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Retraites : que contient l'amendement voté au Sénat pour lancer la réflexion sur la capitalisation ?

L'amendement réclame au gouvernement un rapport qui compare les conséquences pour les assurés et les pensionnés d'une affiliation à un régime par répartition et à un régime par capitalisation. [Alain JOCARD / AFP]

La majorité de droite au Sénat a voté, dimanche 5 mars, un amendement au projet de réforme des retraites, proposant une étude sur l'introduction d'une part de capitalisation collective.

Un changement de cap ? Alors que le système par répartition est utilisé pour financer les retraites depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le Sénat s’est prononcé, dimanche, en faveur d’une consultation pour l’ajout d’une dose de capitalisation collective. Autrement dit, les sénateurs envisagent la privatisation d’une part du financement des retraites. Une petite révolution, qui, si elle était adoptée, ferait basculer le système de financement des retraites dans une nouvelle ère.

La retraite par répartition est un système de financement qui consiste à alimenter les caisses de retraite avec des cotisations basées sur les revenus professionnels des travailleurs en activité (assurance vieillesse). Ces dernières servent, la même année, au paiement des pensions des retraités. Grâce aux cotisations qu'ils versent, les salariés actifs acquièrent des droits qui leur permettront, à leur tour, de bénéficier d'une pension de retraite financée par les générations d'actifs suivantes. C'est donc un système basé sur la solidarité intergénérationnelle, souvent opposé au concept de retraite par capitalisation.  

La retraite par capitalisation fonctionne quant à elle sur le principe de l'accumulation par les travailleurs d'un capital qui servira à financer leurs propres pensions une fois devenus inactifs. C'est donc, par principe, un système d'épargne individuel basé sur l’autofinancement. Il peut cependant être collectif si c'est une part de l'ensemble des cotisations qui est privatisée, et non des cotisations individuelles. Autrement dit, une part des cotisations serait investie par exemple dans des fonds d'investissement, des actions ou des obligations, et les pensions touchées par les actifs seraient liées aux performances de ces placements.

Un modèle hybride et collectif

Si ce modèle a déjà été utilisé en France au début du 20e siècle, il a ensuite été abandonné car considéré comme pas assez solidaire des plus petites fortunes. Et pour cause, plus la part de capitalisation est importante, plus les inégalités se creusent entre ceux qui peuvent financer leur retraite grâce à leurs moyens financiers, et ceux qui ne le peuvent pas.

Avec cet amendement, les sénateurs défendent «l'introduction de cette dose de capitalisation pour sauver notre système par répartition». «Préservons le système par répartition et une pension minimale garantie de 1.200 euros en l'adossant à une capitalisation minoritaire. L'Etat, qui garantit aujourd'hui le système par répartition, en serait là aussi le garant», ont-ils expliqué. Les sénateurs proposent l'introduction d'une capitalisation «collective, car aujourd'hui la capitalisation par l'épargne-retraite est impossible pour les Français les plus modestes». 

Dans le détail, l'amendement réclame au gouvernement un rapport qui «compare les conséquences pour les assurés et les pensionnés d'une affiliation à un régime par répartition et à un régime par capitalisation, à l'image de la Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens ou du régime additionnel de la fonction publique». L'étude devra se pencher sur «les modalités d'instauration d'un nouveau régime social applicable à des cotisations versées à un régime obligatoire d'assurance vieillesse par capitalisation, destiné aux salariés et aux indépendants, qui serait intégré dans le système des retraites». 

Elle visera également à détailler «la structure administrative» qui serait chargée de gérer «ce nouveau régime obligatoire». Pour les sénateurs, «la capitalisation collective pourrait être envisagée comme une opportunité en vue de garantir un avenir à notre régime de retraites».  

pallier le vieillissement de la france

Cette étude du gouvernement sur la retraite par capitalisation devrait être remise au Parlement avant le 1er octobre, selon l'amendement. «Le mouvement démographique est implacable, nous aurons moins de cotisants et plus de bénéficiaires, on a ce devoir de regarder de quelle manière le système de répartition perdure», a défendu Jean-François Husson, à l’origine de l’amendement.

«On pourrait avoir une fusée à trois étages : le socle intergénérationnel du système par répartition, le deuxième étage, ce sont les retraites complémentaires, et le dernier étage, c'est par capitalisation», a développé le sénateur de Vendée, Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a toutefois rappelé que «le gouvernement a fait le choix de ne pas ouvrir le débat sur la capitalisation».

Une solution vivement rejetée du côté de la gauche. «Vous ne faites tellement plus confiance à ce système par répartition que vous voulez voir venir des systèmes de capitalisation», a critiqué la socialiste Monique Lubin. «Il s'agit de livrer des centaines de milliards aux fonds de pension, au marché», s'est quant à elle indignée l'écologiste Raymonde Poncet-Monge, estimant que le système par répartition était le plus solidaire et efficace.

Communistes et écologistes se sont également moqués de cette métaphore, rappelant que dans une fusée le premier étage «est le premier à être abandonné», au profit de l'ascension du dernier. Elisabeth Doineau (UDI), la rapporteure générale, a pour sa part émis un avis défavorable au rapport, mais a estimé la question «intéressante», car «les jeunes générations ne croient pas dans le financement de notre système».

Le gouvernement voulait instaurer un système à points

Par ailleurs, les sénateurs ont adopté à la quasi unanimité les amendements de suppression d'un article, rajouté par le gouvernement après le passage du texte à l'Assemblée nationale. Il prévoyait la remise d'un rapport, d'ici un an, sur la «possibilité, les conditions et le calendrier de mise en œuvre d'un système universel», équivalent au système à points que la réforme abandonnée de 2019 instaurait.

«C'est un amendement Macron», a cinglé Patrick Kanner, le président des sénateurs socialistes. «Pourquoi cet article se retrouve dans le projet d'aujourd'hui ? C'est presque un crime signé», s'est-il exclamé. 

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