C'était il y a dix ans jour pour jour. Le 19 mars 2012, le jihadiste Mohamed Merah tuait à l'école juive Ozar Hatorah de Toulouse un enseignant, Jonathan Sandler, 30 ans, et ses fils Arié et Gabriel, 5 et 4 ans, devant l'établissement. Puis, dans la cour de l'école, il abattait froidement la fille du directeur, Myriam Monsonego, 7 ans. Alors lycéen, Jonathan Chetrit est témoin de l'horreur.
Jonathan Chetrit a ainsi 17 ans ce jour-là, et, comme de nombreux camarades, il assiste impuissant à l'innommable. Aux morts, s'ajoutent les blessés, parmi lesquels un lycéen de 15 ans grièvement atteint.
Les blessures physiques se conjuguent aussi aux traumatismes psychiques et ces maux, Jonathan Chetrit a entrepris de les coucher sur le papier, en mots.
En 2020, le jeune homme décide ainsi de contacter ses anciens camarades. Il leur demande de se souvenir de ce funeste 19 mars. Ces derniers répondent à l'appel et lui envoient un décompte quasi minute par minute du drame.
«Un besoin de se livrer»
«J’avais cette envie, et il y avait aussi un besoin de la part des élèves de se livrer enfin, de raconter ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils ont ressenti et aussi de parler de leur reconstruction au cours des dix dernières années», a-t-il témoigné à CNEWS.
Et de ces paroles, est né un livre : «Toulouse 19 mars 2012, l’attentat de l’école Ozar Hatorah par ceux qui l’ont vécu» (Ed. Albin Michel). Une oeuvre vers le chemin de la résilience, non de l'oubli.
Dix ans après la tragédie, Jonathan Chetrit est d'ailleurs fier d’être resté en France. Une forme de revanche sur le terroriste qui voulait sa mort.
«Avec cet acte, (Mohamed Merah) avait l’envie de transmettre un message en disant "vous n’êtes pas à votre place et vous n’avez rien à faire ici" et moi, en restant, je voulais lui prouver qu’il avait tort», confie en effet le jeune écrivain.
Un traumatisme qui persiste
Pour autant, le traumatisme reste toujours bien présent. «Je ne me sens pas en sécurité dans le métro, j’évite les transports en commun, je fais attention dans la rue aussi. Cela peut paraître bête, mais dès qu’un scooter passe je peux pas m’empêcher de penser à ce 19 mars». Une référence claire à Merah que l'on avait surnommé «le tueur au scooter».
Le fait que le nom de Mohamed Merah, médiatisé à outrance au point d'être systématiquement accolé aux attentats de Toulouse et Montauban, constitue du reste pour Jonathan Chetrit un immense regret.
«Trop souvent on a rappelé son nom, l’affaire porte son nom. C’est une des seules affaires où on parle du tueur. On parle de l’affaire Ilan Halimi, Sarah Halimi, Mireille Knoll, de l’affaire du Bataclan, de celle de l’Hypercacher, Charlie Hebdo mais on parle de l’affaire Merah», souligne-t-il, à juste titre.
Le dire permet d'en prendre conscience. Et raconter l'horreur de ce 19 mars 2012 permet un peu de cicatriser les maux. De son côté, l'école Ozar Hatorah de Toulouse a elle changé de nom et est connue aujourd'hui comme «Ohr Torah», «Lumière de la Torah». Pour que la lumière éclaire les ténèbres et tenter de tourner la page.