Alors qu'une grande réunion de la solidarité est organisée à l'Hôtel de Ville ce mercredi 11 janvier, l'adjointe à la mairie de Paris chargée des solidarités Léa Filoche rappelle son combat en faveur d'un accueil digne et inconditionnel des personnes à la rue.
«Nous serons là pour venir en aide aux familles et aux enfants à la rue. C'est une question de dignité, d'humanité», a lancé la maire de Paris Anne Hidalgo ce mardi 10 janvier devant les élus de la ville et de la métropole, expliquant que personne ne pouvait «fermer les yeux sur la détresse qui se noue sous nos fenêtres» et appelant l'Etat à «mettre en œuvre d'urgence un plan global d'hébergement» pour l'ensemble de ces personnes et plus particulièrement les enfants.
L'Etat pointé du doigt
Absent de la grande réunion de la solidarité organisée à l'Hôtel de Ville ce mercredi, l'Etat est souvent pointé du doigt par les acteurs de la solidarité, accusé de ne pas prendre sa part dans l'accueil des personnes à la rue. Aujourd'hui, «la participation de l'Etat est en-deçà des besoins», confirme auprès de CNEWS Léa Filoche, l'adjointe à la mairie de Paris chargée des solidarités, de la lutte contre les inégalités et contre l'exclusion, qui profite de ce rendez-vous pour «tirer à nouveau les sonnettes d'alarme».
Pour l'adjointe, il s'agit également d'«élaborer des propositions» à la charge de la Ville, mais que l'Etat «pourrait s'approprier», «avec la création de places d'hébergement, l'amélioration de l'accompagnement social et la mutualisation des équipes dans ce domaine», et surtout de «faire du plaidoyer auprès de l'opinion publique» et «faire savoir qu'on ne peut pas se résigner que dans la 6e puissance mondiale, il y ait des familles et des enfants qui dorment dehors».
«Ce n'est pas parce qu'on ouvre un centre d'hébergement dans un endroit que l'immobilier va y perdre 20 %», assène l'élue, qui estime que «c'est toujours mieux d'avoir des lieux humanisés et dignes pour ceux qui sont à la rue que de ne rien faire». «Il faut que l'Etat prenne la mesure de la catastrophe» dit-elle, persuadée que «ça coûterait moins cher à tout le monde de prendre en charge ces personnes dignement et correctement».
Des solutions à mettre en place
Selon l'adjointe, trois solutions pourraient d'ores et déjà répondre à un certain nombre de problèmes que connaît Paris et sa région, mais pas que. D'abord, avec l'ouverture d'un «lieu sas» pour permettre aux personnes qui arrivent sur le territoire français notamment en parcours d'asile de faire le point sur le plan sanitaire, psychologique, social et administratif, «comme ce qu'on a fait pour les réfugiés ukrainiens», rappelle Léa Filoche, qui évoque un système de «répartition nationale afin de faire jouer la solidarité de tout le pays».
Ensuite, avec «l'augmentation de manière très importante des places d'hébergement d'urgence» couplée à une vraie politique de «réinsertion sociale». «Dans la rue, il y a des publics qui ont connu des accidents de parcours, des périodes de chômage trop longues, des maladies, il y a des gens qui n'ont rien à faire dehors, qui relèvent de l'urgence psychiatrique, avec des handicaps», souligne l'adjointe, qui fustige l'état des «dispositifs saturés» et «de toute façon pas adaptés». Une urgence à ses yeux à laquelle il faut répondre «sur le plan national».
Enfin, la coordinatrice nationale du mouvement Générations plaide pour la régularisation des sans-papiers. «Aujourd'hui, les dispositifs d'hébergement sont saturés, par des gens qui n'ont rien à y faire, car une grande part d'entre eux travaillent et sont intégrés, mais sont sans-papiers», lance-t-elle, évoquant une «espèce de zone grise» dans laquelle ces derniers n'ont «le droit à rien, déplacés d'un hôtel à l'autre». Des situations «très difficiles», selon elle, «en particulier pour les enfants» qui ne peuvent pas se projeter dans quelque chose de pérenne et de rassurant.
Et ce, alors que le nombre de places d'hébergement en particulier dans les hôtels baisse, avec le retour des touristes. «On a bénéficié pendant deux ans de places d'hébergement dans des hôtels vides, faute de touristes, mais aujourd'hui même les hôtels historiquement sociaux arrêtent de faire du social pour faire du tourisme», témoigne l'élue, faisant état de 4.000 à 5.000 places en moins rien que sur l'année 2022, selon les chiffres du Samu social.
«Beaucoup trop de monde dehors»
La Nuit de la Solidarité, organisée le jeudi 26 janvier prochain, devrait permettre de savoir si cette baisse a eu des conséquences sur le nombre de personnes aujourd'hui à la rue. Sûrement, selon Léa Filoche, qui se dit «inquiète» de voir les chiffres repartir à la hausse, après trois ans de baisse. «Le sentiment général qui se dégage, que ce soit des structures associatives, des agents ou des riverains, c'est qu'on voit bien qu'il y a beaucoup trop de monde dehors, en particulier des familles», craint-elle.
Rendez vous le 26 janvier pour la 6ème édition de la Nuit de la Solidarité !
Inscrivez-vous dès maintenant pour participer sur le terrain à cette #NuitQuiCompte. @Paris compte sur vous. https://t.co/V02YgIXGkA— Léa Filoche (@leafiloche) January 5, 2023
Quant à la solution de réquisitionner les lieux vides, l'adjointe ne se fait pas beaucoup d'espoir. «A Paris, on est arrivé au bout de la capacité des lieux vides, il n'y en a plus beaucoup et le mètre carré coûte cher au sens propre comme au sens figuré», souligne-t-elle, avant de rappeler qu'il en reste tout de même deux emblématiques : l'Hôtel Dieu, qui appartient à l'AP-HP, et l'ancien hôpital du Val-de-Grâce, qui appartient au ministère des Armées».
Autant de lieux ou bureaux vides, qui demandent des aménagements, avec l'installation de toilettes, de douches et d'espaces communs. «Tout ça demande des moyens, et pour l'instant, l'Etat ne débloque rien», regrette celle qui n'entend pas se résigner pour autant, et compte bien continuer à «œuvrer au quotidien avec nos moyens, nos compétences et nos réseaux pour essayer d'améliorer le quotidien» des personnes à la rue.