Le mouvement contre la réforme des retraites ne faiblit pas, avec une deuxième journée de mobilisation ce 31 janvier. Si le texte porté par le gouvernement est le principal visé, la mobilisation est aussi un agrégat de nombreuses revendications chez les manifestants.
Ce mardi, comme ce fut le cas jeudi 19 janvier, des centaines de milliers de Français devraient arpenter les rues du pays pour afficher leur opposition à la réforme des retraites. Pourtant, parmi les discours, slogans, ou pancartes mis en avant, nombreux seront ceux visant non pas l’évolution de l’âge de départ à la retraite, mais des revendications sur le pouvoir d’achat, les inégalités ou encore la crise de l’hôpital.
La vaste mobilisation contre la réforme du gouvernement a en effet cristallisé autour d’elle les difficultés du moment. Les rancœurs contre le président, aussi. «C’est un phénomène qui n’est pas assez souligné», abonde Bruno Cautrès, politologue membre du Cevipof et chercheur au CNRS. «Le mouvement dit beaucoup d’autres choses que la simple réforme des retraites. Et cela explique d’ailleurs pourquoi la communication de l’exécutif n’arrive pas à convaincre».
Hausse des prix dans l’alimentation, facture d’essence et d’énergie qui grimpent, secteur hospitalier en crise, professeurs en difficulté, inégalités pointées du doigt… Pour certains, les raisons de manifester s’accumulent.
«Lutter plus globalement contre un projet de société qui ne nous correspond pas du tout»
«La réforme des retraites, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le tout», expliquait à l’AFP Christelle, enseignante de 46 ans présente dans le cortège à Nice, le 19 janvier. «Nos conditions de travail se dégradent, on parle de l'uniforme mais on ne parle pas des effectifs dans nos classes et je ne me vois pas travailler encore à 64 ans ou plus. Il faut prendre l'argent là où il est. Quand on voit les dividendes versés aux actionnaires des grandes entreprises, on se moque de nous».
«C'était important de venir aujourd'hui (le 19 janvier, ndlr) mais c’est un tout, avec l'augmentation des prix, on ne peut pas vivre», s'alarmait le même jour Catherine, demandeuse d’emploi à Paris.
Une partie de la jeunesse s’est engouffrée dans la brèche. «Si on est ici, c’est aussi pour lutter plus globalement contre un projet de société qui ne nous correspond pas du tout», avançait ainsi Emma, une étudiante infirmière, à Radio France. «Les jeunes aujourd’hui sont stressés quand ils font leurs études parce qu’ils sont ultra-précaires. La transition écologique, on n'y est pas du tout. On ne sait même plus quand est-ce qu’on arrivera en retraite. C’est un épuisement général de la part de la jeunesse».
Emmanuel Macron pris pour cible
A la mi-janvier, l’Institut Montaigne avait déjà pressenti cet agrégat des colères autour du sujet des retraites : «Nous sommes en présence d'une dynamique collective qui dépasse de beaucoup la simple question des retraites et qui traduit une crise politique plus générale - défiance vis-à-vis des gouvernements, sentiment général d'injustice - sans doute accompagnée d'une forme d'anesthésie par rapport à la situation des finances publiques», décrivait le groupe de réflexion libéral.
«Le thème est emblématique et hautement symbolique. Avec la question des retraites, il s’agit aussi de celle du travail et du rapport aux inégalités, avec la pénibilité ou les carrières longues», poursuit Bruno Cautrès. «Les gens qui manifestent le font à un titre plus général. On le voit dans leurs slogans, il y a un ensemble de revendications». Et de pointer aussi la défiance de cette fraction des Français contre le président. «Les gens ont de la mémoire, ils réagissent à l’accumulation de petites phrases depuis le premier quinquennat. Pour une partie de l’opinion, Emmanuel Macron c’est la France qui va bien, un exécutif qui passe en force et ne comprend pas la France qui galère. Et puis il y a toujours un petit leg des gilets jaunes».
La mobilisation de ce mardi donnera de nouvelles indications sur cette addition des colères. Un nouveau succès d’affluence aurait de quoi inquiéter l’exécutif.