Quatre ans jour pour jour après l'explosion de gaz, survenue le 12 janvier 2019 rue de Trévise, dans le 9e arrondissement de Paris, les victimes de ce dramatique accident qui a fait 4 morts, 66 blessés et des centaines de sinistrés attendent toujours d'être indemnisées. Réunies en souvenir de ceux qui n'ont pas survécu, elles réclament justice.
Rue de Trévise, au pied de l'immeuble qui a été soufflé par l'explosion du 12 janvier 2019 il y a maintenant quatre ans, les victimes ont rappelé leur souffrance, et ont rendu hommage aux 4 personnes disparues pendant le drame. Une souffrance d'autant plus violente qu'elles n'ont toujours pas été indemnisées.
«Comment se reconstruire ?»
«Comment se reconstruire quand on est perdu dans les rouages de l'administration ?», s'est interrogée Linda Zaourar, la présidente de l'association des victimes et rescapés de la rue de Trévise (VRET) ce jeudi 12 janvier 2022, devant les élus parisiens et les victimes de l'explosion.
Présente à leurs côtés, la maire du 9e arrondissement, Delphine Bürkli, a dit entendre leur «lassitude» face «à la lenteur de la justice, aux tracasseries administratives et aux pinaillages des compagnies d'assurance» et a espéré que la réunion du Comité local d'aide aux victimes (CLAV) qui s'est réuni la veille allait faire avancer les choses.
Co-présidée par le préfet de Paris et d'Ile-de-France Marc Guillaume et le parquet de Paris, représenté par Laure Beccuau, la procureure de la République de Paris, cette réunion a permis d'adopter un vœu appelant «à fluidifier le processus d'indemnisation et à mettre en œuvre l'accord-cadre d'indemnisation dans un esprit de rapidité et de prise en compte de la situation des victimes».
À la suite de la réunion plénière du comité local d’aide aux victimes parisien (CLAV) du 11.01 co-présidée par @Prefet75_IDF et le @parquetdeParis, retrouvez ci-dessous le communiqué de presse conjoint pic.twitter.com/QWmZo5lS3x
— Parquet de Paris (@parquetdeParis) January 11, 2023
Une précieuse avancée pour Linda Zaourar, qui témoigne des difficultés rencontrées par les victimes pour faire valoir leurs droits, et ce, y compris depuis la signature de l'accord-cadre d'indemnisation en janvier 2021 provisionné à hauteur de 20 millions d'euros. De l'argent dont les victimes n'ont encore jamais vu la couleur.
«Il y a un blocage qu'on ne comprend pas. Certaines victimes n'ont pas de nouvelles de l'assureur, d'autres vont voir l'assureur remettre en doute leur qualité de "victime", leur demandant de justifier leurs blessures», expliquait la présidente de l'association VRET cette semaine.
«On demande que ce soit beaucoup plus fluide et que nos avocats n'aient pas à négocier, à avoir des discussions interminables au sujet des préjudices qui sont liés à l'explosion. C'est comme s'ils découvraient le statut de victime en France, comme si l'explosion de la rue de Trévise était le premier drame», avait-elle en outre regretté.
Des désaccords avec l'expert d'assurance
En cause ? Le traitement des dossiers par l'expert d'assurance Sedgwick, qui selon les avocats des deux associations «ne veut pas reconnaître et prendre en compte tous les préjudices» subis par les victimes. Certaines ont des séquelles physiques, mais aussi morales, d'autres ne peuvent plus travailler : eux plaident pour une «prise en charge globale» et non individuelle des victimes.
Concrètement, la mise en œuvre de l'accord-cadre, chaque victime dépose une demande d'indemnisation à Sedgwick, qui doit – après l'étude de ce dossier – lui faire une proposition financière, appelée «offre», à la hauteur des dommages subis lors de l'explosion. Si la victime est d'accord, elle peut signer et le dossier part à la Mairie de Paris, qui débloque ensuite les fonds.
«Mais comment appliquer cet accord-cadre si nous ne sommes pas d'accord avec Sedgwick sur certaines interprétations ?», lance Me Elsa Crozatier, avocate de l'association Trévise Ensemble, qui explique que la plupart des offres formulées par l'assureur ne sont pas à la hauteur du préjudice subi par ses clients.
«En gros, ils ne veulent pas payer», renchérit son confrère, Me Jean-Baptiste Mahieu, avocat de l'association VRET, qui ajoute que les discussions sont en cours pour réussir à trouver un accord. Et de confier : «plus qu'un montant, c'est de prendre en compte ce drame horrible tout à fait particulier que nous souhaitons obtenir, mais ça, on a du mal à le faire entendre».
Onze dossiers seulement déposés à la mairie
Souvent accusée de ne rien faire, la municipalité parisienne se défend de son côté de bloquer quoi que ce soit et explique que les dossiers sont toujours entre les mains de Sedgwick. «Seulement 11 dossiers» alors qu'on compte plusieurs centaines de victimes ont été déposés à la municipalité, après qu'un accord sur une offre a été trouvé, explique-t-on à l'Hôtel de Ville.
Un discours que n'entendent pas les avocats des victimes, qui déplorent que si les dossiers n'arrivent pas à la Mairie de Paris, c'est que les offres sont trop maigres et ne peuvent donc en l'état pas être signées. En outre, ils rappellent que la municipalité parisienne siège aux commissions de Sedgwick à chaque fois qu'une offre est formulée, et qu'elle ne découvre donc pas aujourd'hui que seulement 11 dossiers sont à la hauteur.