Un an jour pour jour après sa nomination à Matignon, Elisabeth Borne tente de reprendre la main avec un objectif prioritaire : conduire la feuille de route des «cent jours» du gouvernement pour relancer le quinquennat d’Emmanuel Macron. Fragilisée politiquement après l’épisode des retraites, la Première ministre pourrait toutefois ne pas arriver au terme de son mandat.
Un avenir incertain. Après une année mouvementée à Matignon, Elisabeth Borne ne compte pas rendre les armes. Fragilisée par l’épisode des retraites, la Première ministre se trouve sous la menace du compte à rebours des «cent jours» fixés par Emmanuel Macron pour relancer le pays. A l’issue de cette période, le 14 juillet prochain, Elisabeth Borne pourrait servir de fusible, comme nombre de ses prédécesseurs, si elle ne parvient pas à rassembler autour du projet présidentiel.
Tout avait pourtant commencé par une bonne surprise, sa nomination, le 16 mai 2022, à la plus haute fonction du gouvernement, avec une mission difficile à tenir : engager les grandes réformes promises par Emmanuel Macron lors de sa réélection, dont certaines sont pour le moins impopulaires, à l’image de la réforme des retraites. Autre mission : la Première ministre doit composer des majorités pour faire passer les textes de loi, en multipliant les alliances, faute de majorité absolue à l’Assemblée.
Une mission quasi-impossible
Un an plus tard, force est de constater que le bilan est plus que mitigé. Entre les réformes critiquées, son impopularité dans les sondages, ses relations tendues avec certains membres du gouvernement, sa rigidité qui parfois heurte l’opinion, et son incapacité à trouver des majorités à l’Assemblée, la Première ministre avance depuis un an contre vents et marées, dans une mission qui s’avérait quasi-impossible depuis son origine.
«Il est clair que la situation est difficile depuis l’origine pour Elisabeth Borne, parce qu’elle ne dispose pas d’une véritable majorité à l’Assemblée nationale. Elle ne dispose donc pas de toutes les marges de manœuvre dont un Premier ministre peut disposer lorsqu’il est nommé», analyse Arnaud Benedetti, politologue et rédacteur en chef de la revue politique et parlementaire, pour CNEWS.
«Aujourd’hui, ce que veut faire Emmanuel Macron, c’est faire peser la responsabilité des difficultés sur sa Première ministre, et de fait, il va faire comme tous les présidents de la République lorsqu’ils se sont retrouvés en difficulté : il va essorer sa Première ministre jusqu’à ce qu’elle soit totalement démonétisée, puis il en changera. Le problème est de savoir qui il mettra à la place et dans quelle configuration», détaille Arnaud Benedetti.
Dans cette optique, Emmanuel Macron va tester la capacité d’Elisabeth Borne à pouvoir surmonter l’obstacle parlementaire. «Si elle en est capable sur un ou deux textes, elle gagnera un peu d’oxygène, et elle pourra encore rester quelque temps à Matignon. Si elle se retrouve très rapidement entravée, Madame Borne ne constituera plus qu’un fusible et elle sera contrainte de donner sa démission», anticipe Arnaud Benedetti.
Un premier objectif le 8 juin prochain ?
Le sort d’Elisabeth Borne pourrait justement se décider dans un avenir très proche, puisqu’elle devrait être confrontée, dès le 8 juin prochain, à l’occasion de la niche parlementaire du groupe LIOT, au vote des députés concernant une proposition de loi pour abroger la réforme des retraites. Si elle parvient à surmonter cet obstacle, et à définitivement passer outre l’épisode des retraites, la Première ministre devra retourner dans l’arène des négociations pour obtenir des majorités pour voter les projets de loi à venir, dont celui sur l’immigration, qui arrivera au début de l’été.
Pour ce faire, Elisabeth Borne dispose encore de quelques soutiens. «Personne n’imaginait qu’elle serait nommée. Puis certains pensaient qu’elle serait débarquée, d’autres que ça n’allait pas tenir, qu’elle n’arriverait pas à faire adopter les textes, et ainsi de suite. A la fin, c’est la patronne et elle tient», relève la cheffe du groupe Renaissance à l’Assemblée, Aurore Bergé, dans Le Parisien.
Toutefois, face aux nombreuses difficultés qui l’attendent pour réformer le pays, Emmanuel Macron pourrait faire le choix de remplacer sa Première ministre, et un départ n’est pas à exclure dans les prochaines semaines. «La seule solution pour Emmanuel Macron est d’aller chercher à droite un Premier ministre qui lui permette l’élargissement de sa base majoritaire», estime Arnaud Benedetti.
Pas de candidat qui se détache
Si plusieurs noms ont fait surface ces derniers jours, peu de candidats représentent réellement une cible de choix pour le président de la République. Bruno Lemaire ou Julien Denormandie apparaissent comme des candidats trop «proches» d’Emmanuel Macron, et Richard Ferrand ou François Bayrou se verraient probablement confrontés aux mêmes difficultés qu’Elisabeth Borne pour négocier avec la droite.
Reste Sébastien Lecornu, qui se trouve plus que jamais en embuscade. L’ancien cadre des Républicains se verrait bien occuper le poste et assumer de franches discussions avec ses anciens collègues parlementaires, mais il ne semble pas recueillir les faveurs du président. Quant à Gérald Darmanin, qui pourrait également avoir des ambitions pour la fonction, il aurait probablement des difficultés à négocier avec les syndicats en raison de ses prises de position passées.
Finalement, alors qu’elle recevra les syndicats ce mardi pour tenter de réenclencher le dialogue et sortir définitivement de la séquence des retraites, c’est bien Elisabeth Borne qui tient la corde pour continuer sa mission, à condition de faire ses preuves, cette fois-ci, auprès des parlementaires, et d'apporter à Emmanuel Macron son seul moyen de maintenir le cap de son quinquennat.