Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin est omniprésent sur la scène médiatique cet été. Si son agenda suit les faits d’actualité, il semble également répondre à d’autres stratégies.
La période est aux vacances pour le gouvernement, mais il est un ministre qui semble plus que jamais sur la brèche. Gérald Darmanin, à l’Intérieur, multiplie les sorties et les prises de parole, sur de très nombreux sujets. Expulsion des délinquants étrangers, agression de policiers, lutte contre les rodéos urbains, contre l’islamisme, opposition au vote des étrangers, déplacement sur les lieux d’incendie... La liste s’allonge au fil de l’été.
En considérant que ces thèmes sont ceux qui font l’actualité estivale, l’omniprésence de Gérald Darmanin pourrait donc s’expliquer tout simplement : il se calque aux événements inhérents à son ministère. Quoi de plus évident qu’un ministre de l’Intérieur intervenant sur des questions de délinquance et de sécurité ? En été, les faits divers sont particulièrement repris par les médias. Lorsqu’ils sont marquants, un débat de société en ressort souvent. C’est le cas actuellement concernant les rodéos urbains, l’expulsion d’un imam séparatiste ou des incendies.
En avant-garde de l'exécutif
Gérald Darmanin est d’autant plus mis en avant qu’à l’exception de la Première ministre Elisabeth Borne, mobilisée ce jeudi pour se rendre en Gironde où les immenses feux de forêts ont repris, aucun autre ministre du gouvernement ne cherche à se saisir d’un de ces sujets. Cela pourrait par exemple être le cas d’Eric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, qui pourrait traiter de la question des expulsions ou des peines jugées trop «souples» contre les délinquants.
La présence du ministre de l’Intérieur sur le devant de la scène permet aussi de montrer que l’exécutif se saisit des problèmes que sont l’insécurité, le séparatisme ou l’immigration, sur lesquels Emmanuel Macron est régulièrement critiqué pour son inaction et Elisabeth Borne peu à l’aise. «Il est normal que le ministre de l’Intérieur intervienne sur ces sujets régaliens. Cela évite de surexposer la Première ministre ou le président», analyse ainsi le politologue Arnaud Benedetti.
Stratégie à risque
Sa large présence sur de multiples sujets et sa propension à lancer des formules chocs (la «double peine» pour les délinquants étrangers) ont aussi comme avantage d’imposer de nouvelles thématiques médiatiques, en tournant la page d’épisodes moins favorables. Gérald Darmanin vient en effet de traverser une période délicate, avec le fiasco sécuritaire de la finale de la Ligue des champions et les innombrables critiques dont il a été victime et a eu peine à se défendre.
Gare cependant à ne pas se faire à nouveau piéger. «Gérald Darmanin est là pour capitaliser sur son discours de fermeté, mais il est parfois contredit par l’actualité, avec une absence de résultats sur le terrain», indique Arnaud Benedetti. «Dans ce cas-là, il pourrait aussi être un fusible à faire sauter».
Une ambition personnelle ?
Certains commentaires laissent entendre que le pensionnaire de l’hôtel Beauvau a aussi pour volonté de poser les premières pierres d’une ambition à long terme. Profiter de l’été pour affirmer sa posture et son image. «Nicolas Sarkozy est son mentor, il se met dans ses pas», rappelle d’ailleurs Bruno Cautrès, politologue et chercheur au Cevipof. Une façon de justifier pourquoi, comme l’ancien président lorsqu’il était également un ministre de l’Intérieur très actif, Gérald Darmanin «veut toujours montrer qu’il est présent».
Et le spécialiste de reconnaître qu’il y aura «un choc des personnalités emblématiques du gouvernement à la fin du quinquennat», lorsqu’Emmanuel Macron se retirera du jeu présidentiel. Face à un Bruno Le Maire (ministre de l’Economie) particulièrement en vue et apprécié, Gérald Darmanin cache peut-être la volonté de ne pas laisser la place.
Une tactique gouvernementale ?
D’autres y voit une tactique délibérée de la part de l’exécutif, qui, en donnant le champ libre à Gérald Darmanin sur des thèmes qui plaisent à la droite, anticiperait d’éventuels futurs accords politiques. Il s’agirait donc de «draguer» les élus, en particulier les députés, en vue d’un rapprochement à l’Assemblée nationale, à la rentrée. Le ministre s’est d’ailleurs montré très offensif contre la Nupes et les Insoumis à propos de la polémique sur l’imam Hassan Iquioussen, estimant sur CNEWS que le fait «qu’on puisse le défendre au sens de la liberté d’expression me signifie l’état de décomposition intellectuelle qu’a l’extrême-gauche, LFI, sur ce point». Il a même estimé que le député insoumis David Guiraud «déshonore une partie de la représentation nationale» en prenant sa défense.
«Il y a en ce moment une accroche avec la droite, avec des thèmes qui représentent une passerelle», estime Bruno Cautrès, tout en refusant d’y voir la volonté d’une association. «Il est beaucoup trop tôt pour dire si un accord pourrait avoir lieu dans le futur», prévient-il. Un analyse reprise par Arnaud Benedetti, qui estime que «Les Républicains n’ont pas intérêt à se faire les supplétifs de la majorité».
La tactique, si c’en est une, ne semble en tout cas pas fonctionner avec le Rassemblement national. Thierry Mariani, eurodéputé RN, expliquait ainsi sur CNEWS que «depuis deux ans, la principale activité de Gérald Darmanin est soit de faire des tweets pour dire "je condamne" soit de faire des déclarations pour dire "ce n'est pas normal"».