Ce mercredi 25 janvier marque la Journée nationale de lutte contre le sexisme. Une discrimination qui affecte toutes les sphères de la société française.
Au travail, à la maison, dans la rue, dans les médias : partout, les femmes sont empêchées, dénigrées, violentées en raison de leur genre. En cette journée nationale de lutte contre le sexisme, les conclusions du dernier rapport du Haut conseil à l'égalité (HCE) résonnent douloureusement : ils montrent que ces discriminations perdurent et s'aggravent en France.
Ce document s'appuie à la fois sur les derniers chiffres officiels et sur les résultats d'un baromètre réalisé par l'institut Viavoice auprès de 2.500 personnes représentatives.
Il souligne le paradoxe de notre société, qui, selon le HCE, «reconnaît et déplore l’existence du sexisme mais ne le rejette pas en pratique, majoritairement chez les hommes».
93 % des Français constatent des inégalités de traitement entre les femmes et les hommes
Ce point n'est pas loin de faire l'unanimité chez les Françaises et les Français qui signalent, dans leur grande majorité (93 %), avoir constaté une différence de traitement entre hommes et femmes dans au moins une des sphères de la société (travail, espace public, école, famille...).
Surtout, 80 % des femmes signalent avoir déjà eu «l'impression d'avoir été moins bien traitées en raison de leur sexe, un score qui ne s'élève qu'à 37 % pour les hommes». Autre enseignement, 57 % des Françaises ont subi des blagues ou remarques sexistes et 29% des remarques sur leur tenue ou physique. Par ailleurs, 41 % d'entre elles disent avoir été visées par des sifflements et gestes déplacés de la part d'un homme.
Parmi les personnes interrogées, 55 % en déduisent qu'il est difficile d'être une femme. Ce sentiment est notamment très présent chez les jeunes Françaises âgées de 15 à 24 ans, qui sont 4 sur 5 à le penser.
67 % des interrogés estiment «normal» qu'une femme cesse de travailler pour s'occuper des enfants
On pourrait croire que le cliché sexiste selon lequel une femme doit abandonner sa carrière lorsqu'elle devient mère appartient à une lointaine époque, mais les chiffres montrent qu'il reste d'actualité dans l'esprit de 27 % des femmes et 40 % des hommes interrogés.
Dans la même veine, seulement 49 % des femmes et 37 % des hommes jugent problématique qu'une femme cuisine tous les jours pour toute la famille et respectivement 21 % et 26 % d'entre eux pensent que la présence d'une mère lors des rendez-vous dédiés aux enfants (médicaux, scolaire...etc) est «plus importante que celle d'un père».
Globalement, 41 % des Françaises interrogées se plaignent d'un déséquilibre au sein de leur couple concernant les tâches ménagères.
23 % des femmes connaissent des inégalités salariales
En matière d'égalité femmes-hommes, le monde du travail est souvent identifié comme un très mauvais élève. Selon les chiffres du HCE, seul 1 Français sur 5 le considère égalitaire en pratique.
Non seulement 23 % des Françaises signalent avoir connu un écart de salaire avec un collègue homme, à poste ou compétences équivalents, mais 13 % des femmes interrogées ont aussi vécu la discrimination à l'emploi. Ces deux chiffres grimpent respectivement à 34 et 21 % pour les cadres.
Le sexisme entrave le parcours professionnel des femmes avant même son commencement puisque 41 % des Françaises de 15 à 24 ans déclarent avoir vécu des situations inégalitaires à l'école ou au cours de leurs études. A signaler également que 37 % des interrogées disent avoir vécu des discriminations sexistes dans leurs choix d'orientation professionnelle, ce que le HCE relie à «la surreprésentation des femmes dans les métiers précaires».
Plus d'un tiers des Françaises ont vécu une situation de non-consentement
Le sexisme ordinaire, qui s'installe insidieusement au travail, dans les foyers et partout ailleurs «fait le lit du sexisme violent», selon Sylvie Pierre-Brossolette, présidente du HCE. Dans une société où elles sont jugées inférieures, les femmes sont confrontées à un risque accru d'être violentées, de voir leur parole et leur consentement bafoués.
C'est ce qu'on vécu 37 % des Françaises interrogées dans le cadre du de l'étude du HCE. Dans le détail, 33 % ont déjà eu «un rapport sexuel après l'insistance de leur partenaire, alors qu'elles n'en avaient pas envie» et 12 % ont déjà eu «un rapport sexuel non-protégé devant l'insistance de leur partenaire». En parallèle, seuls 12 % des hommes interrogés reconnaissent s'être déjà montrés insistants.
Pire encore, 14 % de ces Françaises ont dit avoir été victime d'une agression sexuelle ou d'un viol. La proportion monte à 22 % pour les jeunes femmes de 18 à 24 ans. D'autres (22 %), racontent avoir subi une situation «d'emprise psychologique ou de jalousie excessive imposée par leur conjoint».
Les femmes représentent 85 % des victimes d'homicides conjugaux, selon une étude nationale réalisée par le ministère de l'Intérieur. Celle-ci fait état de 122 féminicides conjugaux en 2021 contre 102 en 2020, soit une augmentation de 20 %.
8 femmes sur 10 ont peur de rentrer seules chez elles le soir.
Pour échapper à ces terribles statistiques et réduire les risques auxquels elles sont quotidiennement confrontés, les Françaises adaptent leur comportement et se privent de certaines libertés. Neuf femmes interrogées sur dix affirment ainsi «anticiper les actes et les propos sexistes des hommes», adoptant «des conduites d’évitement pour ne pas les subir».
Aussi, 41 % d'entre elles veillent à ne pas parler trop fort ou hausser le ton, tandis que 40 % des interrogées censurent régulièrement leurs propos par crainte de la réaction des hommes. En outre, 52 % des Françaises renoncent à s'habiller comme elles le souhaitent afin de ne pas attirer l'attention de potentiels prédateurs, et 55 % des interrogées évitent de sortir ou de faire des activités seules. Huit femmes sur dix ont peur de rentrer seules chez elles le soir.
Autant de données qui conduisent le HCE à dire en conclusion que la société française est «sexiste dans toutes les sphères» : publique, privée, professionnelle, médiatique... L'institution s'inquiète de l'apparition de «phénomènes nouveaux» tels qu'une violence accrue sur les réseaux sociaux, la «barbarie dans de très nombreuses productions de l'industrie pornographique» et l'«affirmation d'une sphère masculiniste et antiféministe».
Puisque les résultats de l'étude montrent que les pouvoirs publics «ne sont pas considérés à la hauteur des enjeux sur ces questions», le HCE a formulé 10 recommandations pour un plan d'urgence contre le sexisme. Visant à éduquer les Français dès le plus jeune âge, elles doivent être présentées aujourd'hui à Emmanuel Macron, en même temps que le rapport global.