Pour lutter contre le démarchage téléphonique lié au Compte personnel de formation (CPF), les députés ont adopté une proposition de loi ce jeudi 6 octobre.
Que ce soit par mail, par SMS ou par téléphone, les Français sont massivement sollicités pour utiliser les crédits figurant sur leur Compte personnel de formation (CPF). Pour empêcher cette insistance, parfois proche du harcèlement, l'Assemblée nationale a adopté, jeudi 6 octobre, une proposition de loi visant à interdire le démarchage commercial des titulaires du CPF.
Le texte de loi, porté par les députés Bruno Fuchs (MoDem), Thomas Mesnier (Horizons) et Sylvain Maillard (Renaissance), a été adopté en première lecture à l'unanimité des 73 votants. Il prévoit d'interdire «toute prospection commerciale» liée au CPF «par téléphone», «courrier électronique» ou via les réseaux sociaux. Il s'agit de protéger aussi bien les données personnelles que les crédits de formation des Français.
#DirectAN : La proposition de loi de @bruno_fuchs contre la fraude au #CPF est adoptée à l'unanimité !
"Le texte prohibe tout démarchage d'un titulaire de CPF. Ce sera passible de 75000€ d'amende pour les personnes physiques et 375000€ pour une personne morale." pic.twitter.com/lo5zOn1XMf— MoDem (@MoDem) October 6, 2022
Tout manquement serait passible d'une amende pouvant aller jusqu'à «75.000 euros pour une personne physique» et «375.000 euros pour une personne morale». Le texte n'a pas vocation à «interdire aux entreprises de faire la promotion de leurs formations», a insisté Bruno Fuchs, rapporteur du texte. «Il s'agit de revenir aux fondamentaux : c'est le titulaire du compte qui décide de sa formation et qui prend la décision de contacter un organisme».
Cette proposition de loi n'interdit toutefois pas tous les démarchages d'organismes de formation, ce qu'a regretté la députée écologiste Delphine Batho. Elle a plaidé pour proscrire tout démarchage téléphonique sans consentement explicite, mais le texte adopté ne concerne finalement que les organismes mentionnant clairement l'éligibilité d'une formation via le CPF.
Quoi qu'il en soit, l'objectif est de voir progressivement les sollicitations indésirables réduire. «Ça ne va pas tarir immédiatement le flux mais les amendes et le risque d'une procédure seront assez dissuasifs», veut croire Bruno Fuchs.
La fraude a augmenté en 2021
Le CPF, qui existe depuis le 1er janvier 2019, permet à toute personne active d'acquérir des droits à la formation en euros et non plus en heures, via une plateforme en ligne. C'est la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui rémunère directement les sociétés de formation, parfois des coquilles vides cherchant à siphonner de l'argent public.
En près de trois ans, 5 millions de personnes ont été formées pour un coût total de 7 milliards d'euros, selon la CDC. En juillet dernier, la cellule de renseignements financiers de Bercy, Tracfin, a indiqué que la fraude a fortement augmenté en 2021. Les déclarations de soupçons transmises ont grimpé à 116, contre seulement 10 en 2020. Cela représente des soupçons de fraude de 43,2 millions d'euros, contre 7,8 millions une année auparavant.
En ce sens, la proposition de loi adoptée jeudi prévoit aussi de sécuriser juridiquement «les échanges d'informations entre la CDC, France compétences, les services de l'État chargés de la concurrence, de la répression des fraudes et des contrôles de la formation professionnelle».
Un amendement spécifique octroie par ailleurs à la CDC la possibilité de recevoir de l'administration fiscale tous les «documents ou renseignements nécessaires» au contrôle préalable du paiement «des sommes dues», et «au recouvrement des sommes indûment versées» au titre d'un compte personnel de formation.
«Un signal politique clair»
Un autre lui attribue également le pouvoir «d'intervenir directement» pour «obtenir un recouvrement forcé», sans passer par le tribunal administratif, où les délais sont trop longs.
Pour garantir la qualité des formations, un amendement du gouvernement exige des sous-traitants d'une entreprise de formation qu'ils observent les mêmes exigences que l'entreprise qui a été agréée au CPF. Selon Bruno Fuchs, cela doit notamment permettre d'éviter que certains «louent leur certifications auprès d'opérateurs peu scrupuleux». Cette disposition devra néanmoins être précisée par décret, en Conseil d'Etat.
Le député estime que ce texte, qui doit désormais passer devant le Sénat, envoie «un signal politique clair». En juillet le directeur de Tracfin, Guillaume Valette-Valla, avait toutefois souligné qu'une partie de la fraude ne serait sans doute pas résolue par l'interdiction du démarchage.
Il expliquait alors que les méthodes ont évolué et que les réseaux se sont nettement professionnalisés. Ils comptent désormais des organisations criminelles transnationales, notamment en dehors de l'Union européenne.