En déplacement en Chine puis aux Pays-Bas pour une visite d’État, Emmanuel Macron se retrouve sous le feu des critiques. Après trois mois de crise sociale liée à la réforme des retraites, le président se trouve de plus en plus isolé et attaqué.
Habituellement rompu à l’exercice, Emmanuel Macron enchaîne les faux pas lors de ses déplacements à l’étranger, en Chine, d’abord, puis aux Pays-Bas. Il a retrouvé ensuite la France qui se mure dans une crise politique et sociale, dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel concernant la réforme des retraites. Le président de la République, attaqué sur tous les fronts et de plus en plus isolé, va devoir s’employer pour surmonter cet épisode tumultueux et maintenir le cap de son quinquennat.
un président attaqué sur la scène internationale
Ce mercredi 12 avril, Emmanuel Macron achevait sa visite d'État aux Pays-Bas, un déplacement au cours duquel il a été rattrapé par le climat social qui touche la France depuis le début de l'année. En effet, le président de la République a été interpellé pas moins de trois fois en l'espace de vingt-quatre heures au sujet des millions de personnes dans les rues contre la réforme des retraites. Les manifestants ont également dénoncé une «disparition des valeurs démocratiques» si chères à la France, ou encore l'inaction climatique du chef de l'État.
Quelques jours plus tôt, alors qu’il se trouvait en Chine pour un voyage officiel, Emmanuel Macron s’est également attiré les foudres de ses partenaires occidentaux après des propos polémiques sur l'île de Taïwan, fortement menacée par Pékin depuis plusieurs semaines. En effet, le président a exhorté l'Europe à ne pas «être suiviste» des Etats-Unis ou de la Chine, plaidant pour que «l'autonomie stratégique» soit «le combat de l'Europe».
Prononcés la veille des exercices militaires chinois menés autour de l'île autonome de Taïwan, que Pékin revendique comme une province, les propos du président français ont surpris, voire agacé, notamment aux Etats-Unis, mais aussi en Allemagne, ou encore du côté de la Pologne. Des propos que le chef d’État «assume pleinement», et qui montrent sa volonté de faire de la France une puissance capable de parler à tous, au risque d'abîmer son image dans une partie de l'Europe et aux Etats-Unis.
«L'image d'Emmanuel Macron est plus qu'écornée, elle est ébréchée», estime Michel Duclos, conseiller spécial à l'institut Montaigne, soulignant la remise en cause de la crédibilité du président français. Le chef de l'État français avait, dit-il, «un atout dans les réunions internationales : il passait pour plus intelligent que les autres». Désormais, il apparaît comme un dirigeant «non fiable sur un sujet extraordinairement complexe, sensible et explosif».
Emmanuel Macron concentre les critiques en France
S’il se trouve donc sous le feu des critiques sur la scène internationale, Emmanuel Macron ne devrait pas trouver un meilleur accueil pour son retour en France, ce jeudi 13 avril, à la veille des décisions du Conseil constitutionnel concernant la réforme des retraites. Après trois mois d’une crise politique et sociale qui aura vu le président faire face à l’ensemble des oppositions et des syndicats, et rassemblé des millions de personnes dans les rues, la potentielle «victoire» d’Emmanuel Macron pourrait laisser des traces indélébiles.
D’une part en raison de l’impact social, qui découle de l’usage de l’article 49.3 de la Constitution qui a été très mal perçu par une majorité de Français et qui restera probablement dans les mémoires. Mais aussi en raison de la répression des manifestations avec de très nombreux cas de violences qui ont été jusqu’à alerter la Défenseure des droits, ainsi que les ONG comme Amnesty international.
Mais c’est aussi et surtout parce que l’impact global de la séquence aura finalement permis de renforcer et de crédibiliser l’extrême droite, qu'Emmanuel Macron a toujours prétendu combattre. En effet, une étude réalisée par la Fondation Jean-Jaurès, publiée mardi 4 avril, et basée en partie sur un sondage Ifop pour le JDD, démontre que 26% des électeurs opteraient pour le Rassemblement national en cas de nouvelles législatives, alors qu’il n’avait obtenu que 19% aux élections de juin 2022. Il s’agit d’une conséquence directe de la méthode Macron.
