Les problèmes persistent au sujet de la problématique gestion des terrasses dites «estivales», et ce, alors même qu'il n'y a eu, à ce jour, que 2.600 autorisations délivrées par la municipalité parisienne. Soit près de 5 fois moins que pendant la crise sanitaire.
Comment expliquer que les terrasses estivales – autorisées sur dossier par la Mairie de Paris du 1er avril au 31 octobre – soient sources de conflit entre les gérants des bars et restaurants, les riverains et les autorités publiques, alors même que leur nombre est en nette baisse par rapport aux années précédentes ?
«Ils rajoutent tous une rangée de chaises»
«Les gens sont remontés, parce qu'ils comprennent et constatent les infractions. Avant, on ne connaissait ni l'existence du RET [Règlement des étalages et terrasses, ndlr], ni les règles. Aujourd'hui, il y a une prise de conscience des Parisiens, qui se sont montés en collectifs», explique un riverain de l'avenue Trudaine (9e), qui s'exprime au nom du Collectif Trudaine.
Lui assure que l'exemple de l'avenue Trudaine est à l'image de ce qu'il se passe partout ailleurs dans Paris. «Ces cinq dernières années, douze commerces de proximité ont fermé et ont été remplacés par des bars», témoigne-t-il, expliquant que «le prix des baux commerciaux explose», et qu'«aucun autre commerce n'est capable de brasser autant d'argent que les bars et les restaurants».
D'autant plus que les bistrotiers seraient, selon lui, nombreux à abuser : «avenue Trudaine, vous avez 400 m2 de terrasses légales, et 100 m2 de terrasses illégales. En gros, ils rajoutent tous une rangée de chaises. Sauf qu’aujourd’hui, ils ne risquent qu'une amende de 135 euros, mais une chaise c'est 100 à 150 euros par soir. Dix chaises, c'est 1.500 euros en plus pour la soirée».
Le toit de la HONTE et de l’impuissance publique #saccageparis #paris9.
Le cabinet d’@OliviaPolski a promis le 4 Mai de faire le ménage square d’Anvers. Rien n’a changé: danger piétons et serveurs, musique les mercredis, stationnements squattés, rangements 1h du matin! pic.twitter.com/mhXMQXnKpA— Collectif Trudaine (@CTrudaine) May 31, 2022
Sauf que c'est là que le bât blesse selon lui. «Le problème, c'est que plus vous avez de place, plus il y a du monde qui s’agglutine, et plus il y a du bruit. Et puisque personne ne respecte la fermeture à 22h, c'est le chaos qui s'installe», déplore ce membre du Collectif Trudaine, qui compte désormais plus de 180 riverains.
«ils jettent l’opprobre sur l'ensemble de la profession»
Pour Frank Delvau, le président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) Ile-de-France, le gros problème c'est que «ces associations de riverains confondent les terrasses estivales, qui doivent fermer à 22h, et les terrasses annuelles, qui ont l'autorisation de rester ouvertes jusqu'à 2h du matin».
«Ce qu'ils ne comprennent pas, c'est que nous n'avons jamais soutenu les gérants qui abusent. Et eux ont jeté l’opprobre sur l’ensemble de la profession, pour quelques-uns qui ne respectent pas les règles. Nous n'avons aucune autorité de dire ce qu'il faut faire ou ne pas faire, ou de décider qui doit fermer».
Ce professionnel du milieu – qui regrette que seules environ 3.000 autorisations aient été délivrées contre 12.000 les années précédentes – estime que «c'est à la municipalité parisienne, à la police municipale et à l'Etat», le cas échéant, d'agir pour réguler.
Un modèle économique en jeu
Réguler, c'est justement la solution proposée par le groupe des élus écologistes au Conseil de Paris, qui ont déposé un vœu ce mercredi 1er juin pour une refonte du règlement des terrasses estivales, en raison des nuisances, notamment sonores. Un vœu rejeté, notamment pas l'exécutif parisien allié des Verts.
Eux réclamaient entre autres «la mise en place de règles d’adéquation entre le nombre de places disponibles en intérieur et en extérieur», «une réduction de la période d’autorisation pour les terrasses estivale du 1er mai au 31 octobre pour donner plus de temps aux services d’étudier les demandes», ainsi que le déploiement de «capteurs méduses», afin de mesurer le bruit «dans les rues où les terrasses estivales sont les plus nombreuses».
«Heureusement que le vœu des Verts n'est pas passé», s'est quant à lui félicité Frank Delvau, pour qui contraindre les bars et restaurants à ne pas mettre davantage de places en extérieur qu’en intérieur est «grave». «Cela remet en cause le modèle économique de beaucoup d'établissements, dont la plupart sont extrêmement respectueux des règles», avance-t-il.
3.500 verbalisations depuis le 1er avril
De son côté, Olivia Polski, l'adjointe à la mairie de Paris chargée du commerce, a réitéré son engagement de «faire un bilan» à la fin de l'année, soulignant que «2.600 autorisations [avaient] été délivrées à ce jour», contre 12.000 terrasses éphémères pendant la crise sanitaire.
Et si «bien sûr, des abus ont été constatés», affirme l'élue, cette dernière a également reconnu l'existence de «secteurs sensibles» sur lesquels la municipalité allait «concentrer [ses] efforts».
Pour preuve, «3.500 verbalisations» ont été faites depuis l'ouverture de la saison le 1er avril dernier, annonce-t-elle, ajoutant que «400 procédures de démontage» avaient également été mises en place. «C'est évidemment plus long et c'est très dissuasif», a-t-elle assuré.