Le Conseil constitutionnel doit rendre, ce vendredi 14 avril, une décision très attendue concernant la réforme des retraites. Trois options sont possibles : une validation de la réforme, une censure partielle ou une censure totale. Si le scénario le plus probable est la censure partielle, il pourrait également être celui qui arrange le plus le gouvernement.
Un tour de passe-passe. Alors que la décision des Sages est attendue ce vendredi, le Conseil constitutionnel pourrait opter pour une censure partielle de la réforme des retraites, en invalidant certaines mesures jugées inconstitutionnelles, comme l’index séniors. Les mesures écartées pourraient néanmoins être replacées dans de futurs projets de loi, à l'image de la prochaine loi Travail, déjà dans les tuyaux pour les mois à venir. Une manière habile d'apaiser le climat social, sans abandonner le moindre volet d'un projet pourtant très contesté.
Les neufs juges qui composent le Conseil constitutionnel sont chargés de contrôler la constitutionnalité des lois, ainsi que de certains règlements qui lui sont déférés. Leurs décisions «s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles», selon la Constitution de la Ve République. De fait, les Sages doivent donc juger de l’aspect constitutionnel des différentes mesures qui composent la réforme des retraites.
A cet égard, le Conseil constitutionnel dispose de plusieurs options. S’il peut choisir de valider l’ensemble de la réforme, il peut également décider d’opérer une censure totale, et d’invalider la globalité du texte. Toutefois, le scénario le plus probable voudrait que les Sages optent pour une censure partielle en validant le fond de la réforme, et notamment le recul de l’âge de départ à 64 ans, mesure qui cristallise pourtant toutes les tensions, tout en retoquant certaines mesures dont la validité constitutionnelle est discutable.
L'index séniors non-conforme avec le PLFSSR
C’est notamment le cas de l’index pour l'emploi des séniors, une mesure prise par le gouvernement pour contraindre les entreprises à déclarer leurs salariés de plus de 55 ans. Si cette mesure ne fait pas l’unanimité auprès des parlementaires, elle pourrait par ailleurs être retoquée en raison de la procédure utilisée par le gouvernement pour faire passer sa réforme des retraites.
En effet, dans l’optique de raccourcir les débats au Parlement, le gouvernement a fait le choix d’intégrer la réforme des retraites dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif (PLFSSR). Cette disposition permet l’activation automatique de l’article 47-1 de la Constitution qui laisse seulement 20 jours aux députés pour statuer sur le texte en première lecture.
Pour être conforme au droit, il faudrait donc que les mesures concernées aient un impact budgétaire sur l’année en cours. Or, l’index séniors n’en a pas forcément, contrairement au recul de l’âge de départ à la retraite, qui doit débuter progressivement à partir du 1er septembre. D’autres mesures pourraient ainsi subir le même sort pour les mêmes raisons.
Un scénario qui arrange le gouvernement
Si ce scénario semble le plus probable, il est également celui qui arrangerait le plus le gouvernement. En effet, dans ce contexte, l’exécutif pourrait communiquer sur «sa victoire» avec la validation de la quasi-totalité du texte, suivant ainsi le «chemin démocratique» annoncé par Emmanuel Macron en marge de son discours pour dévoiler son «plan eau» dans les Hautes-Alpes. Emmanuel Macron aura ensuite 15 jours pour promulguer tout ce que le Conseil constitutionnel aura validé.
Par ailleurs, en plus d’avoir remporté son bras de fer avec les syndicats et les oppositions, l’exécutif pourrait également opter pour recycler les mesures invalidées par le Conseil constitutionnel dans les prochains projets de loi à venir. A commencer par la future loi Travail, qu'Olivier Dussopt a d’ores et déjà annoncée pour «cet été».
«D’ici à l’été nous présenterons un projet de loi sur le travail et l’emploi avec des mesures qui ne relèvent pas de la réforme des retraites, comme l’emploi des séniors ou les conditions de travail. Nous souhaitons que ce projet puisse être présenté dans les prochaines semaines devant le Conseil des ministres et qu’il y ait au moins une première lecture au Parlement avant l’été», a-t-il annoncé sur Sud Radio.
L'index séniors dans la future loi travail
Et pour cause, Emmanuel Macron aurait demandé un changement de stratégie avec la présentation rapide d’un nouveau texte qui viendrait tempérer la dureté du projet sur les retraites, en mettant au cœur des débats la question du «travailler mieux», de plus en plus présente dans l’opinion des Français. Une manière, plus ou moins habile, de faire redescendre la colère sociale, et de dépasser le débat sur les retraites, tout en réintégrant les mesures retoquées par le Conseil constitutionnel, à l’image de l’index séniors.
Dans le détail, ce projet de loi pourrait contenir des mesures fortes, comme l’interdiction des plans de départ ciblant les séniors, l’introduction de nouveaux types de contrats de travail, la révision des règles du dialogue social, l’installation de la semaine de 36 heures en quatre jours, ou encore le fait de donner une place plus importante aux accords d’entreprises.
Cette loi Travail pourrait aussi remettre sur la table l’une des propositions de campagne d’Emmanuel Macron qui était la généralisation du compte épargne-temps (CET) «universel», pour permettre aux salariés d’aménager leur temps de travail tout au long de leur carrière. Il s’agit d’une mesure réclamée depuis longtemps par la CFDT, ce qui permettrait au gouvernement de renouer le dialogue avec les syndicats, et notamment avec Laurent Berger, dont les relations avec Emmanuel Macron sont devenues particulièrement froides.