A la suite d’un rapport sur les violences conjugales, le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a énuméré de nouvelles mesures pour lutter efficacement contre le phénomène.
«Pôles spécialisés» dans les tribunaux, mesures d'urgence prises en 24 heures... Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, a détaillé lundi une série de mesures pour lutter contre les violences conjugales à l'issue de la remise d'un rapport parlementaire à la Chancellerie.
Ces mesures, qui feront l'objet de décrets ou de projets de loi dans les prochains mois, avaient déjà été annoncées en mars par la Première ministre Elisabeth Borne dans le cadre de son plan en faveur de l'égalité femmes-hommes, «grande cause» du quinquennat.
«Nous avons l'espérance d'être beaucoup plus efficaces» face à «ces violences qui nous font honte» et sont «l'affaire de tous», a indiqué le ministre de la Justice lors d'un point de presse avec Isabelle Rome, ministre déléguée à l’Egalite entre les femmes et les hommes, et les deux auteurs du rapport.
Un pôle spécialisé dans les tribunaux
La création d'un «pôle spécialisé dans les violences intrafamiliales» dans chacun des 164 tribunaux français fera l'objet d'un décret «à la fin de cet été», a précisé Eric Dupond-Moretti. Chaque pôle comprendra une équipe coordonnée par des magistrats référents du siège et du parquet, avec une adaptation aux spécificités locales.
Le gouvernement veut aussi permettre à un juge de prononcer, en cas «d'urgence extrême», une ordonnance de protection en 24 heures, réclamée de longue date. Les délais de ces ordonnances, autorisant l'éviction du conjoint violent ou une interdiction de contact, avaient été réduits à six jours en 2019 (45 jours en moyenne auparavant).
Cette procédure, provisoire, devra être réexaminée par un juge «dans un délai de six jours», a précisé le garde des Sceaux, ajoutant qu'elle figurerait dans un projet de loi «à l'automne.» Le but étant d’accélérer l’action de la justice tout en offrant une protection plus forte aux victimes de violences conjugales.
Une évolution encourageante mais insuffisante
Le ministère de l'Intérieur a recensé 207.743 victimes de violences conjugales en France en 2021, essentiellement des femmes, une hausse de 21% par rapport à 2020. 122 ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint cette même année, selon le ministère. Une quarantaine de femmes ont déjà été tuées depuis le début de l'année, d'après les associations.
Des chiffres qui ne baissent pas, malgré les mesures prises notamment depuis le Grenelle de 2019, constate le rapport visant à «améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales», remis aux deux ministres.
Leurs auteurs, Emilie Chandler (députée Renaissance du Val-d'Oise) et Dominique Vérien (sénatrice de l'Yonne, UDI), ont noté le doublement des plaintes depuis 2016 «dans un contexte de libération de la parole et d'amélioration des conditions d'accueil des victimes».
Un constat qui montre également que la réponse judiciaire devient plus «rapide». Les auteurs ont observé un doublement des condamnations devant les tribunaux correctionnels, et une hausse de 218% de mesures d'éloignement entre 2017 et 2021. Cependant, les progrès ne sont pas «au même niveau» sur l'ensemble du territoire.
Une liste de 59 recommandations
Dans leurs 59 recommandations, elles soulignent le besoin d'améliorer la «coordination» entre les acteurs - des défaillances sur le suivi de conjoints violents et récidivistes ont été révélées lors de plusieurs féminicides ces dernières années.
Les deux élues recommandent également la création d'un fichier regroupant les informations sur les auteurs -sur lequel la Chancellerie et l'Intérieur travaillent déjà- et une meilleure prise en charge des hommes violents (campagnes de prévention dédiées, suivi après la prison pour éviter la récidive...)
Concernant les enfants confrontés aux violences intrafamiliales, elles proposent de professionnaliser les administrateurs ad hoc, qui représentent leurs intérêts, et de «permettre au juge dans certaines situations extrêmes de priver le parent violent» de son autorité parentale.
En amont du traitement judiciaire, il faut «un maillage de personnes formées à tous les niveaux de la chaîne» (médecins, travailleurs sociaux, fonctionnaires...) pour ne «pas passer à côté» de situations de danger, a souligné la ministre déléguée, Isabelle Rome, reprenant une recommandation du rapport.
Autre point d’évolution, les grilles d'évaluation du danger, qui sont obligatoires mais «loin d'être» systématiquement remplies.
Quant aux «bracelets anti-rapprochement» (1.000 actifs), plombés par des problèmes techniques, un nouveau modèle adapté au réseau 5G et avec une batterie plus fiable sera déployé dès le mois prochain, promet la Chancellerie.