Invitée sur France Bleu ce mardi, Elisabeth Borne a répondu à une auditrice insatisfaite des conditions d'attribution de l'Allocation adultes handicapés. La Première ministre a été vivement critiquée par certains observateurs pour avoir suggéré à cette personne en fauteuil roulant de reprendre le travail.
«Technocrate brutale», «insensible», échange «glacial» : l'intervention d'Elisabeth Borne sur les ondes de France Bleu, ce mardi 7 juin, a suscité de vives réactions, notamment à gauche. La Première ministre a eu l'occasion d'échanger avec une auditrice, Dolores, qui a expliqué être en fauteuil roulant après «un très grave accident». Elle souhaitait interpeller la ministre sur l'Allocation adultes handicapés (AAH).
«Je me retrouve en fauteuil, je ne peux plus travailler. J'ai fait la demande d'AAH mais, dans la mesure où mon époux touche 1.800 euros, malgré un loyer de 1.000 euros à Nice on me dit que j'ai le droit à rien car on dépasse les plafonds. Sans mon époux, je serais à la rue», a développé l'auditrice.
Dolores, handicapée interpelle @Elisabeth Borne
sur l'Allocation aux adultes handicapés dans #MaFrance
avec @WendyBouchard sur @francebleu #deconjugalisation #proximité pic.twitter.com/pW3AGz2kxp— France Bleu (@francebleu) June 7, 2022
Dolores pointait ici le problème de la conjugalisation de l'AAH, une allocation destinée à compenser l'incapacité de travailler, mais qui est calculée en tenant compte des revenus du conjoint. Certaines personnes bénéficiaires perdent ainsi leur allocation en se mariant, ou se voient refuser l'aide lorsqu'elles le sont déjà, ce qui empêche toute indépendance financière.
«J'entends votre émotion Dolores et je pense qu'il faut absolument qu'on puisse vous trouver une solution, a commencé par répondre Elisabeth Borne, avant de rappeler qu'il existe «des aides pour (la) vie courante» qui «ne sont pas du tout sous condition de ressources».
Puis, la ministre a enchaîné en suggérant un accompagnement pour «peut-être reprendre une activité professionnelle». «J'imagine que c'est quelque chose que vous pourriez souhaiter et il y a des structures dont c'est la responsabilité», a-t-elle indiqué.
Une auditrice en larmes
Une proposition qui a semble-t-il heurté l'auditrice. «J'adore quand madame la Première ministre dit de reprendre une vie professionnelle. Vous savez quand vous arrivez en fauteuil roulant...», a commencé Dolores, avant de fondre en larmes.
«J'entends votre émotion, a répété Elisabeth Borne. Je pense qu'il ne faut pas considérer que les employeurs doivent fermer la porte à des personnes en fauteuil roulant. Mais peut être que ce n'est pas le moment de parler de cette hypothèse de reprise de l'activité professionnelle. Il faut déjà vous accompagner.»
Technocrate brutale, E. Borne humilie par erreur ou par goût ? 1 million d'allocataires chômage savent qu'elle leur a fait les poches. Ici, elle humilie une femme en fauteuil. https://t.co/nr9XMnzVNl
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) June 7, 2022
Élisabeth Borne, techno dans toute sa splendeur : "Vous êtes handicapée, Madame ? Reprenez le boulot !"
Déconjugaliser l'AAH, c'est simplement permettre aux personnes handicapées de se marier, de vivre en couple, un droit au bonheur. https://t.co/ChQfMo7Uon— François Ruffin (@Francois_Ruffin) June 7, 2022
Un échange que certains observateurs ont jugé choquant. Sur Twitter, plusieurs membres de l'opposition, notamment à gauche, ont vivement réagi. Le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a par exemple qualifié Elisabeth Borne de «technocrate brutale», se demandant si elle «humilie par erreur ou par goût».
Le député Insoumis François Ruffin évoque lui aussi une «techno dans toute sa splendeur». «"Vous êtes handicapée, Madame ? Reprenez le boulot !"», a-t-il singé. Tout comme Fabien Roussel (PCF), qui juge Elisabeth Borne «insensible», il a ensuite pris position en faveur de la déconjugalisation de l'AAH : «C'est simplement permettre aux personnes handicapées de se marier, de vivre en couple, un droit au bonheur».
En octobre 2021, la majorité présidentielle avait rejeté l'individualisation de l'Allocation adultes handicapés des personnes en couple, au terme d'un débat mouvementé. A l'époque, l'opposition, de LR à LFI, réclamait déjà à l'unisson cette déconjugalisation. Mais LREM invoquait une mesure inéquitable, car bénéficiant sans distinction aux modestes comme aux fortunés.
Pourtant, lors de sa campagne pour l'élection présidentielle, Emmanuel Macron a fait marche arrière : «on doit bouger sur ce point, avait-il affirmé. Il faut avoir un revenu qui n'est pas conditionné et qui permette d'accompagner», sans «couperet» car «c'est absurde».
Des propos qu'Elisabeth Borne a finalement rappelé face à cette auditrice de France Bleu. «On sait par ailleurs qu'il y a la situation du conjoint et l'impact que ça peut avoir sur l'Allocation adultes handicapés. Le président de la République l'a évoqué au cours de la campagne, donc on va regarder ce sujet».