Ce mardi 9 août marque le 40e anniversaire de l'attentat de la rue des Rosiers, commis en 1982, à Paris. L'enquête se poursuit aujourd'hui encore pour faire toute la lumière sur cette attaque qui a fait 6 morts et 22 blessés.
Quarante ans après l'attentat de la rue des Rosiers, le 9 août 1982 dans le quartier juif de Paris, la justice française ne dispose que d'un seul suspect, qui clame son innocence. Extradé par la Norvège en décembre 2020, Walid Abdulrahman Abou Zayed a été mis en examen et incarcéré pour assassinats et tentatives d'assassinats.
Il est soupçonné d'être l'un des tireurs qui, ce soir-là, ont fait exploser une grenade dans le restaurant Jo Goldenberg, situé dans le quartier du Marais, avant d'ouvrir le feu. Six personnes ont été tuées lors de l'attaque et 22 autres ont été blessées. Depuis, l'attentat a été attribué au Fatah-Conseil révolutionnaire (Fatah-CR) d'Abou Nidal, un groupe palestinien dissident de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP).
Présenté comme un «Palestinien militant», le suspect, Abou Zayed, assure qu'il n'était pas en France au moment des faits. Selon son avocat, Me Romain Ruiz, il ne serait même jamais entré sur le territoire français. Il a toutefois attiré l'attention des juges d'instruction en raison d'omissions, d'imprécisions et même de contradictions relevées lors de ses différents interrogatoires, notamment concernant son parcours au début des années 1980.
Né en 1958 près de Jenine, en Palestine, Abou Zayed aurait adhéré au Fatah en 1981. Il raconte avoir été envoyé dans un camp d'entraînement en Syrie et avoir séjourné au Liban de 1982 à 1983. Deux enfants sont nés de son mariage en 1985 et il a émigré en Norvège en 1991. Il n'a plus quitté le pays jusqu'à son extradition.
Pour Me Ruiz, son passage en Syrie ne prouve en rien sa culpabilité puisque «tous les Palestiniens militants» apprennent le maniement des armes. Mais les juges d'instruction s'appuient également sur des notes du renseignements et sur trois témoins. Ces derniers, interrogés entre 2011 et 2015, se présentent comme des anciens membres d'Abou Nidal. Deux désignent Abou Zayed comme un membre du commando et l'un d'entre eux, sous couvert d'anonymat, le décrit même comme un «exécutant très important de 1977 à 1984» au sein de l'organisation.
D'autres suspects identifiés
Mes Bruno Gendrin et Romain Ruiz, les avocats du suspect, mettent en doute cette version. Selon eux, la poursuite de leur client «répond à un pur fantasme judiciaire, celui de découvrir une vérité qui s'est depuis longtemps perdues dans les limbes de l'Histoire [...] La justice antiterroriste ne consiste pas à faire plaisir à la société, aux victimes ou à leurs ayants droit, elle est là pour mettre de la raison là où il n'y en a plus», insistent-ils.
La chambre de l'instruction, qui a validé la mise en examen d'Abou Zayed, estime néanmoins que l'ancienneté des faits «ne suffit pas» à discréditer les récits des trois témoins, qui s'avèrent «concordants». Les juges poursuivent par ailleurs leurs recherches et pensent avoir identifié trois autres suspects. Deux sont localisés en Jordanie, dont le cerveau présumé de l'attentat, et un troisième en Cisjordanie. La Jordanie a toutefois refusé à plusieurs reprises leur extradition et, selon Me Avi Bitton, avocat de parties civiles, les chances qu'ils soient un jour remis à la France sont «très minces».
Le 40e anniversaire de l'attaque doit être commémoré ce mardi, en présence du ministre de la Justice. Les avocats des parties civiles veulent en profiter pour appeler les autorités françaises et internationales à des actions concrètes pour faire exécuter ces mandats d'arrêt en suspens. Dans le Journal du Dimanche, Mes Ariel Goldmann, Alain Jakubowicz, David Père et Francis Szpiner ont jugé qu'il est «indispensable que les victimes de cet attentat puissent être reconnues dans leur statut de victimes d'acte de terrorisme».
Ils ont également rappelé que, le 17 juillet dernier, à Pithiviers, lors des commémorations de la rafle du Vel d'Hiv, «le président de la République [...] a redit sa détermination à lutter contre l'antisémitisme». Or, ils estiment que «le procès des assassins de la rue des Rosiers en fait partie».