Alors que la rentrée politique s'installe, Emmanuel Macron se trouve sur tous les fronts. Après avoir rassemblé son camp, mardi, autour d’un dîner à l’Élysée, et avant un Conseil des ministres, ce mercredi, qui devrait précéder la fameuse «initiative politique de grande ampleur», le président peaufine sa stratégie pour optimiser ses chances de convaincre.
C’est la rentrée des classes pour le gouvernement. Ce mercredi 30 août se tient le premier véritable Conseil des ministres de la rentrée, avec un objectif clair : peaufiner la stratégie de la majorité pour préparer au mieux l’initiative politique de grande ampleur promise par Emmanuel Macron, et matérialisée par une réunion inédite entre les responsables de tous les partis représentés au Parlement, organisée dans l'après-midi à la maison d’éducation de la Légion d’honneur de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).
Une stratégie en trois temps
La stratégie d’Emmanuel Macron s’est ainsi déroulée en trois temps : une réunion avec les poids lourds du gouvernement - une dizaine de ministres et Élisabeth Borne - élargie aux cadres et aux «alliés» de la majorité, mardi soir, à l'Élysée. En plus de Bruno Le Maire, Gérald Darmanin ou encore Gabriel Attal, figuraient ainsi sur la liste des convives des personnalités telles que Édouard Philippe (Horizons), François Bayrou (MoDem) et le patron de Renaissance, Stéphane Séjourné. Tous ont travaillé sur des propositions à avancer lors de la réunion du lendemain, et convenu de la marge de manœuvre à laisser aux oppositions.
La deuxième étape intervient ce mercredi 30 août à l’occasion du Conseil des ministres. Emmanuel Macron devrait ainsi exposer les derniers contours de sa stratégie auprès de l’ensemble de son équipe gouvernementale, afin de dégager une ligne claire et des éléments de langage qui seront repris face à la presse. Les ministres non-conviés à la réunion de la veille seront également informés de leurs nouvelles prérogatives liées aux potentielles avancées de «l’initiative politique de grande ampleur».
Enfin, l'ultime étape de la stratégie du président réside dans cette fameuse initiative, une manoeuvre bien rodée qui consiste à réunir l’ensemble des représentants du paysage politique français pour «sortir le pays des crises», et «entamer des réformes de grande ampleur» tout en s'assurant que chacun puisse «converger sans reniement ni renoncement», dans l’intérêt supérieur des Français.
Une main tendue par le président qui cache en réalité une stratégie de la dernière chance pour Emmanuel Macron, sans laquelle il pourrait éprouver beaucoup de difficultés à terminer son quinquennat dans le climat social survenu après la réforme des retraites ou les émeutes liées à la mort de Nahel.
La volonté d'un échange «loyal» à huis clos
Selon les premiers éléments recueillis par CNEWS, l’ensemble de la journée se déroulera sans la presse. Aucune prise d'image ne sera autorisée et aucune zone de duplex ne sera prévue. Le président de la République et la Première ministre accueilleront les invités à 15h et organiseront trois réunions de travail.
La première concernera les problématiques internationales, avec en exergue la crise climatique et la guerre en Ukraine. La deuxième réunion sera consacrée à la réforme des institutions et à la décentralisation du pays, tandis que la dernière, sous la forme d’un dîner, fera l’objet de propositions pour trouver des solutions pour «faire nation».
Sur la forme, chacune des réunions devrait commencer par une introduction du président, puis les invités parleront à tour de rôle pour avancer leurs propositions. S’en suivront des débats pour tenter de trouver un consensus. Un point de méthode sur lequel on insiste, du côté de l'exécutif. «Le président viendra dans une position d’écoute par rapport aux partis, sans proposition, sans agenda. Il y a vraiment une volonté de voir ce qu’on peut trouver en commun pour converger», explique-t-on du côté de l'Élysée.
«Il a parlé de main tendue, d’un échange loyal. Ce mot loyal va se traduire dans les faits : pas de collaborateur présent, pas de tour d’image, pas de micro tendu. L’idée est de discuter en confiance, à huis clos», précise un conseiller ministériel. La fin de cette «initiative de grande ampleur» est prévue pour 23h.
Une mission quasi-impossible ?
