Recouverte d'une immense publicité, La Madeleine cache un chantier d'envergure qui consiste à «redonner toute sa majesté» à la façade de cette église du XIXe siècle. Une opération estimée à 10 millions d'euros, dont 8 payés par les recettes publicitaires.
Dans quelques mois, d'ici à l'été 2023, l'église de La Madeleine, située sur la place du même nom dans le 8e, retrouvera son lustre d'époque, grâce à une restauration minutieuse du pronaos, terme grec qui signifie «l'espace situé devant le temple», particulièrement approprié pour cet édifice aux 52 colonnes. Un chantier «d'envergure» de 10 millions d'euros, pris en charge à 80 % par la publicité qui recouvre l'édifice religieux.
L'urgence du chantier
«Toucher 8 millions d'euros de recettes publicitaires a été la belle surprise de ce chantier», confie ce mercredi Karen Taïeb, l'adjointe à la mairie de Paris chargée du patrimoine, qui souligne que la perspective sur la rue Royale (8e), l'obélisque de la Concorde et l'Assemblée nationale, c'est «tout un univers en enfilade qui a dû plaire aux annonceurs». Une aide précieuse et bienvenue pour la Ville qui a la charge des édifices religieux mais non déterminante, tant le chantier était urgent.
Car selon l'élue, «il était grand temps» de se préoccuper de l'église de La Madeleine, tant celle-ci souffrait d'un manque d'entretien et d'une accumulation de rafistolages, parfois réalisées au ciment sur de la pierre de taille. En 1998, un étaiement – qui n'a pas bougé depuis – avait même été posé en support de la voûte, avant que, 20 ans plus tard, des filets de sécurité soient positionnés sur les chapiteaux corinthiens tout autour de l'église de crainte que les pierres ne tombent sur les passants.
«Dossier prévu puis mis en attente» selon les mots de l'adjointe chargée du patrimoine, rénover La Madeleine était sur la table depuis longtemps mais n'était pas perçu comme une priorité. Mais en 2018, lorsque Karen Taïeb est nommée adjointe, elle relance le projet et réussit à débloquer des fonds supplémentaires. «Elle est passionnée, c'est grâce à elle que ça a avancé», témoigne Jeanne d'Hauteserre, la maire du 8e arrondissement, qui raconte pourtant l'avoir réclamé dès 2014.
160 m3 de pierres à remplacer
Un chantier expérimental est alors conduit entre 2018 et 2019 sur une colonne particulièrement abîmée, permettant de valider les techniques préconisées pour la restauration de l'ensemble de la façade sud. Un projet ambitieux lancé en mai 2021, qui a déjà nécessité la pose de 7.000 m2 d'échafaudages ainsi que le nettoyage de 3.950 m2 de façades. Aujourd'hui et jusqu'au démontage de l'échafaudage, il s'agit de restaurer 16 des 52 colonnes et de leurs chapiteaux, avec le remplacement de 160 m3 de pierres.
#Paris Un «chantier herculéen» particulièrement minutieux est en cours pour «redonner toute sa majesté» à La Madeleine. Tailleurs de pierre et sculpteurs aux méthodes quasi ancestrales s’appliquent à redessiner les formes imaginées à la construction de l’église entre 1808 et 1842 pic.twitter.com/Cx6WwkKLae
— Pauline Landais-Barrau (@PaulineLdB) September 28, 2022
Pour cela, c'est l'entreprise Degaine, filiale de Vinci constructions spécialisée dans la restauration de bâtiments historiques et en pierre de taille, qui a été choisi pour mener les travaux et déterminer si telle ou telle pierre doit être remplacée. En renfort, une équipe d'experts composée d'une dizaine de tailleurs de pierre et presque autant de sculpteurs de l'Atelier Jean-Loup Bouvier – déjà présent sur le chantier de La Samaritaine – vient prêter main forte.
Ensemble, ils travaillent d'énormes blocs de pierres qui proviennent des carrières de l'Oise, celles-là mêmes qui ont servi à construire La Madeleine entre 1808 et 1842, et pèsent souvent pas loin de 2 tonnes. Et si cette restauration manuelle concentre les plus gros efforts et «la plus grosse partie du budget» selon Karen Taïeb, c'est bien toute la façade sud qui sera rénovée, «y compris les grilles, l'escalier monumental, la porte en bronze, le sol en marbre, les statues, la voûte et le fronton» d'ici à la livraison du chantier à l'été 2023.
Quid du reste de l'édifice, davantage épargné que la partie frontale mais tout autant noirci par la pollution ? «Il faudra envisager une nouvelle restauration dans les prochaines années», concède l'adjointe chargée du patrimoine, qui aimerait désormais s'attaquer à «la façade nord du côté de la rue Tronchet». Mais chaque chose en son temps. En attendant, La Madeleine aura fière allure pour les Jeux Olympiques de Paris 2024.