Plusieurs mesures fortes du programme de Marine Le Pen passent par une réforme de la Constitution que la candidate veut faire voter par un référendum. Comment compte-t-elle y parvenir ? En a-t-elle les moyens juridiques et politiques ?
Lors d'une conférence de presse à Vernon (Eure) dédiée à la réforme des institutions, Marine Le Pen avait déclaré vouloir modifier de la Constitution pour y faire entrer le principe de «priorité nationale», la primauté du droit national sur le droit international ou encore le référendum d'initiative citoyenne.
Pour ce faire, la candidate souhaite soumettre directement aux Français une révision constitutionnelle, via un référendum. Cependant, plusieurs obstacles juridiques ou politiques risquent de lui compliquer la tâche.
En effet, l'article 89 de la Constitution prévoit qu'un projet de révision constitutionnelle doit d'abord être validé «dans des termes identiques» par l'Assemblée nationale et le Sénat, avant d'être voté en Congrès (députés et sénateurs réunis) ou bien soumis à référendum.
les deux chambres nécessaires pour changer la constitution
Pour pouvoir modifier la Constitution, Marine Le Pen devrait donc s'assurer une majorité aux élections législatives de juin prochain et obtenir le soutien du Sénat, actuellement dominé par la droite. Un scénario peu probable.
«C'est beaucoup plus sain que ce soit le peuple qui vote», plutôt que «les deux chambres», assure Marine Le Pen. Mais dans la Constitution, seul l'article 11 permet de soumettre un texte de loi directement aux Français. Or celui-ci ne peut porter que sur trois thèmes bien définis : l'organisation des pouvoirs publics, la politique économique, sociale ou environnementale et la ratification d'un traité international. L'article 11 exclut donc toute révision constitutionnelle.
Un précédent De Gaulle ?
S'il est impossible de modifier la Constitution sans passer par le Parlement, pourquoi Marine Le Pen assure-t-elle qu'elle peut le faire ? Peut-être à cause du précédent De Gaulle, note Philippe Blacher, professeur de droit public à l'université de Lyon 3.
En 1962, le général avait en effet «détourné» l'article 11 pour demander aux Français si le président de la République devait être élu au suffrage universel.
«Le Conseil d'Etat avait rendu un avis négatif, le Conseil constitutionnel était bien embarrassé... mais ce n'était pas le même contexte, c'était de Gaulle», indique à l'AFP Philippe Blacher. Depuis, les choses ont bien changé. Le Conseil d'Etat a établi que l'article 11 ne pouvait plus être utilisé pour modifier la Constitution et aucun autre président n'a essayé depuis.