Dans son édito de ce mercredi 16 février, Eugénie Bastié, journaliste au Figaro, évoque la situation d'Emmanuel Macron, en position de force dans les sondage d'intentions de vote pour l'élection présidentielle.
Emmanuel Macron est depuis la rentrée de janvier 2022 confortablement installé dans son fauteuil de Zeus, regardant depuis l’Olympe les pauvres mortels candidats à la présidentielle s’entretuer comme Grecs et Troyens. La crise diplomatique a pris le relais de la crise sanitaire pour donner au président de la hauteur. Le jeu est bloqué entre deux primaires à gauche et à droite pour savoir qui va l’affronter.
C’est la « tentation de la réélection implicite » qui guette le président, comme le résume dans une belle formule mon confrère Tristan Quinault Maupoil dans Le Figaro. Comme si la campagne ne le concernait même pas, il enchaîne les grands projets enjambant l’élection : la hausse du budget de la sécurité de 5 milliards, la relance du nucléaire, les investissements de France 2030, la présidence française de l’UE. Un de ses ministres ose même hasarder l’hypothèse selon laquelle le président ne prendrait même pas la peine de se déclarer. Hypothèse fumeuse bien sûr, mais qui en dit long sur le confort dans lequel se situe la macronie.
Avec la crise des gilets jaunes, puis du Covid, Emmanuel Macron est passé du candidat révolutionnaire de 2017 au président gestionnaire, alternant entre Jupiter regardant de haut et Père Noël distribuant des chèques.
« Les projets, les propositions, ça n’accroche pas.. c’est une campagne Tefal », disait Brice Teinturier il y a une quinzaine de jours. On y est encore : aucun thème n’arrive à s’imposer dans l’actualité du fait de l’absence du président de la République dans les débats. C’est dommage, car l’élection présidentielle est en France une vraie occasion de conversation démocratique où, tous les 5 ans, le peuple français confronte des visions du monde et choisit un cap pour la France. Là, les débats se réduisent à une bataille de ralliements et à un concours d’éloquence à droite.
Comme le résumait le philosophe Marcel Gauchet, « La sécurité contre l'aventure, tel est le vrai clivage politique d'aujourd'hui ». Face aux candidatures Zemmour, Le Pen ou Mélenchon qui incarnent une véritable rupture, le président joue la carte de la continuité rassurante.
Il joue sur le clivage du « raisonnable » contre les extrêmes, dans lesquels ranger tout ce qui lui est opposé, y compris Valérie Pécresse. La tripartition politique enclenchée en 2017 se poursuit : une droite dure, une gauche extrême et au milieu un grand centre du cercle de la raison qui telle une planète centrifuge aspire les astres morts que sont le PS et les Républicains. Le danger de cette recomposition qui annihile les clivages idéologiques est de se retrouver avec un président de la République mal élu, n’ayant pas la légitimité pour assurer les réformes nécessaires au pays. On s’achemine vers une élection qui ne réglera aucun problème.