Après deux mois de contestation contre la réforme des retraites, une étude de la Fondation Jean-Jaurès montre que le Rassemblement national sort renforcé de la séquence, notamment au détriment de la majorité présidentielle.
Le Rassemblement national grand gagnant de l’épisode des retraites ? C’est la conclusion d’une étude réalisée par la Fondation Jean-Jaurès, publiée ce mardi 4 avril, et basée en partie sur un sondage Ifop pour le JDD, qui démontre que 26% des électeurs opteraient pour le parti d’extrême droite en cas de nouvelles législatives, alors qu’il n’avait obtenu que 19% aux élections de juin 2022.
À qui profite la crise des #retraites ?
Retour sur le conflit social et politique en cours concernant la #ReformeDesRetraites avec @A_Bristielle : https://t.co/GtT2OtcrqC pic.twitter.com/948NTOcD2f— Fondation Jean-Jaurès (@j_jaures) April 4, 2023
«L’envolée du Rassemblement national est spectaculaire pendant cette séquence des retraites, les intentions de vote augmentant de 7 points si de nouvelles élections législatives devaient avoir lieu», détaille le centre de réflexion politique.
Et pour cause, la stratégie du RN était bien rodée : laisser à la gauche les meetings, manifestations, débats houleux à l’Assemblée et nuits sur les piquets de grève, pour se contenter de percevoir dans les urnes les dividendes de la colère agitée par la crise. Ainsi, le Rassemblement national, à l’image de Marine Le Pen, s’est contenté d’une opposition médiatique et parlementaire à la réforme, et s’impose désormais comme un parti «sérieux et antisystème» dans l’opinion publique, avec une attitude «de compromis», note Antoine Bristielle, chercheur en sciences sociales et auteur de l’étude.
Un parallèle avec les gilets jaunes
Dans ce contexte, d’après un sondage Ifop pour le JDD réalisé en ligne les 20 et 21 mars auprès d’un échantillon représentatif de 1094 personnes selon la méthode des quotas, avec une marge d’erreur de 1,4 à 3,1 points, 26% des électeurs opteraient pour le Rassemblement national en cas de nouvelles élections législatives, contre 19% en juin 2022. Dans ce même scénario, la Nupes se stabilise à 26%, comme en 2022, tandis que Renaissance chute à 22% (-4 points).
Dans le détail, le parti présidé par Jordan Bardella continue de progresser chez les employés (+10 points) et chez les ouvriers (+5 points), mais son score augmente également chez des catégories «moins acquises» comme les artisans, commerçants et chefs d'entreprises (+15 points) et chez les professions intermédiaires (+12 points).
De ce point de vue, une nouvelle «dynamique électorale s'enclenche» à la suite de la crise liée à la réforme des retraites, observe Antoine Bristielle. Ce dernier dresse un parallèle avec la crise des gilets jaunes, fin 2018, qui avait préfiguré la montée du RN lors des européennes du printemps 2019. «Si le RN devient incontestablement le parti des classes populaires et travailleuses, il augmente considérablement ses scores dans d’autres secteurs clés de l’électorat, au point de ressembler de plus en plus à un parti de gouvernement», note l’étude.
L'image d'Emmanuel Macron détériore celle de la majorité
A l’inverse, la majorité présidentielle «pâtit largement de la séquence actuelle», affirme l’étude. Le Parti Renaissance voit son bloc électoral s’effriter (artisans, professions intermédiaires), ne conservant plus que deux grandes bases : les cadres et les retraités (à 33% d’intentions de vote pour la majorité chacune).
La Fondation Jean-Jaurès explique cela en raison de la détérioration de l’image du président de la République qui renverrait une impression d’«immobilisme», et ajoute que les Français «imputent au gouvernement et à Emmanuel Macron la responsabilité principale de la crise». Une situation qui n'est «pas à même de s’arranger pour Emmanuel Macron», conclut l’étude.