Assa Traoré a été reconnue coupable, mercredi en appel, de diffamation envers une gendarme, qu’elle avait accusé d’avoir menti dans l’enquête sur la mort de son frère, Adama Traoré.
Relaxée en première instance de poursuites en diffamation intentées par quatre gendarmes, Assa Traoré a été condamnée mercredi en appel à verser des dommages et intérêts à l'une d'entre eux. Elle a en revanche de nouveau été mise hors de cause concernant les trois autres.
La cour d'appel de Paris ne se prononçait que sur le plan civil : la relaxe au pénal d'Assa Traoré, est définitive dans la mesure où seuls les gendarmes, et non le parquet, avaient fait appel.
Contrairement au tribunal qui l'avait totalement relaxée en 2021, la cour d'appel a reconnu une «faute civile» d'Assa Traoré à l'encontre d'une gendarme, qu'elle avait accusée en 2019, dans une tribune diffusée sur Facebook, d'avoir «menti» dans l'enquête sur la mort de son frère Adama (le 19 juillet 2016, après son interpellation). Elle a été condamnée à verser à l'adjudante 5.000 euros de dommages et intérêts et 4.000 euros en frais d'avocats.
Identité affichée et accusation
Dans son texte, baptisé «J’accuse», Assa Traoré avait affiché l’identité des militaires en les accusant «d’avoir tué (son) frère Adama Traoré en l’écrasant avec le poids de leurs corps», «de ne pas (l’)avoir secouru» et «d’avoir refusé de (le) démenotter en affirmant qu’il simulait».
Pour rappel, les juges d’instruction cherchent toujours à déterminer les causes du décès du jeune homme mort à 24 ans. De très nombreuses expertises médicales ont été pratiquées. Certaines ont mis en cause les problèmes de santé de la victime, d’autres, demandées par sa famille, ont pointé le plaquage ventral des gendarmes.
«Un recadrage judiciaire salutaire»
Me Thibault de Montbrial, avocat de l'adjudante, a estimé que la condamnation pour diffamation est «un recadrage judiciaire salutaire, par lequel la cour d'appel de Paris rappelle que le militantisme de Mme Traoré n'est pas un totem d'immunité pour raconter n'importe quoi sur les gendarmes».
Lors de la relaxe initiale, le tribunal avait en effet estimé que «l'excès du propos tenu par Assa Traoré, sur un ton provocateur, et la force des accusations portées contre les gendarmes alors même qu'ils n'étaient ni jugés ni mis en examen doivent nécessairement être appréhendés à la lumière des circonstances de leur publication et du combat personnel et militant ainsi mené par la prévenue». Un point de vue qui avait ulcéré les avocats de gendarmes : «à partir d'aujourd'hui en France, quiconque aura "un combat personnel et militant" contre la police, les institutions, la justice, pourra aller dire absolument n'importe quoi sans encourir de foudres judiciaires», avait dénoncé l'un d'eux.
Me Rodolphe Bosselut, conseil de deux gendarmes, a salué que cette fois «la bonne foi n'est reconnue principalement qu'en raison des liens familiaux» d’Assa Traoré avec son frère, «la cour ayant souligné le caractère fragile de la base factuelle».
La cour a toutefois débouté trois autres gendarmes, qu'Assa Traoré avait accusé d'avoir donné la mort à son frère (elle avait en revanche été condamnée pour atteinte à la présomption d'innocence en 2021). Son avocat a tenu à pointer que sa cliente «a été relaxée au pénal et au civil» concernant les demandes de ces trois militaires.