Depuis l’annonce d’un possible amendement dans le texte du financement de la Sécurité sociale pour faire passer la réforme des retraites, les réactions se multiplient pour signifier la défiance envers cette manœuvre. Pour quelles raisons ?
L’hypothèse prend de l’épaisseur. Pour accélérer la mise en place de la réforme des retraites, sujet brûlant de la rentrée politique, Emmanuel Macron a indiqué la semaine dernière que le gouvernement pourrait glisser le texte via un amendement dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui doit être examiné dès la fin septembre. Une possibilité qui a soulevé de nombreuses oppositions, même dans les rangs de la majorité.
Ce choix, s’il est retenu, permettrait de répondre au besoin de rapidité, martelé sans cesse par l'exécutif. Le but est que la réforme soit active dès l’été prochain. «Si on a l’opportunité d’aller vite, alors allons vite», décrivait vendredi sur CNEWS Aurore Bergé, cheffe du groupe parlementaire Renaissance (ex-LREM).
Cherchant à désamorcer le conflit électrique qui se profile, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a défendu sur CNEWS cette possibilité d’amendement en pointant un «choix qui appartient au président de la République et à la Première ministre, et dès que vous passez par la loi, ce n’est pas un coup de force, c’est un choix démocratique de la majorité élue par le peuple français».
Une précision qui peine à convaincre, même au sein du camp Macron. François Bayrou, président du MoDem et membre distingué de la majorité, a ainsi mis en garde ce week-end contre un «passage en force sur les retraites». «Si on se lance dans cette voie-là, alors nous sommes certains de coaliser d'abord les oppositions entre elles, puis de diviser la société française», a-t-il alerté.
Depuis 30 ans, une réforme par une loi propre
Cette réticence jusqu’à son propre clan peut s’expliquer par l’aspect inédit de ce possible passage par amendement. Depuis 30 ans, chaque grande réforme sur les retraites est passée par une loi qui lui était propre (1993, 2003, 2010, 2013). D’ailleurs, c’est sous cette forme traditionnelle qu’Emmanuel Macron avait entamé le processus lors du premier quinquennat, avant que le Covid-19 ne s’en mêle.
Changer de méthode provoquerait automatiquement la perception que le texte a été imposé, sans échanges ou «confrontation des points de vue pour convaincre et entraîner», a également pointé François Bayrou. D’autant que le PLFSS permettrait d’utiliser le 49.3, sans passer par un vote. Il a aussi souligné un aspect plus technique du problème, en affirmant qu’une réforme des retraites n’était «pas budgétaire» mais «de société». Dès lors, sa place au sein du texte sur le financement de la Sécurité sociale ne serait pas logique.
Un amendement pas à sa place ?
«Dans une vraie réforme des retraites, il y aurait le report de l’âge d’ouverture des droits, la question du taux plein et du nombre d’annuités, la convergence des régimes sociaux, le cumul emploi-retraite, etc. Mais ces sujets ne relèvent pas tous du PLFSS», a ainsi confirmé au Figaro Catherine Deroche, présidente LR de la commission des affaires sociales du Sénat.
Passage en force, sensation du manque de concertation, problème du texte dans lequel l’amendement serait introduit… La manœuvre gouvernementale, si elle venait à être réellement appliquée, donne de nombreux angles d’attaque aux oppositions. Celles-ci se sont déjà largement emparées du sujet, du Rassemblement national à l’extrême gauche.
Les syndicats ont aussi annoncé être très attentifs au sujet. Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, qui a pourtant annoncé ne pas prendre part à la manifestation appelée par la CGT le 29 septembre, a néanmoins prévenu qu’en cas de passage via le PLFSS, «avec les autres organisations syndicales (…) on réagira ensemble, on réagira par tous les moyens qui sont ceux du mouvement syndical». Il a aussi prévenu que la CFDT se retirerait alors «des discussions sur tous les sujets» et notamment du Conseil national de la refondation.