Interpellé ce samedi 25 février au Salon de l'agriculture sur le sujet des retraites, le président Emmanuel Macron a souhaité rappeler le caractère «de justice» de la réforme. Le milieu agricole, lui, est partagé au sujet de ce texte.
«Les 64 ans, c'est non». Au Salon de l'agriculture, la Confédération paysanne, l'un des cinq regroupements syndicaux majeurs du monde agricole, a tenu un discours ferme, par l'intermédiaire de sa secrétaire générale, Laurence Marandola. «Je crois que tout le monde devrait avoir ce droit acquis de pouvoir prendre sa retraite à taux plein à 60 ans», a-t-elle assuré.
Le sujet, déjà bouillant pour l'exécutif confronté à des mobilisations successives partout en France, est revenu dès l'ouverture du salon. Le président Emmanuel Macron a été interpellé à la fois par des agriculteurs et par des visiteurs, notamment sur le rallongement de l'âge légal à 64 ans et les critères de pénibilité.
Le régime des agriculteurs, «l'un des plus misérables de France»
Sur le sujet des retraites, agriculture rime malheureusement avec précarité. «C'est l'un des régimes les plus misérables de France», assure Laurence Marandola. Le système se divise en deux catégories de travailleurs : les salariés agricoles (employés, garde-chasse, salariés des organismes de crédit agricole) et les non-salariés agricoles (NSA), qui concernent les chefs d'exploitation et les statuts spéciaux de collaborateurs et aidants familiaux.
Emmanuel Macron sur la réforme des retraites : «Quand vous parlez à un éleveur qui ne sait pas ce que c’est qu’un jour férié, qu’un samedi ou un dimanche où il peut se reposer, il trouve ça juste. C’est ce qu’il faut pour le pays» dans #MidiNewsWE pic.twitter.com/6aR1OtfGKo
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Si les salariés sont proches du régime général (régime dit «aligné»), la retraite «de base» des travailleurs NSA est calculée en fonction du statut (chef d'exploitation ou conjoint) et des revenus professionnels. Ces derniers étant souvent très bas, avec d'énormes disparitions selon les secteurs d'activités, le montant moyen de la pension versée par la Mutualité sociale agricole (MSA) est de 766 euros mensuel. Bien loin des 1.510 euros pour l'ensemble des retraités français.
Depuis la loi Chassaigne appliquée à partir du 1er novembre 2021, tous les retraités de l'agriculture sont censés percevoir 85% du Smic si l'activité a été exercée pendant au moins dix-sept ans. Mais à la suite d'un amendement de la majorité, l'application ne concernera que les carrières complètes. «Une arnaque, comme pour les 1.200 euros pour tous les salariés promis par le gouvernement», fustige Laurence Marandola.
Le 1er février dernier, une proposition de loi des Républicains a été adoptée, permettant de calculer les vingt-cinq meilleures années et non l'intégralité de la carrière. «C'est une bonne chose, même si on aurait pu aller encore plus loin, mais c'est déjà une reconnaissance», estime de son côté Pierrick Horel, secrétaire général des Jeunes agriculteurs (JA).
«On ne se sent pas d'aller plus loin»
Pour des agriculteurs dont les conditions sont difficiles, entre le travail manuel, les faibles revenus et les aléas de production, les revendications ne sont pas toutes les mêmes selon les groupements syndicaux. Si la FNSEA parle «d'un grand pas» pour la prise en compte des 25 meilleures années de carrière, pour la Confédération paysanne, la promesse est loin d'être suffisante, «tant qu'il n'y a pas de revalorisation des minimums de retraites».
Ce syndicat, qui milite pour le respect d'une agriculture paysanne et non-intensive, est fermement opposé à un âge de départ à 64 ans. «Nous restons dans la position d'une retraite à 60 ans pour tout le monde, même pour une carrière hachée, avec une durée de cotisation cohérente avec l'âge d'entrée dans le milieu». Pour la secrétaire générale, il devrait s'agir d'un «droit acquis», car la majorité des paysans «ne se sent pas d'aller plus loin».
Rencontre conviviale pour parler avenir des campagnes et installation avec le @agri_MRJC @MRJC_com sur notre stand au #SIA2023 pic.twitter.com/ylkcCqxQtd
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Elle estime également que la question des carrières devrait être centrale dans une profession. «Pire qu'une retraite d'agriculteur, c'est une retraite d'agricultrice. Elle cumule souvent la question de la carrière incomplète et celle du statut de conjoint ou de collaborateur».
Selon Laurence Marandola, la pension devrait être égale à un Smic qu'importe la carrière «pour reconnaître les carrières de ceux qui nourrissent tous les jours nos concitoyens».
L'installation des jeunes se retrouve décalée
Michel Géray, paysan retraité du Perche, en Eure-et-Loir, estime que «de nombreux jeunes veulent être agriculteurs», mais que les «situations» sont très diversifiés. «J'étais producteur de porc dans un système breton. Nous avions une ferme moyenne, avec un salarié, trois associés, cela fonctionnait plutôt bien. On s'en sortait en travaillant bien, mais le travail était très mal rémunéré».
L'agriculteur, ancien responsable départemental de la Confédération paysanne, a «eu la chance de partir à la retraite à 60 ans», avec une pension de 1.100 euros. «J'aimerais bien que tout le monde puisse en faire autant, mais le milieu est trop épars. Les facteurs de pénibilité dépendent des conditions et des secteurs. Certains peuvent s'accommoder de l'allongement car ils peuvent se le permettre». Quant à savoir s'il pourrait y avoir une solidarité entre les agriculteurs sur les revendications syndicales, sa réponse est emplie d'ironie : «J'en doute».
Autre problématique d'un âge de départ décalé, celle de l'implantation de nouvelles générations d'agriculteurs. Selon les données de l'Insee, plus de 50% des exploitations sont tenues par des personnes censées prendre leur retraite dans dix ans. La réforme des retraites pourrait encore aggraver une problématique de renouvellement déjà ancrée. «Les fermes seront transmises deux ans plus tard, ce sera extrêmement dommageable. D'autant que ce n'est pas à 60, 62 ou 64 que l'exploitant va engager des investissements».
De leur côté, les Jeunes agriculteurs font de ce renouvellement du corps de métier une priorité sur le Salon. «L'idée qu'on porte, c'est d'accompagner cette transition, d'aller mieux former les prétendants et les reconversions professionnelles, car c'est une grande partie du public demain en agriculture. On sait aussi que certains ne feront pas ce métier toute leur vie», détaille Pierrick Horel, secrétaire général des JA.
Alors que le Salon de l'agriculture se poursuit jusqu'au dimanche 5 mars, les syndicats paysans sensibiliseront à d'autres questions primordiales de leur activité : la situation de sécheresse extrême, le changement climatique et les problématiques liées aux pesticides.