La contestation continue
Par ailleurs, ce jeudi 13 avril marque aussi la 12e journée de mobilisation contre la réforme des retraites, où entre 400.000 et 600.000 personnes sont attendues dans les rues, selon une note du renseignement territorial. L’objectif affiché par les syndicats est clair : mettre une ultime pression sur le pouvoir politique avant la décision finale qui sera rendue par le Conseil constitutionnel, et montrer, peut-être une dernière fois dans la rue, à Emmanuel Macron le rejet de sa politique et de sa réforme par les Français.
Si les manifestations ne pourront pas durer éternellement en raison du manque à gagner pour ceux qui se mobilisent, ce n’est pas pour autant que la contestation va s’arrêter. «Même si la réforme est validée, ça n'enlève rien au rejet démocratique, au rejet politique, et au rejet social», a prévenu Manon Aubry, eurodéputée LFI. La gauche fonde notamment ses espoirs dans un possible feu vert à sa demande de referendum d’initiative partagée (RIP), qui pourrait ouvrir la voie à une proposition de loi visant à ce que l'âge de départ à la retraite ne puisse pas dépasser 62 ans.
Si le gouvernement «passe en force et ne suspend pas la réforme pendant le temps du référendum, alors ce serait une déclaration de guerre pour plein de gens», a mis en garde la secrétaire nationale d'EELV, Marine Tondelier. Le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, a par ailleurs suggéré qu'en cas de censure partielle du texte par les Sages, le président de la République se saisisse de l'article 10 de la Constitution qui permettrait «d'aller vers une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale» avant une promulgation.
Est-ce qu'une validation complète signerait au contraire la fin du mouvement de contestation ? «On le décidera ensemble», avec l'intersyndicale, «mais il est clair que la CFDT ne fera pas des manifestations pendant six mois», a répondu le secrétaire général. Même dans son propre camp, Emmanuel Macron semble fragilisé. En effet, la Première ministre, Elisabeth Borne, n’a pas hésité à afficher les prémices d’un désaccord, en souhaitant «respecter une période de convalescence» pour les syndicats.
«La première urgence, c'est l'inflation», selon Marine Le Pen
Outre le terrain social et institutionnel, Emmanuel Macron subit aussi de nombreuses attaques sur le plan économique, et notamment sur sa gestion de l'inflation, avec des hausse de prix particulièrement fortes sur les denrées alimentaires.
À cet égard, à l'issue d'une consultation avec la Première ministre Elisabeth Borne, Marine Le Pen a rappelé «ce qui lui apparaissait comme des urgences absolues», et sur lesquelles le gouvernement devrait se pencher. «La première de ces urgences est l'inflation alimentaire qui est de plus en plus mal vécue par nos compatriotes», a affirmé la cheffe de file du RN. «Des personnes modestes sont en train de se priver de repas, de se priver de nourriture, je n'ai pour l'instant pas entendu le début d'une solution sur ce sujet».
«Cette inflation alimentaire se conjugue avec des factures d'énergie qui sont de plus en plus importantes et des factures de carburant qui n'ont pas baissé, j'ai donc alerté la Première ministre sur la situation du pays et sur la colère que pouvait engendrer la précarisation accélérée d'une partie de nos compatriotes», a enfin martelé Marine Le Pen.
Emmanuel Macron déjà tourné vers l'avenir
Finalement, alors que la cote de popularité du chef de l’Etat ne cesse de descendre pour atteindre son niveau le plus bas depuis l'épisode des gilets jaunes, Emmanuel Macron, attaqué sur tous les fronts, devra engager toute sa volonté pour surmonter cet épisode tumultueux et maintenir «le cap» de son quinquennat, avec notamment plusieurs dossiers chauds qui l’attendent pour les mois à venir.
Pour ce faire, la stratégie du président de la République est de se projeter au-delà de la décision très attendue du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites, en promettant aux syndicats un «échange qui permettra d'engager la suite et de tenir compte» du verdict des Sages. «Le pays doit continuer d'avancer», a affirmé le chef de l'État lors d'une conférence de presse à Amsterdam.
«J'engagerai, pour tout ce qui les concerne, les partenaires sociaux à pouvoir revenir - je sais que la période gardera encore les traces des désaccords du moment - mais je le ferai avec l'esprit de concorde et la volonté d'engager la suite, quelle que soit la décision» des Sages, a-t-il conclu.