Au lendemain de la neuvième journée de mobilisation nationale contre la réforme des retraites, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est exprimé vendredi 24 mars dans La matinale de CNEWS, notamment sur la montée des violences en marge des manifestations mettant à rude épreuve les forces de l'ordre.
La mobilisation contre la réforme des retraites ne faiblit pas. Plus d’un million de personnes étaient mobilisées ce jeudi partout en France pour la neuvième journée d'action contre la réforme, mais des violences ont éclaté dans plusieurs villes.
Invité ce vendredi 24 mars au matin dans La Matinale de CNEWS, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a fait le point sur cette journée et sur l’action des forces de l’ordre.
Les chiffres actualisés
Le ministre de l’Intérieur a d’abord donné les différents chiffres de la mobilisation de la veille. Les services du ministère ont ainsi compté 903 feux de poubelles ou de mobilier urbain à Paris, ainsi que 457 interpellations partout en France, et 441 policiers et gendarmes blessés.
«C’est un bilan difficile parce que les policiers et les gendarmes ont protégé ceux qui ont été l’objet de la manifestation, l’essentiel des personnes qui voulaient simplement manifester contre la réforme des retraites», a-t-il déclaré.
Hier soir, le ministère de l’Intérieur avait recensé 1,08 million de manifestants partout en France, dont 119.000 à Paris, contre 3,05 millions en France et 800.000 dans la capitale selon les chiffres de la CGT.
Une petite frange radicale «d’extrême gauche»
Selon le ministre de l’Intérieur, les dégradations et les violences commises hier sont du fait d’un petit groupe de militants «d’extrême gauche», d’environ 1.500 personnes à Paris. À Lorient (Morbihan), un commissariat a été pris pour cible, et à Bordeaux (Gironde), la porte de la mairie a été incendiée par des casseurs.
«Je pense que l’extrême gauche veut tuer nos institutions», a estimé le ministre. «Quand on attaque 441 gendarmes à coups de cocktails molotov et de pavés, lorsqu’on les attaque physiquement, lorsqu’on met le feu non pas qu’à des commissariats, et c’est déjà une honte, mais à des mairies, (…) on veut attaquer la République», a-t-il déclaré.
Gérald Darmanin a toutefois bien différencié l’ensemble des manifestants contre la réforme des retraites, qui défilent pacifiquement et en respectant la loi, de cette petite frange radicale.
«Je pense que cette radicalisation de l’extrême gauche doit être combattue par tout le monde. Ce matin, j’ai entendu Laurent Berger, de façon très responsable, condamner ces violences. Je remercie les syndicats de manière générale, qui sont extrêmement responsables. On n’a pas beaucoup entendu les responsables politiques de l’opposition condamner les attaques contre les gendarmes et contre les bâtiments publics», a-t-il dénoncé.
Le ministre a également, à de nombreuses reprises, rappelé son soutien aux forces de l’ordre, et notamment aux policiers blessés lors de leur intervention, et a souligné la grande fatigue des policiers mobilisés depuis plusieurs semaines.
Réponses sur les «interpellations préventives» à Paris
«Il n’y a pas eu d’interpellations préventives massives», a déclaré Gérald Darmanin, répondant notamment au syndicat de la magistrature, à la Défenseure des droits et à certains députés de l’opposition qui ont dénoncé le nombre important d’interpellation et de garde à vue sans poursuites.
A Paris, selon le dernier bilan du parquet, 425 personnes ont été placées en garde à vue lors des trois premières soirées de manifestations spontanées, du jeudi 16 mars au samedi 18 mars, dont seules 52 ont fait l'objet de poursuites à l'issue. Une multiplication des interpellations sans poursuites vue par certains opposants comme une manière de dissuader les manifestants de continuer la mobilisation.
«Quand vous êtes dans une manifestation qui n’est pas déclarée et dans un groupe qui commet des infractions, c’est le rôle des policiers et des gendarmes de vous interpeller», a souligné le ministre de l’Intérieur.
«Ensuite, ces personnes interpellées sont placées en garde à vue, par des officiers de police judiciaire qui agissent sous l’autorité des procureurs de la République. Personne ne se trouve en garde à vue en France sans le contrôle du parquet (…). Quasi 100% des personnes interpellées ont été mises en garde à vue. Dans une période de confusion, il est possible que des policiers ou gendarmes interpellent des personnes qui ne sont pas mises en garde à vue, et dans ces cas-là ils sont relâchés dans les quatre heures qui suivent», a-t-il rappelé.
Faut-il retirer la réforme des retraites ?
Face à la violence grandissante dans les manifestations, faut-il céder devant le mouvement social et retirer la réforme des retraites ? «Qu’il y ait une discussion sociale entre le président de la République, la Première ministre, les ministres et les syndicats, oui. (…) Moi je ne pense pas du tout qu’il faille retirer ce texte en échange de violence, sinon ça veut dire qu’il y a plus de République», a répondu Gérald Darmanin. Il a donc rappelé les arguments du gouvernement : la nécessité économique, l’absence d’alternative et le courage politique de mener une réforme impopulaire.
Le ministre de l’Intérieur s’est par ailleurs exprimé sur la motion de censure qui a été rejetée lundi dernier, et notamment sur la position des députés Les Républicains, son ancienne famille politique. «Je suis très triste pour Les Républicains. (…) Je suis très triste de leur incohérence. (…) Cette opposition n’est plus constructive, et de moins en moins un parti de gouvernement», a-t-il estimé, tout en soutenant certains cadres de LR, notamment Bruno Retailleau ou Éric Ciotti, qui ont soutenu le gouvernement dans sa réforme.
Gérald Darmanin a donc appelé les élus des Républicains à rejoindre la majorité présidentielle. Lors de cette interview, il a également abordé d’autres sujets, notamment la visite du roi Charles III à Paris ce dimanche, mais également la future loi immigration, dont l’examen a été ajourné.