Annoncée pour le 1er janvier 2025, l'ouverture à la concurrence du réseau de bus parisien et de petite couronne n'est pas pour tout de suite. Pour autant, les inquiétudes liées à ce processus prévu par la loi commencent déjà à susciter des tensions.
Actée depuis 2009 et annoncée pour 2025 à Paris, l'ouverture à la concurrence est prévue par la loi européenne et a été transposée à la loi française. Depuis 2022, le processus se précise, alors qu'Ile-de-France Mobilités (IDFM), l'autorité organisatrice des transports franciliens, a lancé la procédure qui vise à remettre toutes les lignes de bus sur le marché, qui ne sera plus sous le monopole de la RATP dès le 31 décembre 2024. Mais qu'est-ce que cela va changer ?
Fin du monopole pour la RATP
Concrètement, cela signifie que dès le 1er janvier 2025, la RATP ne sera plus la seule entreprise à gérer le réseau de bus à Paris et en petite couronne. A l'instar de ce qui a déjà été fait en grande couronne – non sans douleur – le réseau de bus de la RATP va être divisé en douze lots, auxquels pourront prétendre la RATP, désormais présidée par l'ancien Premier ministre Jean Castex, mais aussi d'autres opérateurs venus d'ailleurs. Un appel d'offres doit être lancé à cet effet en 2023.
Si, en principe, rien ne doit changer pour les usagers – qui devraient même voir leur quotidien s'améliorer selon l'Union européenne qui estime que cela pourrait booster la qualité de service dans la mesure où les opérateurs doivent se démarquer les uns des autres pour espérer remporter les appels d'offres – certains craignent néanmoins que la mise en concurrence ne rende la vie des salariés plus rude, les opérateurs devant se montrer de plus en plus compétitifs.
«On peut imaginer, en effet, qu’il pourra y avoir une meilleure information voyageur ou que les bus seront mieux régulés», remarquait Marc Pélissier, le président de la FNAUT Ile-de-France (Fédération nationale des usagers des transports) au Parisien il y a quelques mois, tout en craignant que «des problèmes de recrutement surgissent, et donc qu'à certains moments il n'y ait personne pour conduire les bus ou que les problématiques comme la gestion des points d'arrêt partagés soient plus difficiles à gérer».
Beaucoup d'inquiétudes autour du projet
Des inquiétudes également partagées à l'époque par l'ancienne patronne de la RATP, Catherine Guillouard, qui avait écrit à ce sujet à Valérie Pécresse, juste avant de démissionner «pour raisons personnelles» fin septembre dernier. Dans cette lettre, dévoilée par Le Monde, celle qui a quitté depuis la vie publique tenait «à réitérer les alertes» qu'elle dit porter «depuis 2020», s'agissant «de la transition qui va s'opérer dans le cadre de l'ouverture à la concurrence du réseau bus le 1er janvier 2025».
Enumérant «les difficultés de recrutement» et «la montée de l'absentéisme» auxquelles doit faire face la RATP depuis plusieurs mois, Catherine Guillouard déplorait «une perte d'attractivité liée aux spécificités du métier», indissociable selon elle de «la situation inédite de mise en concurrence du réseau de bus en Ile-de-France qui va toucher 18.000 salariés de l’entreprise en 2024».
De fait, de nombreux conducteurs de bus de la RATP – qui déplorent la baisse des recrutements, la hausse considérable du temps de conduite, la perte de 6 jours de repos ou encore la suppression d'une prime sur les horaires – dénoncent les changements déjà opérés sur leur quotidien, en perspective de cette mise en concurrence.
Et craignent donc d'être de plus en plus nombreux à se détourner de cette entreprise, pointant du doigt que lorsque la RATP a récupéré l'exploitation des bus de Paris-Saclay cet été, après l'ouverture à la concurrence des bus de grande couronne, 15 % des conducteurs de Transdev avaient démissionné.
Autre préoccupation de Catherine Guillouard : «la reprise des systèmes d'information indispensables au réseau». Qui coordonnera l'information voyageurs, la billettique ou encore les systèmes de sécurité demain, si plusieurs opérateurs – il y a 12 lots à gérer rappelons-le – se partagent désormais l'ensemble du réseau de bus, s'interroge-t-elle. Pour éviter la cohue, la région Ile-de-France a demandé à la RATP de conserver cette compétence. Mais ce n'est pas «prévu par la loi», assure l'ancienne DG de la RATP, pour qui cela pose des problèmes aussi bien techniques que juridiques.
L'organisation des JO en ligne de mire
Plus récemment encore, c'est la maire de Paris Anne Hidalgo qui s'est également inquiétée de l'ouverture à la concurrence, comme l'a dévoilé Le Parisien. Dans un courrier envoyé à la Première ministre Elisabeth Borne – qui a occupé le poste de directrice générale de la RATP entre 2015 et 2017 – l'édile parisienne réclame tout bonnement que «l'ouverture à la concurrence du réseau de bus soit réexaminée ou, à tout le moins, reportée bien au-delà du 1er janvier 2025».
Elle porte en effet la crainte que cette mise en concurrence ne perturbe les transports durant les JO de Paris 2024. «A l'approche des Jeux, je souhaite vous alerter sur les risques majeurs que fait peser la mise en œuvre de la mise en concurrence du réseau de bus sur l'offre de transports et sur l'organisation de ce grand événement», écrit-elle, anticipant ce qui pourrait «perturber bien en amont l'organisation et les relations entre IDFM, les opérateurs et les collectivités partenaires».
Alors que les grèves se sont succédé cette année, notamment sur le réseau RATP, l'adjoint à la mairie de Paris chargé de la construction publique et du suivi des chantiers Jacques Baudrier assure que dès le mois d'août 2024, «la situation sera évidemment bien pire qu'aujourd'hui», avec «la perspective de la mise en concurrence prévue au 1er janvier 2025».
La seule solution pour éviter que notre pays soit la risée du monde entier pendant les JO à cause de l'écroulement de son système de transport c'est de tout changer :
- arrêter immédiatement la mise en concurrence
- renflouer le système avec 1 milliard de recettes par an— Jacques Baudrier (@jacquesbaudrier) December 16, 2022
«Le réseau de bus de la RATP aura été divisé en 12 lots attribués à des concurrents choisis pour leur "compétitivité-prix", avec les salaires les plus bas possible», explique celui qui est également administrateur au sein d'IDFM. Selon lui, à cette date, «un maximum de conducteurs seront découragés» et auront donc démissionné et tous ceux venus assister au JO de Paris 2024 «auront bien du mal à trouver des bus».