Dépourvu de majorité absolue à l’Assemblée, Emmanuel Macron envisage donc des échanges qui devront aboutir à des textes législatifs, ou ouvrir la voie, le cas échéant, à de possibles référendums. Une mission particulièrement délicate au regard des différences majeures qui opposent les invités. Et pour cause, Emmanuel Macron a fait machine arrière en invitant l’ensemble des partis politiques représentés au Parlement. Il avait pourtant évoqué ces dernières semaines «l’arc républicain», qui excluait de fait le Rassemblement national et La France insoumise.
Désormais, il faudra donc trouver un terrain d’entente pour convaincre des personnalités aussi différentes que Jordan Bardella, Manuel Bompard, Eric Ciotti ou Marine Tondelier sur des thématiques clés comme l’immigration, l’écologie, le travail, les services publics, le maintien de l’ordre ou encore la politique internationale. «Tout doit être mis en œuvre» pour éviter «le blocage» que représenterait une éventuelle motion de censure votée par la droite avec les autres oppositions et donc susceptible de faire tomber le gouvernement, selon un cadre de la majorité.
Le groupe Liot non-convié
Une mission quasi-impossible qui ne sera pas rendue plus simple par la non-invitation des représentants du groupe Liot, auteur de la motion de censure ayant failli renverser le gouvernement à l’Assemblée nationale lors de l’épisode de la réforme des retraites. «Après avoir déclaré ne pas vouloir inviter le RN et LFI, puis changé d'avis, le président de la République a fait le choix de ne pas convier le groupe Liot pourtant composé de 21 députés des mouvements RPS, UDI, Nouveau Centre et Utiles à son après-midi de travail en commun prévue le 30 août», a dénoncé le groupe dans un communiqué transmis à l'AFP.
«Alors que cette réunion doit évoquer des textes législatifs bâtis ensemble au Parlement ou par la voie référendaire, le fait de ne pas convier les groupes parlementaires est un mauvais signal», a également estimé le groupe.
La gauche dénonce une opération de communication
Du côté de la gauche, certains partis ont d’ores et déjà fait part de leur scepticisme quant à cette réunion, qu’ils estiment être une «illusion» et une «opération de communication». Ainsi, les quatre partis de la Nupes (LFI, EELV, PS et PCF) ont annoncé qu’ils se rendraient à cette fameuse journée, mais pas au dîner qui suivra les premiers échanges.
«Soyons francs : au vu du contenu de votre politique et des termes de votre invitation, nous ne nous faisons pas d’illusion sur vos objectifs», ont-ils écrit dans un communiqué, se disant «habitués» à ces «opérations de communication sans lendemain et sans effets». «Nous ne voulons pas participer à nouveau à une mise en scène médiatique. C’est la raison pour laquelle nous ne participerons pas au dîner que vous organisez en soirée», ont-ils argumenté.
Le président de la République nous envoie un courrier lunaire.
Nous répondons : agissez pour améliorer les conditions de vie des Français et proposez-leur enfin de s'exprimer sur la réforme des retraites. pic.twitter.com/L9Uzb7yQLL— Clémence Guetté (@Clemence_Guette) August 29, 2023
La Nupes portera notamment des propositions sur les difficultés de recrutement dans l’Éducation nationale, l’augmentation du prix des fournitures scolaires, le coût de la vie étudiante, le prix de l’électricité, du carburant et l’inflation sur les produits alimentaires. Enfin, les partis de gauche réclament un référendum sur la réforme des retraites, «le seul projet de référendum qu’attendent les Françaises et les Français», selon eux.
La droite réclame un référendum sur l'immigration
A droite, le patron des LR, Eric Ciotti, compte bien proposer l’idée d’un référendum, mais «sur l’immigration», avec une «réforme constitutionnelle», sur laquelle les LR ont planché au début de l’été. «Je lui dirai que nous ne voulons plus aucun droit pour les clandestins», a-t-il lancé dimanche, pour la rentrée politique de son parti. Sans surprise, le président du parti de droite entend aussi parler «d'autorité», sans oublier de réclamer une baisse d’impôt pour les Français.
Au RN, le président du parti, Jordan Bardella, souhaite de son côté évoquer le pouvoir d’achat, «la baisse des factures énergétiques et des prix du carburant», ou encore la «défiscalisation des hausses de salaires jusqu’au 10%». Le parti d’extrême droite demande également un référendum sur l’immigration, le jour des élections européennes.