les prix» des carburants. Mais, dans les faits, cette opération peut-elle être vraiment profitable aux clients ?
Autoriser la vente des carburants en-dessous de leur prix d'achat, «à perte», et faire sauter le verrou législatif «pendant une durée limitée de quelques mois». C'est la possibilité évoquée par la Première ministre Elisabeth Borne, ce samedi, dans un entretien accordé au Parisien-Aujourd'hui en France, pour faire face à l'envolée des prix à la pompe.
«A titre exceptionnel, sur le carburant et sur une période limitée de quelques mois, nous allons lever cette interdiction, ce qui permettra aux distributeurs de baisser davantage les prix», a ainsi annoncé Elisabeth Borne.
Depuis la loi du 2 juillet 1963, via l'article L.442-5 du Code de commerce, le droit français empêche pourtant la revente à perte, protégeant les commerçants et les entreprises, et le client. Le système de vente à perte n'est par exemple autorisé qu'en période de soldes.
Concrètement, la vente à perte, ou plus exactement la revente à perte, est donc une pratique le plus souvent interdite. Elle consiste à revendre des produits en l'état, c'est-à-dire sans aucune transformation, à un tarif inférieur au coût d'acquisition ou au coût de revient.
«Gare aux effets pervers»
Les résultats, bénéfiques ou non, de cette mesure, dépendront de sa mise en oeuvre. Jean-Hervé Lorenzi, fondateur du Cercle des économistes et des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, prévient : «Spontanément, j'ai une sympathie pour cet assouplissement qui entraînera une baisse des prix, mais gare aux effets pervers, d'autant qu'il n'y a pas beaucoup d'études économiques sur le sujet».
Un sujet qui d'ailleurs «a mauvaise presse dans notre imaginaire collectif : elle est assimilée à la grande entreprise prédatrice», note l'économiste Emmanuel Combe, professeur à l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, dans une tribune pour l'Opinion il y a un an, citée par Le Parisien.
Francis Pousse, président du syndicat professionnel Mobilians, qui représente 5.800 stations-service traditionnelles (hors grandes surfaces), dont 3.400 stations affichant l'enseigne TotalEnergies, se dit aussi sceptique sur l'effet de cette mesure sur le pouvoir d'achat. «Nous pompistes, il est hors de question qu'on vende à perte», a-t-il déclaré à l'AFP.
«Mes adhérents vivent à 40, 50% voire plus de la vente du carburant, donc s'ils vendent à perte, je leur donne trois mois», a-t-il ajouté. Si les prix des fournisseurs des grandes surfaces continuent d'augmenter, elles ne pourront «pas se permettre de perdre 15 centimes sur chaque litre d'essence». Le président de Mobilians attend «des engagements rapides et fermes» du gouvernement pour protéger ses adhérents de cette «dérégulation du marché».
La date du début de cette opération et sa durée précise n'ont du reste pas été évoquées par la cheffe du gouvernement.