Environ 4.000 animaux sont exposés à Paris jusqu'au dimanche 3 mars à l'occasion du Salon de l'agriculture. Si l'événement affiche leur bien-être comme l'une de ses grandes préoccupations, les associations, elles, n'approuvent pas les conditions dans lesquelles les bêtes sont accueillies.
«Pour la tranquillité des animaux je reste à distance, je ne les touche pas, je ne les nourris pas» : le message est affiché un peu partout au Salon international de l'agriculture (SIA) mais, pour de nombreux visiteurs, la tentation semble trop forte. Il suffit de parcourir les allées quelques minutes pour être témoin d'une caresse, d'une poignée de foin tendue sous le museau d'une vache ou d'autres sollicitations destinées à attirer l'attention des animaux.
Le problème n'est pas vraiment la caresse en elle-même, mais plutôt sa répétition. Le visiteur qui s'autorise ce rapprochement oublie sans doute que le Salon de l'agriculture rassemble plus de 600.000 de ses semblables... qui risquent d'en faire autant.
Le bien-être animal est pourtant l'un des grands axes du programme «SIA'ttitude» dont le mot d'ordre est de «faire du Salon international de l'Agriculture un événement confortable, agréable, durable et engagé», à travers «une approche globale de la responsabilité».
#SIA2024
Le 9/07/2021, le #ConseilDeParis adopte la charte "bien-être animal" qui s'applique aux lieus qui appartiennent à la Ville de @Paris. @C_Najdovski
PAZ constate de graves manquements au Salon de l'Agriculture.
"Veiller à ce que le public ne touche les animaux" pic.twitter.com/fBgXgUvExE— PAZ (@paz_zoopolis) February 25, 2024
Aux affiches qui appellent les visiteurs à respecter la tranquillité des bêtes s'ajoutent ainsi l'intervention d'un cabinet d'audit et de conseil mais aussi celle d'un comité d'éthique et de bien-être animal. Ce dernier se réunit deux fois durant le Salon, puis une nouvelle fois plus tard, en avril. Son rôle est d'améliorer les conditions d'accueil des animaux en s'appuyant notamment sur les informations transmises par les vétérinaires mobilisés sur l'événement.
Au nombre de 16, ces derniers sont présents 24h/24, à raison d'un roulement tous les deux jours, et sont épaulés quotidiennement par cinq étudiants vétérinaires. Florian Granchi, qui prend soin des pensionnaires du Salon depuis plusieurs années déjà, reconnait que les animaux sont très sollicités et que cela peut «faire beaucoup» pour eux, surtout lorsque les gens ont «des mouvements brusques».
Mais, dans l'ensemble, le vétérinaire estime que ses protégés ne souffrent pas de leur passage à Paris. «Ça peut leur causer un peu de stress dans le sens où ça change leurs habitudes mais globalement ils sont bien lotis. Les éleveurs veillent constamment sur eux. Il ne faut pas oublier qu'en général il s'agit de leurs meilleures bêtes donc ils y tiennent comme à la prunelle de leurs yeux».
Son collègue, Vincent Mouhedine, enchérit : «tant que les animaux ne montrent pas de signes extérieurs de stress, tout va bien. Ça peut se traduire par une respiration difficile, de l'agitation, des meuglements, un animal qui a du mal à rester en place ou dont le port d'oreilles est inquiétant... On sait identifier ces signes».
Ces professionnels affirment que lorsqu'un animal vit vraiment mal l'expérience, il quitte tout simplement le Salon. C'est d'ailleurs arrivé pour une vache cette année mais, d'après Eric Blanchot, animateur du village vétérinaire et gérant de la ferme pédagogique du SIA, cela reste plutôt rare parce que ces animaux sont «préparés».
«Ils sont ici parce qu'il ont été sélectionnés lors de concours, rappelle-t-il. Ils sont donc familiarisés à ce genre d'ambiance». Les expositions agricoles auxquelles ces bêtes ont participé ne durent toutefois pas neuf jours comme le Salon de l'agriculture. Aussi, la plupart des animaux sont «renouvelés» à mi-chemin. La rotation, qui a eu lieu mardi soir, a concerné la majorité des effectifs avec quelques exceptions comme Oreillette, l'égérie de cette 60e édition.
Tapis de caoutchouc, alimentation et repos
Afin d'adoucir le séjour des vaches, moutons et autres cochons, des tapis de caoutchouc ont également été installés dans les stalles pour plus de confort. Des parcours sécurisés ont par ailleurs été mis en place pour faciliter leurs déplacements et veiller notamment à ce que les visiteurs ne leur «coupent pas la route», selon Eric Blanchot.
D'après Vincent Mouhedine, les éleveurs ont la possibilité d'apporter leurs propres aliments sur le Salon, pour éviter tout changement dans l'alimentation des bêtes. Une salle de traite et de lavage sont mises à leur disposition et les vétérinaires vérifient, grâce à une échographie des mamelles, que les vaches sont traites de manière suffisamment régulière.
En soirée, l'éclairage est réduit pour permettre le repos. Avant que les animaux ne s'installent pour la nuit, les éleveurs ont la possibilité de les faire déambuler dans les allées pour leur dégourdir les pattes. Selon Florian Granchi, certains les guident vers la douche extérieure pour soulager leurs membres avec un peu d'eau froide et, au matin, les vaches sont lavées.
En matière de bien-être animal, le SIA «a beaucoup évolué», indique Eric Blanchot, qui participe à sa 22e édition. Ces dernières années, il dit avoir senti cette question devenir «une grosse préoccupation du public». Il salue cette prise de conscience mais appelle à «ne pas tomber dans l'anthropomorphisme», c'est-à-dire le fait d'attribuer aux animaux des réactions et émotions humaines.
«Chez l'animal il y a une notion de territoire, développe l'animateur animalier. S'il a un endroit où il se sent en sécurité, avec de la nourriture et la présence de son éleveur, alors il a ce dont il a besoin. Ici le territoire est évidemment plus petit que chez eux, mais les principaux repères sont là».
Cette vision, les associations de défense des animaux ne semblent pas la partager. Si L214 reconnait ne pas avoir «plus d'informations sur les conditions de détention des animaux au Salon de l'agriculture», elle déplore toutefois qu'ils soient «attachés ou détenus dans de petits espaces, au milieu du bruit et de la foule, parfois touchés à longueur de journées par les visiteurs».
Sur les réseaux sociaux, l'association a diffusé plusieurs images prises au Salon, sur lesquelles on voit notamment des agneaux se débattre alors qu'on les installent dans les bras de différentes personnes, parfois des enfants. Elle dénonce aussi le fait que les bêtes sont pour certaines exposées «à deux pas des stands de dégustation de viande» et s'insurge : «Les animaux ne sont pas des objets !».
Dans d'autres cas, les associations estiment que les vaches, lapins et autres moutons sont montrés dans des conditions qui ne reflètent pas leur vie en élevage. «Le Salon de l'agriculture nous offre l'authenticité de chèvres vivant dans de magnifiques pâturages, mais en France 60% des 1,1 million de caprins sont en élevage intensif sans aucune vie à l'air libre», souligne par exemple la Fondation Brigitte Bardot.
L'association assure que «la vie dans les élevages» et «les conditions de transport jusqu'à l'abattoir» sont loin de l'«image bucolique» présentée par le Salon de l'agriculture. Dénonçant l'«ambivalence» de l'événement, elle appelle même les internautes à boycotter le Salon pour ne pas être «complice de sa face cachée».