Jugé «obsolète», le Plan local d'urbanisme (PLU) parisien, daté de 2006, est actuellement en cours de révision. Un travail long et rigoureux, d'autant plus que la majorité d'Anne Hidalgo a l'ambition de porter un nouveau PLU «bioclimatique». Mais sa rédaction semble particulièrement compliquée en raison de désaccords entre les groupes.
C'est un dossier important qui préfigurera ce à quoi ressemblera Paris dans les prochaines décennies. La révision du Plan local d'urbanisme (PLU), dont la mouture actuelle date de 2006, est en effet essentielle, mais n'est pas simple, alors qu'au sein de la majorité de la maire de Paris Anne Hidalgo, dans laquelle les socialistes siègent avec les communistes et les écologistes, chacun défend fermement ses convictions.
Un accord à trouver
«On travaille très bien et on continue à le faire», s'est ainsi exprimé ce jeudi Emmanuel Grégoire, le premier adjoint à la mairie de Paris qui pilote le dossier, expliquant enchaîner les réunions avec les différents groupes de la majorité en vue de trouver un accord qui permettrait de finaliser la rédaction du PLU. «Tant qu'il n'y a pas d'accord, on gardera le PLU actuel», a-t-il lancé, laissant paraître un brin d'impatience.
Et puisque sans les élus écologistes, il n'y a plus de majorité, ces derniers ont toute la largesse de négocier le PLU tel qu'ils le souhaitent. Or, et c'est le problème, il existe un certain nombre de désaccords entre eux et l'exécutif. Parmi ces dissensions, la hauteur des constructions que les écologistes souhaitent bloquer à 37 mètres, alors que les grands projets urbains de Bercy-Charenton (12e) et Bruneseau (13e) prévoient des tours hautes de 50 mètres.
«On fait un PLU pour relever le défi du climat et en même temps, on prévoit la construction de deux zones proches du périphérique où il y a des échangeurs», avait déploré Nathalie Maquoi, élue écologiste dans le 20e. Même chose pour la construction d'un immeuble pont au-dessus du périphérique, qui – alors que des projets similaires ont déjà été abandonnés ces dernières années à cause des risques de la pollution sur la santé – est à nouveau envisagé dans le nouveau PLU.
Autre sujet clivant : un grand parc de 8 hectares porte de la Villette (19e) qui, selon les écologistes, devient «au dernier moment un espace végétalisé». «Ça peut paraître un détail, mais avec une place arborée ou un toit végétalisé, on est très loin de notre grand parc de 8 hectares», avait ainsi regretté Emile Meunier, élu écologiste dans le 18e.
Et coup de poignard, alors que les élus écologistes portent le vœu de transformer la Petite Ceinture – qu'ils considèrent comme un des grands lieux de la biodiversité parisienne au même titre que les deux bois et que la Seine – en une «promenade urbaine» en la classant en «zone urbaine verte», ils ont finalement appris que son statut ne changerait pas. «C'était acquis, et puis tout à coup, on va la garder en grand service urbain sur lequel la SNCF pourra construire si elle le souhaite», s'est insurgé l'élu.
«les choses sont bloquées»
David Belliard, qui n'est autre que l'adjoint à la mairie de Paris chargé des mobilités, est lui aussi acteur de la négociation et enfonce le clou. «Aujourd'hui, c'est l'heure du choix, et le choix doit être le climat. Ce que nous défendons et ce que nous demandons, ce n'est ni plus ni moins que de mettre en œuvre les promesses de la campagne électorale en réalité et en faits», expliquait-il la semaine dernière. Et d'assurer : «nous souhaitons réaliser cet accord électoral».
Une semaine plus tard, Emmanuel Grégoire se refuse quant à lui à tout commentaire, presque agacé de voir les élus écologistes déballer l'intimité de leurs discussions aux journalistes. «Je ne commente pas les désaccords», nous assure-t-il ce jeudi, expliquant que des réunions de travail allaient encore avoir lieu dans les prochains jours.
De leur côté, les élus communistes soulignent, par la voix de leur président Nicolas Bonnet-Ouladj, que la dernière copie présentée par le premier adjoint leur convient, mais que «les choses sont bloquées» tant qu'un accord n'est pas trouvé par la majorité au complet. Or, ils rappellent au passage ne pas avoir été conviés aux dernières réunions.
En effet, une réunion entre l'exécutif et les élus écologistes a encore eu lieu ce mercredi 8 mars. Une réunion «positive», «pas du tout dans le clash», selon les écologistes, qui se félicitent d'y voir «une proposition» de la part d'Emmanuel Grégoire «de lever certains blocages» et qui promettent «que le travail reprend». Pour autant, le nouveau PLU continue de prendre du retard, et l'ambition d'entériner le compromis lors d'un Conseil de Paris extraordinaire le 18 avril prochain s'éloigne.
Un calendrier intenable
Pour Jean-Pierre Lecoq, le maire du 6e arrondissement, qui suit le dossier pour le groupe Changer Paris, ce PLU incarne ce qui est «fondamentalement un problème de majorité». «Si les Verts ne votent pas le PLU, ce sera un échec supplémentaire pour Anne Hidalgo», avance-t-il, rappelant qu'en 2006, les alliés Verts de Bertrand Delanoë lui avaient déjà mené la vie dure lors de la révision du dernier plan d'urbanisme.
Pour l'instant, celui qui est maire du 6e depuis plus de vingt-huit ans évoque un «flou total» et un «calendrier qui ne pourra être tenu» s'ils ne trouvent pas d'accord. En attendant, son groupe prépare de son côté sa propre mouture, «un vrai PLU cohérent» en faveur d'un Paris «moins dense» et «doté de davantage d'espaces verts» dans lesquels «il y aura des points de recoupement avec les élus écologistes» notamment pour ne pas bétonner davantage.
«Nous souhaitons préserver l'âme de chaque arrondissement», poursuit le maire, qui se dit «assez favorable à ce qu'on créé des micro-plans de quartier», notamment dans les grands arrondissements «pour éviter de densifier de façon supplémentaire». Avec ces «plans de quartier», il s'agira d'après ses dires d'en préserver certaines spécificités, comme «l'allure faubourienne» de certaines rues ou «l'esprit campagne» de certains quartiers.
Une annonce confirmée par Nicolas Jeanneté, élu Changer Paris dans le 15e arrondissement, qui affirme ce jeudi que les élus de son groupe ont «mené un travail méticuleux depuis déjà plusieurs mois», «débouchant sur un maillage extrêmement précis, une cartographie territoriale de Paris avec les points chauds et les points sensibles» sur lesquels «toute leur attention» sera portée. «Nous avons l'ambition de porter un contre-projet à ce PLU», a-t-il lancé. De quoi ajouter du travail à la majorité.